Tribunal administratif de Toulouse, 25 septembre 2001, n° 01/1141, Elections municipales de Rodez, Mme H.

Le site internet spécialement réalisé en vue de l’élection par la liste "Rodez avec M. C" dans les semaines qui ont précédé le scrutin est un moyen de propagande électorale auquel il appartient aux électeurs de choisir d’accéder ; qu’il ne constitue dès lors pas un procédé de publicité commerciale par un moyen de communication audiovisuelle.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE TOULOUSE

N° 01/1141

Mme H, M. B c/ M. C et autres, Préfet de l’Aveyron

I. CARTHE MAZERES, Conseiller Rapporteur

JP CLEMENT, Commissaire du Gouvernement

Audience du 11 septembre 2001

Lecture du 25 septembre 2001

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal administratif de Toulouse, 3ème Chambre

Vu, enregistré le 16 mars 2001, au greffe du Tribunal sous le n° 01/1141, la protestation pour Mme H et M. B contre les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 11 mars 2001 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Rodez ;

Mme H et M. B demandent que le Tribunal annule lesdites opérations électorales et, subsidiairement qu’il annule l’élection de M. C comme inéligible pendant un an ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2001, présenté pour M. C ; il conclut au rejet de la protestation et à la condamnation de Mme H et M. B à lui payer chacun la somme de 3229,20 F en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Vu le procès-verbal des opérations électorales en cause et les documents y annexés ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le Code électoral ;

Vu le Code général des collectivités territoriales ;

Vu le Code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 septembre 2001 :

- le rapport de Mme CARTHE-MAZERES, conseiller ;

- les observations de Me BERGER, avocat de Mme H et de M. B ainsi que celles de Me PETIT, avocat de M. C et autres ;

- et les conclusions de M. CLEMENT, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir :

Sur les griefs tendant à l’annulation des opérations électorales dans leur ensemble :

Considérant en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 52-1 du Code électoral : "Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du jour du scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite" ; que le site internet spécialement réalisé en vue de l’élection par la liste "Rodez avec M. C" dans les semaines qui ont précédé le scrutin est un moyen de propagande électorale auquel il appartient aux électeurs de choisir d’accéder ; qu’il ne constitue dès lors pas un procédé de publicité commerciale par un moyen de communication audiovisuelle ;

Considérant en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 49 du même code : "Il est interdit de distribuer ou faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres documents . / A partir de la veille du scrutin à zéro heure , il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale" ; que si le maintien le jour même du scrutin d’une partie su site internet créé par la liste "Rodez avec M. C" ne peut être confondu avec la distribution interdite au premier alinéa des dispositions précitées, cette circonstance constitue en revanche une violation du second alinéa ; que cependant il ne résulte pas de l’instruction que, compte tenu de la possibilité que les candidats de la liste des requérants avaient eu de répondre à son contenu qui n’est d’ailleurs pas critiqué, ledit site internet, resté inchangé depuis sa création, ait été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 50-1 du Code : "Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, aucun numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit ne peut être porté à la connaissance du public par un candidat, une liste de candidats ou à leur profit" ; qu’il est constant que l’accès au site internet de la liste "Rodez avec M. C" entraînait en principe le paiement d’une communication téléphonique ; que, par suite, ledit site internet ne peut être regardé comme un numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit ;

Considérant, en quatrième lieu, que les candidats de la liste des requérants pouvaient également utiliser l’internet comme un moyen de communication audiovisuelle dans la campagne électorale ; qu’il en résulte que la mise en oeuvre par la liste adverse du site en litige n’a pas porté atteinte au principe d’égalité entre les candidats ;

Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes du second alinéa de l’article L. 52-1 du Code : "A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin" ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que la création par la communauté d’agglomération du grand Rodez en 1997 d’un site internet qui comporte une présentation générale et attrayante de l’agglomération doive être regardé comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité au sens de l’article L. 52-1 du Code électoral ;

Sur mes griefs tendant uniquement au prononcé de l’inéligibilité de M. C et, par voie de conséquence, à l’annulation de sa seule élection ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 52-12 du Code électoral : "Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l’article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l’accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié" ; qu’aux termes de l’article L. 118-3 du même Code : "Saisi par la commission instituée par l’article L. 52-14, le juge de l’élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales./ Dans les autres cas, le juge de l’élection peut ne pas prononcer l’inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité./Si le juge de l’élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l’élection n’a pas été contestée, le déclare démissionnaire d’office" ;

Considérant que le plafond des dépenses électorales applicables aux élections municipales de mars 2001 dans la commune de Rodez s’élevait à 194 941 F et que M. C a fait figurer dans son compte de campagne, approuvé par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques le 13 juin 2001, un total de dépenses de 172 671 F ; qu’à l’appui de leur protestation, Mme H et M. B font valoir que certaines dépenses ont été omises et une autre sous-évaluée ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction, d’une part, qu’en défendant le projet d’aménagement du quartier Foirail Pré Lamarque approuvé depuis un an par la communauté d’agglomération du grand Rodez dont il était président, M. C, qui pendant la campagne des élections municipales répondait aux critiques des candidats de la liste des requérants, ne s’est pas personnellement approprié ledit projet ; que, d’autre part, le site internet de la communauté d’agglomération du grand Rodez par son contenu, rapporté ci-dessus, n’a contribué d’aucune manière à la campagne de M. C ni ne lui a profité en tant que candidat à l’élection municipale ; qu’enfin, il n’est pas établi que "son équipe" aurait tenu cent réunions publiques ; qu’ainsi les frais d’étude du projet d’aménagement du quartier Foiral Pré Lamarque, les frais de création du site internet de la communauté d’agglomération du grand Rodez et les frais, d’ailleurs mal définis, correspondant à la tenue de cent réunions publiques ne constituent pas des dépenses engagées par M. C en vue de l’élection au sens de l’article L. 52-12 précité ;

Considérant, en deuxième lieu, que le coût de l’enquête relative aux élections municipales de Rodez menée par la société Ipsos au mois de juillet 2000 à la demande de M. C figure en dépense au poste des "enquêtes et sondages" de son compte de campagne pour un montant de 35 880 F ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que cette dépense engagée en vue de l’élection serait sous-évaluée ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la protestation susvisée doit être rejetée sans qu’il soit besoin d’ordonner la mesure d’instruction demandée visant à déterminer le nombre de connexion au site internet de la liste "Rodez avec M. C" ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner Mme H et M B à payer chacun à M. C une somme de 3000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : la protestation de Mme H et de M B est rejetée.

Article 2 : Mme H et M. B verseront chacun à M. C une somme de 3000 F au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article346