Conseil d’Etat, 12 décembre 2008, n° 297921, Philippe T.

Il résulte des dispositions précitées qu’une autorisation d’exploitation de cultures marines ne peut être retirée, à la suite d’un manquement de son bénéficiaire à la réglementation générale des cultures marines, qu’après que le préfet a mis ce dernier en demeure de se conformer à cette réglementation, lui a fixé un délai pour cette mise en conformité, a constaté que cette mise en demeure est restée sans effet et a soumis le dossier à la commission des cultures marines ; que, toutefois, ces dispositions n’imposent pas au préfet, dans le cas où deux contrôles successifs sur l’exploitation font apparaître que le bénéficiaire de l’autorisation dûment mis en en demeure de respecter une règle déterminée, après y avoir déféré, méconnaît à nouveau cette même règle, de lui adresser une nouvelle mise en demeure avant de soumettre le dossier à la commission des cultures marines.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 297921

M. T.

M. Christian Fournier
Rapporteur

M. Emmanuel Glaser
Commissaire du gouvernement

Séance du 12 novembre 2008
Lecture du 12 décembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 octobre 2006 et 2 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Philippe T., demeurant 29 bis rue du Docteur Boutrois à Isigny-sur-Mer (14230) ; M. T. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 20 avril 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 30 mars 2004 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d’annulation de la décision en date du 1er août 2003 par laquelle le préfet du Calvados lui a retiré l’autorisation d’exploiter la concession ostréicole n° 12-25 dont il était titulaire sur le territoire de la commune de Géfosse-Fontenay (Calvados) ;

2°) de régler l’affaire au fond et d’annuler le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 30 mars 2004 ainsi que la décision du préfet du Calvados en date du 1er août 2003 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret du 9 janvier 1852 modifié sur l’exercice de la pêche maritime ;

Vu le décret n° 83-228 du 22 mars 1983 modifié fixant le régime de l’autorisation de cultures marines ;

Vu l’arrêté du 16 août 1984 modifié portant application du décret n° 83-228 du 22 mars 1983 fixant le régime des autorisations de cultures marines ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. T.,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 15 du décret du 22 mars 1983 modifié : " Les autorisations accordées au titre du présent décret peuvent être modifiées, suspendues temporairement ou retirées à tout moment par décision motivée du préfet, sans indemnité à la charge de l’Etat : . 2° En cas d’infraction à la réglementation générale des cultures marines ou aux clauses du cahier des charges annexé à l’acte de concession . " ; que l’arrêté du ministre de l’agriculture du 16 août 1984 modifié pris pour l’application de ce décret dispose dans son article 1er : " Lorsque le bénéficiaire d’une autorisation de cultures marines a commis une infraction à la réglementation générale des cultures marines. le préfet le met en demeure de se conformer aux prescriptions qui lui sont indiquées, faute de quoi, il sera procédé soit au retrait, soit à la suspension pour un temps déterminé, soit à la modification de son autorisation d’exploitation. la notification de cette mise en demeure fixe le délai donné au titulaire de l’autorisation pour obtempérer à la mise en demeure. Ce délai ne peut excéder neuf mois." ; que, selon l’article 4 du même arrêté : " Si la mise en demeure prévue à l’article 1er ci-dessus est restée sans résultat, . le préfet soumet le dossier à la commission des cultures marines. Au préalable, le préfet avise le bénéficiaire de l’autorisation de la date de la réunion de la commission, suffisamment à l’avance pour que ce dernier puisse, s’il le désire, demander à être entendu par ladite commission ou présenter des observations écrites qui seront communiquées à la commission avec le dossier ." ;

Considérant en premier lieu qu’il résulte des dispositions précitées qu’une autorisation d’exploitation de cultures marines ne peut être retirée, à la suite d’un manquement de son bénéficiaire à la réglementation générale des cultures marines, qu’après que le préfet a mis ce dernier en demeure de se conformer à cette réglementation, lui a fixé un délai pour cette mise en conformité, a constaté que cette mise en demeure est restée sans effet et a soumis le dossier à la commission des cultures marines ; que, toutefois, ces dispositions n’imposent pas au préfet, dans le cas où deux contrôles successifs sur l’exploitation font apparaître que le bénéficiaire de l’autorisation dûment mis en en demeure de respecter une règle déterminée, après y avoir déféré, méconnaît à nouveau cette même règle, de lui adresser une nouvelle mise en demeure avant de soumettre le dossier à la commission des cultures marines ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite du contrôle effectué le 21 juin 2001 dans la concession ostréicole exploitée par M. T., le préfet du Calvados a mis ce dernier en demeure le 6 juillet 2001 de retirer les 500 poches d’huîtres excédentaires se trouvant sur sa concession en méconnaissance des règles de densité fixées par le schéma départemental des structures des exploitations conchylicoles du Calvados du 21 novembre 1997 ; que par courrier du 7 novembre 2001 faisant suite à un deuxième contrôle effectué le 17 octobre 2001, le préfet a indiqué à M. T. que le nombre de poches observé sur sa concession lors du contrôle ne dépassait pas le nombre réglementaire mais l’a invité à retirer deux rangées des tables d’élevage sur lesquelles sont posées les poches d’huîtres, restées vides, mais facilement utilisables pour un nouveau dépassement de densité en période de pleine activité ; qu’un troisième contrôle opéré le 29 avril 2002 a fait apparaître que la densité réglementaire était à nouveau dépassée ; que, par une décision du 1er août 2003, confirmant une première décision du 30 septembre 2002 annulée par le tribunal administratif de Caen, le préfet a retiré la concession de M. T. après consultation de la commission des cultures marines ;

Considérant qu’après avoir relevé que l’infraction à la règle de densité de l’élevage prévue au schéma des structures des exploitations ostréicoles du Calvados ayant justifié la décision de retrait attaquée devant elle était de même nature que celle qui avait été constatée quelques mois auparavant sur la même concession exploitée par M. T. et avait fait l’objet d’une mise en demeure précisant les mesures que devait prendre l’intéressé pour régulariser sa situation, la cour administrative d’appel de Nantes a pu juger, sans commettre d’erreur de droit, que le préfet n’était pas tenu d’adresser à M. T. une nouvelle mise en demeure de se conformer à cette même règle, avant de transmettre le dossier à la commission des cultures marines, alors même que l’intéressé avait dans un premier temps déféré à cette mise en demeure ;

Considérant en deuxième lieu que la cour a répondu au moyen invoqué devant elle par M. T. et tiré de l’irrégularité de la consultation de la commission des cultures marines devant laquelle l’administration avait, selon le requérant, fait une présentation partiale du dossier, en relevant qu’à supposer que la présentation des faits par l’administration ait été défavorable à l’intéressé, cette circonstance avait été sans influence sur les membres de la commission, qui ont rendu un avis défavorable au retrait de la concession ; que la cour a ainsi examiné le bien-fondé du moyen qui était présenté devant elle, alors même que, par une simple erreur de plume, elle l’a qualifié d’" inopérant " ; que le moyen tiré de ce qu’elle aurait commis sur ce point une erreur de droit doit donc être écarté ;

Considérant en troisième lieu que la cour n’a pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la mesure de retrait d’autorisation prise à l’encontre de M. T., qui ne concernait qu’une petite partie de son exploitation et qui intervenait après des manquements répétés de M. T. à la réglementation, n’était pas disproportionnée ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. T. au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de M. T. est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe T. et au ministre de l’agriculture et de la pêche.

_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article3308