Conseil d’Etat, 3 décembre 2014, n° 382217, Elections municipales de La Croix Saint-Leuffroy (Eure)

Les termes de cet éditorial, prenant ouvertement parti pour les candidats issus de la liste municipale sortante, ont conféré à la diffusion d’un bulletin mettant par ailleurs en valeur les réalisations de la commune le caractère d’une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la collectivité intéressée par le scrutin, prohibée par les dispositions citées ci-dessus de l’article L. 52-1 du code électoral

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 382217

Elections municipales de La Croix Saint-Leuffroy (Eure)

M. François Lelièvre
Rapporteur

M. Gilles Pellissier
Rapporteur public

Séance du 14 novembre 2014
Lecture du 3 décembre 2014

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. G.E. et autres dans la même commune ; M. E.et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement n° 1401018-1401188 du 5 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, sur la demande de M. D.H., d’une part, les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 pour l’élection des conseillers municipaux dans la commune de La Croix Saint-Leufroy (Eure), et, d’autre part, l’élection de M. E. et de Mme H qualité de conseillers communautaires ;

2°) de rejeter les protestations de M. H.contre ces opérations électorales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

Considérant qu’à l’issue des élections municipales qui ont eu lieu le 23 mars 2014 à La Croix Saint-Leuffroy, la liste " Tous ensemble : l’expérience et la jeunesse à votre écoute ", conduite par M. G.E., a obtenu 273 voix, contre 270 pour la liste " Une nouvelle dynamique pour notre village " conduite par M. D.H. ; que par le jugement attaqué du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de ce dernier, annulé ces opérations électorales ;

Considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral : " A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin (.) " ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le dernier bulletin municipal de La Croix Saint-Leuffroy avant le renouvellement du conseil municipal, publié au mois de décembre 2013, présentait de manière avantageuse les réalisations de la commune au cours du semestre écoulé ; que, si la tonalité favorable de cette présentation ne différait pas, en elle-même, de celle des précédents bulletin municipaux, elle était en l’espèce précédée d’un éditorial du maire sortant, contenant les propos suivants : " (.) je me dois de vous engager majoritairement pour la liste issue du conseil sortant. Certes la démocratie doit s’exprimer, mais il serait imprudent de laisser la gestion de notre commune à une équipe inexpérimentée : c’est parmi les vœux que je peux exprimer à votre égard le plus important (.) " ; que les termes de cet éditorial, prenant ouvertement parti pour les candidats issus de la liste municipale sortante, ont conféré à la diffusion d’un bulletin mettant par ailleurs en valeur les réalisations de la commune le caractère d’une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la collectivité intéressée par le scrutin, prohibée par les dispositions citées ci-dessus de l’article L. 52-1 du code électoral ;

Considérant que M. E.et autres ne sauraient utilement soutenir, à l’appui d’une requête visant, en appel du jugement ayant annulé des opérations électorales, à la validation de ces élections, que les membres de la liste adverse auraient également commis des irrégularités ; qu’eu égard au faible écart de voix entre les listes, l’irrégularité en cause a été de nature à altérer la sincérité du scrutin ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé les opérations électorales de la commune de La Croix Saint-Leuffroy ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. H.et autres, qui ne sont pas la partie perdante, le versement des sommes que demandent M. E.et autres ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de M. H.et autres au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E.et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. H.et autres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. G.E., à M. D.H.et au ministre de l’intérieur.

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