Conseil d’Etat, 10 décembre 2001, n° 234896, Ministre de l’intérieur c/ M. P.

Si la décision par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a informé le requérant de la perte de validité de son permis de conduire et lui a enjoint de restituer ce titre porte une atteinte grave et immédiate à l’exercice de sa profession de transporteur routier, elle répond, eu égard à la gravité et au caractère répété des infractions au code de la route commises par l’intéressé sur une brève période de temps, à des exigences de protection et de sécurité routière. Dans ces conditions, la condition d’urgence, qui doit s’apprécier objectivement et globalement, n’est pas remplie. La demande de suspension doit être rejetée.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 234896

MINISTRE DE L’INTERIEUR
c/ M. P.

M. Aladjidi, Rapporteur

M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement

Séance du 12 novembre 2001

Lecture du 10 décembre 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 7ème sous-sections réunies)

Vu le recours du MINISTRE DE L’INTERIEUR, enregistré le 19 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, et tendant à l’annulation de l’ordonnance en date du 18 mai 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l’exécution de la décision du 1er décembre 2000 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a constaté la perte de validité du permis de conduire de M. Gérald P. et lui a enjoint de restituer ce titre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative et notamment son livre V ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aladjidi, Auditeur,

- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;

Considérant que, pour prononcer la suspension de la décision en date du 1er décembre 2000 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a informé M. P. de la perte de validité de son permis de conduire pour défaut de points et lui a enjoint de restituer ce titre, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand s’est borné à relever, sans préciser les considérations sur lesquelles il se fondait, que l’intéressé "justifie de l’existence d’une situation d’urgence" ; que l’ordonnance attaquée est ainsi entachée d’une insuffisance de motivation et doit, dès lors, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu pour le Conseil d’Etat, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer sur la demande de suspension présentée par M. P. ;

Considérant que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que si la décision par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a informé M. P. de la perte de validité de son permis de conduire et lui a enjoint de restituer ce titre porte une atteinte grave et immédiate à l’exercice de sa profession de transporteur routier, elle répond, eu égard à la gravité et au caractère répété des infractions au code de la route commises par l’intéressé sur une brève période de temps, à des exigences de protection et de sécurité routière ; que, dans ces conditions, la condition d’urgence, qui doit s’apprécier objectivement et globalement, n’est pas remplie ; qu’il en résulte que la demande de suspension doit être rejetée ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance en date du 18 mai 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulée.

Article 2 : La demande de suspension présentée par M. P. est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’INTERIEUR et à M. Gérald P..

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