Conseil d’Etat, 11 décembre 2008, n° 308061, Pierre M.

Lorsque l’administration fait usage de cette procédure après avoir constaté que le contribuable dispose de revenus plus importants que ceux qu’il a déclarés, grâce, le cas échéant, à une procuration dont il dispose sur le compte bancaire d’un tiers, elle peut lui demander des justifications sur ce compte bancaire d’un tiers sur lequel il dispose d’une procuration, à condition d’avoir établi que celui-ci a fait usage de cette procuration dans des conditions qui révèlent qu’il utilisait les sommes inscrites au crédit de ce compte comme s’il en était le bénéficiaire réel.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 308061

M. M.

Mme Eliane Chemla
Rapporteur

M. Laurent Olléon
Commissaire du gouvernement

Séance du 7 novembre 2008
Lecture du 11 décembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi, enregistré le 31 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour M. Pierre M. ; M. M. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 4 juin 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux, faisant partiellement droit à sa requête dirigée contre le jugement du 24 juillet 2003 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 et des pénalités correspondantes, a seulement réduit les bases de son imposition pour l’année 1993 et lui a accordé la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu en résultant et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer la décharge de l’imposition demeurant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d’Etat,

- les observations de Me Odent, avocat de M. M.,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’à l’issue d’une vérification de sa situation fiscale, M. M. a été assujetti à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre des années 1993 et 1994 à raison de revenus que l’administration fiscale a regardés comme d’origine indéterminée, en application des articles L. 16, L. 16 A et L. 69 du livre des procédures fiscales ; que saisi du litige qui subsistait après l’admission partielle de sa réclamation, le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement du 24 juillet 2003 rejeté la demande de M. M. ; que celui-ci ayant fait appel de ce jugement, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, par un arrêt du 4 juin 2007 dont le requérant demande l’annulation, fait droit à sa requête en ce qui concerne l’année 1993 et a rejeté le surplus des conclusions relatives à l’année 1994 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 16 du livre des procédures fiscales : "En vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu, l’administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (.). Elle peut également lui demander des justifications lorsqu’elle a réuni des éléments permettant d’établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu’il a déclarés. (.). Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l’intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur" ; qu’aux termes de l’article L. 69 du même livre : " . sont taxés d’office à l’impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d’éclaircissements ou de justifications prévues à l’article L. 16" ; qu’il résulte de ces dispositions que lorsque l’administration fait usage de cette procédure après avoir constaté que le contribuable dispose de revenus plus importants que ceux qu’il a déclarés, grâce, le cas échéant, à une procuration dont il dispose sur le compte bancaire d’un tiers, elle peut lui demander des justifications sur ce compte bancaire d’un tiers sur lequel il dispose d’une procuration, à condition d’avoir établi que celui-ci a fait usage de cette procuration dans des conditions qui révèlent qu’il utilisait les sommes inscrites au crédit de ce compte comme s’il en était le bénéficiaire réel ;

Considérant, en premier lieu, qu’après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits soumis à son contrôle non arguée de dénaturation, que l’administration avait établi, dans le cadre de l’examen de sa situation fiscale personnelle, que M. M. avait utilisé à des fins personnelles, dans des conditions révélant qu’il en était le bénéficiaire réel, les comptes bancaires ouverts au nom de sa mère et de sa fille sur lesquels il avait procuration, la cour a pu, sans erreur de droit, juger que l’administration devait être regardée comme ayant pu, dans le cadre de la procédure fondée sur l’article L. 16 du livre des procédures fiscales, lui demander des justifications sur ces comptes bancaires ;

Considérant, en deuxième lieu, que la cour n’a pas dénaturé les faits en estimant que, s’agissant d’une somme de 1 705 000 F dont M. M. soutenait qu’elle correspondait à des remboursements de bons au porteur qu’il détenait antérieurement à la période vérifiée, le requérant n’apportait aucun élément sur l’origine de ces bons et leurs modalités de remboursement ;

Considérant, en troisième lieu, que la cour n’a pas inversé la charge de la preuve en jugeant qu’il incombait à M. M. de démontrer que des sommes perçues de diverses caisses de retraite et de compagnies d’assurance auraient été à tort taxées comme revenus d’origine indéterminée ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. M. doit être rejeté ; qu’en conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de M. M. est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre M. et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article3301