Contribution Delalande : Aggravation du régime

Par Pascal ROCHE
Juriste spécialisé en Droit du Travail

La Contribution Delalande, pénalité financière destinée à protéger les salariés âgés du licenciement, ne suffisait plus, ces dernières années, à enrayer l’augmentation exponentielle du chômage des actifs de plus de 50 ans.

1. La Contribution Delalande, pénalité financière destinée à protéger les salariés âgés du licenciement, ne suffisait plus, ces dernières années, à enrayer l’augmentation exponentielle du chômage des actifs de plus de 50 ans. Afin de juguler celle-ci, la majorité avait en début d’année, substantiellement aggravé le montant des pénalités, les portant dans certains cas, à 12 mois de salaire. Elle enfonce le clou, par une loi du 8 juillet 1999, qui vient restreindre les possibilités d’exonération.

2. Aux termes de l’article L 321-13 du code du travail, toute rupture du contrat de travail d’un salarié de plus de 50 ans, entraîne l’obligation pour l’employeur de verser aux ASSEDIC une cotisation variable selon l’age du salarié. Cette cotisation n’est toutefois pas due dans un certain nombre de circonstances (10 cas d’exonération au total), aux rang desquelles on compte notamment l’adhésion du salarié à une convention de conversion, et le refus par le salarié d’une préretraite du FNE. Selon le rapporteur ces deux causes d’exonération étaient abusivement utilisées par de nombreuses entreprises afin d’échapper au règlement de ladite cotisation, et d’optimiser les coûts des licenciements, alors même que l’appel à de tels dispositifs n’était pas toujours justifié. De fait, le nombre d’adhésion à une conventions de conversion était en augmentation très sensible chez les salariés de plus de 50 ans. Bien que le sénat ait mis en doute de tels abus, la proposition de loi à été adoptée en troisième lecture, par l’Assemblé Nationale. Elle modifie les deux causes d’exonération précitées, à effet rétroactif du premier janvier 1999.

3. L’adhésion à une convention de conversion doit obligatoirement être proposée à tout salarié licencié pour motif économique, ayant au moment du licenciement deux ans d’ancienneté. Elle s’exprime du point de vue du salarié par un abandon des indemnités compensatrices de préavis (dans une limite de deux mois), au profit d’une meilleure indemnisation chômage, ainsi que d’actions de reclassement. En pratique, cette adhésion se révèle plus avantageuse que le régime d’assurance chômage classique de sorte que les salariés y adhèrent la plupart du temps. Jusqu’à présent, l’adhésion à un tel dispositif était exonératoire du paiement de la contribution Delalande. Ce n’est désormais plus le cas. L’article 1 de la loi dispose à cet effet que "La cotisation est due également pour chaque rupture de contrat de travail intervenue du fait de l’adhésion d’un salarié à une convention de conversion". On notera toutefois que le montant de la cotisation à acquitter sera susceptible d’être modulé selon la participation financière de l’entreprise au financement de la convention de conversion. Sur ce point un décret viendra apporter les précisions nécessaires. 

4. L’article 2 de la loi concerne un public plus restreint, car le dispositif de la préretraite FNE est réservé aux salariés âgés de 57 ans ou plus. Au surplus le refus d’adhésion à un tel dispositif est extrêmement résiduel, puisqu’il ne concerne qu’une soixantaine de salariés par an. Il n’en demeure pas moins que les parlementaires ont voulu limiter le champ de cette exonération. Celle-ci ne peut désormais jouer que dans le cas ou le salarié à effectivement adhéré à une convention de préretraite du FNE (Article L 322-4 2° du Code du travail). Jusqu’à présent, la seule proposition était suffisante. L’employeur pouvait donc se contenter de conclure une telle convention avec l’Etat, et dissuader, par la suite son salarié d’y adhérer. Il échappait ainsi à la pénalité et au financement de la préretraite. Il est désormais nécessaire que le salarié adhère à la convention sans quoi, le cotisation devra être acquittée.

5. Afin de d’éviter un pic de licenciements avant sa promulgation les parlementaires ont pris la précaution de faire rétroagir la loi au 1er janvier 1999 (article 3). A cet égard, il y a lieu de se référer à la date de rupture du contrat de travail, pour apprécier le régime applicable. Ainsi, une procédure de licenciement engagée avant le premier janvier sera susceptible d’être concernée par la loi, si le terme du contrat, par le jeu du préavis, dont on rappelle qu’il est préfix, est fixé au premier janvier ou au delà.

6. Essentiellement conçue comme une mesure de moralisation (la rétroactivité en est un signe fort), consistant à décourager les stratégies de contournement d’employeurs peu scrupuleux, la loi du 8 juillet 1999 risque toutefois d’engendrer de nouvelles difficultés. Il est évident que le nombre de licenciements pour motif économique va substantiellement chuter, et ce d’autant plus que les pénalités assorties sont désormais sévères. Il n’en demeure pas moins que si les employeurs visés sont aussi peu scrupuleux que les parlementaires l’affirment, ils n’hésiteront pas à se rabattre sur une autre cause exonératoire, bien plus dommageable pour les salariés : le licenciement pour faute grave. Une telle conséquence serait d’autant plus mal venue, que non content de porter, en valeur absolue, sur des intérêts élevés (les indemnités de licenciement sont généralement importantes chez les salariés âgés du fait de leur ancienneté), elle concernerait une part croissante de la population active. 

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Citation : Pascal ROCHE, Contribution Delalande : Aggravation du régime , 10 août 1999, http://www.rajf.org/spip.php?article36

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