Conseil d’Etat, 12 décembre 2008, n° 312441, Véronique B.

Le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension d’une décision administrative, fût-elle de rejet, si, d’une part, l’urgence le justifie et si, d’autre part, l’un des moyens paraît, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu’il lui appartient, dans tous les cas, d’apprécier objectivement et globalement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de la décision litigieuse sur la situation de ce dernier sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 312441

Mme B.

M. Xavier Domino
Rapporteur

M. Emmanuel Glaser
Commissaire du gouvernement

Séance du 12 novembre 2008
Lecture du 12 décembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 janvier et 5 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Véronique B. ; Mme B. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 6 décembre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à la suspension de l’exécution de la décision du 3 septembre 2007, par laquelle la présidente du conseil général de la Réunion a rejeté sa demande d’agrément en qualité d’assistante maternelle ;

2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de suspendre l’exécution de la décision litigieuse ;

3°) de mettre à la charge du département de la Réunion la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme B. et de la SCP Boulloche, avocat du département de la Réunion,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l’agrément d’assistante maternelle dont bénéficiait Mme B. a été retiré par la présidente du conseil général de la Réunion par une décision du 20 mars 2007 ; que, par décision du 3 septembre 2007, la présidente du conseil général de la Réunion a rejeté la nouvelle demande d’agrément dont l’intéressée l’avait saisie le 2 juillet 2007 ; que, par une ordonnance du 6 décembre 2007, contre laquelle Mme B. se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté la demande de l’intéressée tendant à la suspension de l’exécution de la décision du 3 septembre 2007 ;

Considérant que le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension d’une décision administrative, fût-elle de rejet, si, d’une part, l’urgence le justifie et si, d’autre part, l’un des moyens paraît, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu’il lui appartient, dans tous les cas, d’apprécier objectivement et globalement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de la décision litigieuse sur la situation de ce dernier sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant qu’en jugeant que, alors même que la décision du 3 septembre 2007 priverait Mme B. des revenus attachés au travail d’assistance maternelle, l’urgence ne pouvait être regardée comme établie dès lors que l’intéressée était privée de tels revenus depuis la décision de retrait de son agrément du 20 mars 2007, contre laquelle elle n’avait formé aucun recours contentieux, sans examiner, au regard des justifications fournies par la requérante, si, à la date à laquelle il se prononçait, la décision litigieuse modifiait sa situation financière et ses conditions d’existence, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que Mme B. est dès lors fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque ;

Considérant qu’il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Sur la demande de référé :

Considérant que Mme B. fait valoir que la décision de rejet de sa demande d’agrément la place dans une situation financière d’autant plus difficile qu’elle ne bénéficiera plus des indemnités qui lui sont versées au titre du chômage depuis le retrait de son agrément ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que cette décision est fondée sur des motifs, dont il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, qu’ils seraient entachés d’inexactitude matérielle, tenant au souci de garantir le développement, le bien-être et la sécurité des enfants, eu égard aux doutes sérieux sur la rigueur professionnelle de l’intéressée, notamment sur sa vigilance et son respect des règles de sécurité ; que, dans ces conditions, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que l’urgence justifie la suspension de l’exécution de la décision attaquée ; que la demande de référé présentée par Mme B. doit dès lors être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de Mme B. la somme que demande le département de la Réunion au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Réunion, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande Mme B. au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du 6 décembre 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion est annulée.

Article 2 : La demande de Mme B. tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l’exécution de la décision du 3 septembre 2007 de la présidente du conseil général de la Réunion rejetant sa demande d’agrément et ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du département de la Réunion présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Véronique B. et au département de la Réunion.

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