Conseil d’Etat, 20 janvier 1995, n° 136632, Hoke

L’existence de cette mesure de contrôle judiciaire n’affecte pas la légalité de l’arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de l’intéressé, dont l’exécution ne pourra toutefois intervenir qu’une fois levée par le juge judiciaire l’interdiction de quitter le territoire.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 136632

Hoke

M Pêcheur, Rapporteur

Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement

Lecture du 20 Janvier 1995

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 avril 1992 et 23 juin 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés par M Wolfgang Hoke demeurant 15 rue du faubourg Saint-Martin à Paris (75010) ; M Hoke demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement en date du 13 mars 1992 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de police de Paris en date du 10 mars 1992 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16 et 24 août 1990 ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 81-405 du 28 avril 1981 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M Pêcheur, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté en date du 10 mars 1992, le préfet de police a ordonné la reconduite à la frontière de M Hoke, ressortissant allemand, qui séjournait en France sans titre de séjour ;

Considérant en premier lieu que le moyen tiré de ce que M Hoke aurait un droit de séjour en France en vertu des accords passés entre la France et l’Allemagne est dénué de toute précision permettant d’en apprécier la portée ;

Considérant en deuxième lieu qu’il est constant que M Hoke, qui n’entrait dans aucune des catégories de ressortissants communautaires bénéficiaires d’un droit de séjour en application du décret du 28 avril 1981 applicable à la date de l’arrêté attaqué, séjournait depuis plus de trois mois sur le territoire national ; qu’aux termes de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 : "Le représentant de l’Etat et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 2° si l’étranger s’est maintenu sur le territoire à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré" ; que le requérant était dépourvu du titre de séjour mentionné à l’article 22 précité ;

Considérant en troisième lieu que le requérant ne saurait utilement se prévaloir à l’appui de son recours de ce que l’administration aurait omis de lui signaler qu’il était en situation irrégulière, ni de ce qu’il aurait été empêché par le fait de l’administration de solliciter la délivrance du titre de séjour mentionné à l’article 22 précité ;

Considérant en quatrième lieu que si M Hoke, à la date de l’arrêté du 10 mars 1992, faisait l’objet d’une mesure de contrôle judiciaire, assortie d’une interdiction de quitter le territoire français, l’arrêté attaqué ne comportait la reconduite à la frontière de M Hoke qu’une fois levée, par le juge judiciaire, l’interdiction ainsi prononcée ;

Considérant en cinquième lieu que si M Hoke s’est marié en France avec une ressortissante de nationalité marocaine, elle-même d’ailleurs en situation irrégulière, il ne résulte pas des pièces du dossier que, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour de M et Mme Hoke en France, l’arrêté du 10 mars 1992 ordonnant la reconduite à la frontière de M Hoke ait porté au droit de celui-ci au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ;

Considérant que si M Hoke se prévaut de ce qu’il serait père d’un enfant de nationalité française, il ressort des pièces du dossier que cet enfant n’était pas né à la date de l’arrêté du 10 mars 1992 ; que cette circonstance est, dès lors, en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l’arrêté attaqué ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 10 mars 1992 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M Hoke est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M Wolgang Hoke, au préfet de police de Paris et au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article474