Conseil d’Etat, 3 décembre 2001, n° 218029, Syndicat national de l’exercice libéral de la médecine à l’hopital

Les directives ne sauraient être invoquées par les ressortissants d’un Etat membre à l’encontre d’un acte administratif individuel ou même du regroupement de plusieurs actes individuels dans un acte collectif ; qu’il suit de là que le requérant ne peut utilement soutenir que les mesures prévues par l’arrêté attaqué méconnaîtraient les objectifs de la directive précitée du 5 avril 1993.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 218029

SYNDICAT NATIONAL DE L’EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L’HOPITAL

Mlle Landais, Rapporteur

Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement

Séance du 5 novembre 2001

Lecture du 3 décembre 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 février et 29 juin 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par le SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L’EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L’HOPITAL, dont le siège est 6, avenue Adrien Hébrard à Paris (75016), représenté par son secrétaire général ; le SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L’EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L’HOPITAL demande au Conseil d’Etat ;

1°) l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté interministériel du 31 décembre 1999 fixant, en application de l’article L. 356 du code de la santé publique, la liste des personnes autorisées à exercer la profession de médecin au titre de l’année 1998 ;

2°) la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 25 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative, et notamment son article R. 311-1 (5°) ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,

- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L’EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L’HOPITAL demande l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté interministériel du 31 décembre 1999 qui fixe une liste de 907 personnes autorisées à exercer la profession de médecin au titre de l’année 1998 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 356 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable issue de la loi n° 72-661 du 13 juillet 1972 : « Le ministre chargé de la santé publique peut, après avis d’une commission (..) autoriser individuellement à exercer : - des personnes étrangères titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l’article L. 356-2 ;/ - des personnes françaises ou étrangères, titulaires d’un diplôme, titre ou certificat de valeur scientifique reconnue équivalente par le ministre chargé des universités à celle d’un diplôme français permettant l’exercice de la profession et qui ont subi avec succès des épreuves définies par voie réglementaire./ Le nombre maximum de ces autorisations est fixé chaque année par arrêté du ministre chargé de la santé en accord avec la commission prévue ci-dessus et compte tenu du mode d’exercice de la profession » ; que le B du III de l’article 60 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 prévoit qu’une autorisation d’exercer la médecine est accordée « aux personnes justifiant, à la date de présentation de leur candidature, des six années de fonctions hospitalières ainsi qu’aux Français rapatriés d’Algérie ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises, sans qu’il y ait lieu de tenir compte du nombre maximum d’autorisations prévu au sixième alinéa du 2° de l’article L. 356 du code de la santé publique » ; que sur les 907 personnes mentionnées dans le texte de l’arrêté attaqué, 300 d’entre elles y figurent en application de l’article L. 356 du code de la santé publique et 607 sont comprises dans la liste qu’il dresse au titre du B du III de l’article 60 de la loi du 27 juillet 1999 ;

Sur les conclusions dirigées contre l’arrêté en tant qu’il fait application des dispositions du B du III de l’article 60 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la requête ;

Considérant que l’article 60 de la loi du 27 juillet 1999 qui est entré en vigueur à compter de la publication de cette loi au Journal officiel de la République française ne dispose que pour l’avenir ; qu’ainsi en établissant, sur son fondement, une liste de 607 personnes autorisées à exercer la profession de médecin au titre de l’année 1998, l’arrêté attaqué, en raison de sa portée rétroactive, méconnaît le champ d’application dans le temps de la disposition législative qui lui sert de support ; qu’il y a lieu, par suite, d’annuler l’arrêté interministériel du 31 décembre 1999 en tant qu’il fixe la liste des personnes autorisées à exercer la profession de médecin, en application des dispositions de l’article 60 de la loi du 27 juillet 1999 au titre de l’année 1998 ;

Sur les conclusions dirigées contre l’arrêté en tant qu’il fait application des dispositions de l’article L. 356 du code de la santé publique dans leur rédaction issue de la loi n° 72-661 du 13 Juillet 1972 :

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par le syndicat requérant, les objectifs fixés par les termes clairs de la directive 93/16/CEE du Conseil du 5 avril 1993 visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres n’interdisent pas, ainsi qu’il est dit au paragraphe 5 de l’article 23 de cette directive, aux Etats membres de la Communauté européenne d’accorder sur leur territoire, selon leur réglementation, l’accès aux activités de médecin et leur exercice aux titulaires de diplômes, certificats ou autres titres, qui n’ont pas été obtenus dans un autre Etat membre ; que le syndicat requérant ne peut ainsi soutenir que les dispositions de l’article L. 356 du code de la santé publique seraient incompatibles avec les objectifs de cette directive en ce qu’elles permettent d’autoriser l’exercice de la médecine à des personnes titulaires d’un diplôme non visé par cette directive ;

Considérant que les directives ne sauraient être invoquées par les ressortissants d’un Etat membre à l’encontre d’un acte administratif individuel ou même du regroupement de plusieurs actes individuels dans un acte collectif ; qu’il suit de là que le requérant ne peut utilement soutenir que les mesures prévues par l’arrêté attaqué méconnaîtraient les objectifs de la directive précitée du 5 avril 1993 ;

Considérant que les dispositions attaquées de l’arrêté ont été prises sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 356 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi précitée du 13 juillet 1972 ; que l’intervention de lois postérieures des 4 février 1995 et 28 mai 1996 qui visent d’autres hypothèses que celles régies par l’article L. 356 du code de la santé publique est, dès lors, sans incidence sur la légalité d’un arrêté pris sur le fondement de cet article ; que, de même, le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l’article L. 356 du code de la santé publique dès lors que ces dispositions ne constituent pas le fondement de l’arrêté attaqué ;

Considérant que, pour les mêmes raisons, le requérant ne peut, en tout état de cause soutenir, en invoquant d’ailleurs à tort le deuxième alinéa du 2° de l’article L. 356 du code de la santé publique, qui prévoit la possibilité pour la France de conclure des engagements internationaux permettant l’exercice de la profession de médecin à des étrangers, que l’arrêté attaqué méconnaîtrait la condition de réciprocité prévue pour les traités et accords par l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Considérant que l’article L. 356 du code de la santé publique habilite l’autorité ministérielle à accorder une autorisation d’exercer à des ressortissants communautaires ; que, par suite, le requérant ne peut soutenir que l’arrêté accorderait un traitement privilégié aux ressortissants d’Etats non membres de la Communauté ;

Considérant que le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué instaurerait une aide de nature à fausser les conditions d’établissement pour l’exercice de la profession de médecine est dépourvu des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautés européennes d’une question préjudicielle, que le SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L’EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L’HOPITAL n’est pas fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir, par les moyens qu’il invoque, de l’arrêté interministériel du 31 décembre 1999 en tant qu’il fixe la liste des personnes autorisées à exercer la profession de médecin au titre de l’année 1998 en application des dispositions de l’article L. 356 du code de la santé publique ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à payer au SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L’EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L’HOPITAL la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er:L’arrêté interministériel du 31 décembre 1999 est annulé en tant qu’il fixe la liste des personnes autorisées à exercer la profession de médecin au titre de l’année 1998 en application des dispositions de l’article 60 de la loi du 27 juillet 1999.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L’EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L’HOPITAL est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L’EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L’HOPITAL et au ministre de l’emploi et de la solidarité.

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