Conseil d’Etat, 6 mars 2002, n° 178123, Consorts B.

Lorsque des conclusions indemnitaires ont été présentées au nom d’un enfant mineur par ses représentants légaux et que l’intéressé a atteint l’âge de la majorité en cours d’instance, le délai d’appel ne court à son égard qu’à compter de la notification du jugement qui lui est adressée personnellement.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 178123

Consorts B.

M. Aladjidi, Rapporteur

M. Olson, Commissaire du gouvernement

Séance du 11 février 2002

Lecture du 6 mars 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 5ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 26 février 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Philippe B., Mme Annie S. épouse B. et M. Jean-Philippe B. ; les consorts B. demandent au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance, en date du 22 décembre 1995, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Paris a donné acte du désistement d’office de leur requête tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Versailles du 3 juillet 1995 qui n’a que partiellement fait droit à leur demande de condamnation de la commune de Montmorency à réparer les conséquences dommageables de l’accident dont M. Jean-Philippe B. a été victime le 26 juin 1989 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de M. Aladjidi, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat des consorts B.,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article R.152 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, alors applicable : "Si malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, le demandeur n’a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l’envoi..., il est réputé s’être désisté" ; que, dans leur requête introductive d’instance, enregistrée le 2 novembre 1995 au greffe de la cour administrative d’appel de Paris, les consorts B. avaient annoncé leur intention de produire un mémoire complémentaire, lequel a été versé au dossier le 18 décembre 1995 dans les délais fixés aux intéressés ; que cette circonstance, alors même que le contenu du mémoire produit le 18 décembre 1995 était identique à celui de leur requête initiale, faisait obstacle à ce que la cour fit application des dispositions précitées de l’article R. 152 et donnât acte d’office de leur désistement ; que, par suite, les consorts B. sont fondés à demander l’annulation de l’ordonnance du président de la cour administrative d’appel de Paris en date du 22 décembre 1995 ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Considérant que lorsque des conclusions indemnitaires ont été présentées au nom d’un enfant mineur par ses représentants légaux et que l’intéressé a atteint l’âge de la majorité en cours d’instance, le délai d’appel ne court à son égard qu’à compter de la notification du jugement qui lui est adressée personnellement ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 3 juillet 1995 n’a pas été notifié à M. Jean-Philippe B. au nom duquel ses parents avaient engagé en 1991 une action en responsabilité et qui était devenu majeur, d’après les pièces du dossier soumis aux premiers juges, le 2 mars 1993 ; qu’ainsi l’intéressé, alors même qu’il n’est pas établi qu’il n’habitait plus à l’époque à l’adresse de ses parents, auxquels a été notifié le jugement susmentionné le 11 août 1995, était recevable à en relever appel le 2 novembre 1995 ;

Considérant qu’il sera fait une juste appréciation du montant des frais occasionnés par l’appareillage dentaire qu’a nécessité l’accident dont a été victime M. Jean-Philippe B. le 26 juin 1989 et son renouvellement au terme d’une durée de vie de quinze ans, en les fixant à 30 000 euros ; qu’il y a lieu de réformer le jugement du tribunal administratif de Versailles du 3 juillet 1995 en ce qu’il a de contraire à la présente décision et de condamner la commune de Montmorency, quia été reconnue responsable de l’accident, à verser ladite somme à M. Jean-Philippe B. ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune de Montmorency à payer à M. Jean-Philippe B. une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du président de la cour administrative d’appel de Paris en date du 22 décembre 1995 est annulée.

Article 2 : L’indemnité que la commune de Montmorency a été condamnée à verser à M. Jean-Philippe B. au titre des frais prothétiques est portée de 9 146,94 euros (60 000 F) à 30 000 euros.

Article 3 : L’article 1er du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 3 juillet 1995 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée devant la cour administrative d’appel de Paris par les consorts B. est rejeté.

Article 5 : La commune de Montmorency versera à M. Jean-Philippe B. une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe B., à Mme Annie B., à M. Jean-Philippe B., à la commune de Montmorency, à la caisse primaire d’assurance maladie du Val-d’Oise et au ministre de l’intérieur.

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