En dehors du cas où les caractéristiques particulières de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d’exploitation d’un établissement commercial, ce dernier ne justifie pas d’un intérêt à contester devant le juge de l’excès de pouvoir un permis de construire délivré à une entreprise concurrente, même située à proximité.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 216088
SOCIETE FRANCE QUICK SA
M. Edouard Philippe, Rapporteur
M. Piveteau, Commissaire du gouvernement
Séance du 23 janvier 2002
Lecture du 22 février 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 janvier et 9 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE FRANCE QUICK SA, dont le siège est situé "Les Mercuriales", 40 rue Jean Jaurès à Bagnolet cedex (93176) ; la SOCIETE FRANCE QUICK SA demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 26 octobre 1999 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a, à la demande des sociétés Mac Donald’s France et Castel Grill et de la ville de Paris, d’une part annulé le jugement en date du 12 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a, à la demande de la SOCIETE FRANCE QUICK SA, annulé les arrêtés des 24 janvier et 29 mars 1994 par lesquels le maire de Paris a délivré un permis de construire à la société Mac Donald’s France SA pour un projet concernant un immeuble sis 10 place de Clichy à Paris (75009), puis autorisé le transfert de ce permis à la société Castel Grill, d’autre part rejeté sa demande présentée devant le tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner les sociétés Mac Donald’s France et Castel Grill et la ville de Paris à lui verser la somme de 1 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Edouard Philippe, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE FRANCE QUICK SA, de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la société Me Donald’s France et de Me Foussard, avocat de la ville de Paris,
les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Mac Donald’s France a été rendue bénéficiaire, par arrêté du maire de Paris en date du 24 janvier 1994, d’un permis de construire portant sur un immeuble situé 10 place de Clichy à Paris (9ème) et consistant, aux fins d’y poursuivre sous son enseigne une activité de restauration rapide déjà existante, en un réaménagement de locaux commerciaux en rez-de-chaussée et premier étage, avec suppression d’un logement et modification de façade ; que le permis ainsi accordé a été transféré à la société Castel Grill par arrêté du maire de Paris en date du 29 mars 1994 ; que le tribunal administratif de Paris a, à la demande de la SOCIETE FRANCE QUICK SA qui exploite un établissement de restauration rapide dans un immeuble situé 3 avenue de Clichy à Paris (17ème), annulé le permis de construire et, par voie de conséquence, l’arrêté portant transfert de celui-ci, par jugement du 12 décembre 1996 ; que la cour administrative d’appel de Paris a, à la demande des sociétés Mac’Donald’s France et Castel Grill et de la ville de Paris, annulé ce jugement par arrêt du 26 octobre 1999 ;
Considérant qu’en dehors du cas où les caractéristiques particulières de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d’exploitation d’un établissement commercial, ce dernier ne justifie pas d’un intérêt à contester devant le juge de l’excès de pouvoir un permis de construire délivré à une entreprise concurrente, même située à proximité ;
Considérant que pour annuler le jugement du tribunal administratif de Paris la cour administrative d’appel de Paris s’est fondée sur ce que la SOCIETE FRANCE QUICK SA ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour contester le permis de construire litigieux, "compte tenu de la distance d’environ 200 mètres qui sépare l’établissement exploité par la SOCIETE FRANCE QUICK SA au n° 3 de l’avenue de Clichy à Paris de la construction litigieuse située au n° 10 place de Clichy, de la configuration des lieux ainsi que de la nature des travaux autorisés" ; qu’en se fondant sur ces critères alors que la SOCIETE FRANCE QUICK SA, qui exploite une entreprise de restauration, ne justifie d’aucun autre intérêt que celui tiré de la concurrence commerciale, la cour administrative d’appel de Paris a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; qu’ainsi l’arrêt attaqué doit être annulé ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Considérant que les requêtes présentées devant la cour administrative d’appel de Paris, d’une part, par les sociétés Mac Donald’s France et Castel Grill, d’autre part, par la ville de Paris tendent à l’annulation du même jugement du tribunal administratif de Paris en date du 12 décembre 1996 ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur les moyens des requêtes :
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE FRANCE QUICK SA, qui ne justifie d’aucun autre intérêt que celui tiré de la concurrence commerciale avec la société bénéficiaire du permis de construire, n’est pas recevable à contester ce permis devant le juge de l’excès de pouvoir ; qu’ainsi le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 29 mars 1994 doit être annulé et la demande présentée devant ce tribunal par la SOCIETE FRANCE QUICK SA rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sociétés Mac Donald’s France SA et Castel Grill et la ville de Paris qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnées à payer à la SOCIETE FRANCE QUICK SA la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la SOCIETE FRANCE QUICK SA à payer aux sociétés Mac Donald’s France, Castel Grill et à la ville de Paris les sommes que demandent celles-ci au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 26 octobre 1999 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 12 décembre 1996 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par la SOCIETE FRANCE QUICK SA devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 4 : Les conclusions des requêtes présentées par les sociétés FRANCE QUICK SA, Mac Donald’s France SA et Castel Grill et par la ville de Paris et tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FRANCE QUICK SA, à la société Mac Donald’s France, à la société Castel Grill, à la ville de Paris et au ministre de l’équipement, des transports et du logement.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article570