Conseil d’Etat, 5 décembre 2008, n° 296460, Caisse de mutualité sociale agricole de l’Aisne

Toutefois, s’agissant d’une pathologie évolutive et insusceptible d’amélioration, l’absence de consolidation, impliquant notamment l’impossibilité de fixer définitivement un taux d’incapacité permanente, ne fait pas obstacle à ce que soient mises à la charge du responsable du dommage des dépenses médicales dont il est d’ores et déjà certain qu’elles devront être exposées à l’avenir, ainsi que la réparation de l’ensemble des conséquences déjà acquises de la détérioration de l’état de santé de l’intéressé.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 296460

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L’AISNE

M. Philippe Ranquet
Rapporteur

Mme Catherine de Salins
Commissaire du gouvernement

Séance du 14 novembre 2008
Lecture du 5 décembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 20 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L’AISNE, dont le siège est 2 place du Maréchal-Leclerc à Laon (02000) ; la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L’AISNE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 8 juin 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Douai, après avoir réformé le jugement du 16 novembre 2004 du tribunal administratif d’Amiens en portant à 75 000 euros la somme que l’Etablissement français du sang a été condamné à verser à Mme I.-G. en raison de sa contamination par le virus de l’hépatite C et à 46 827, 62 euros l’indemnité allouée à la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L’AISNE, a rejeté le surplus de conclusions de cette dernière ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa requête d’appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etablissement français du sang la somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Ranquet, Auditeur,

- les observations de la SCP Vincent, Ohl, avocat de la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L’AISNE et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l’Etablissement Français du sang,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme I.-G. a recherché réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l’hépatite C, imputée à des transfusions effectuées en 1972 lors de son séjour au centre hospitalier de Château-Thierry ; que le tribunal administratif d’Amiens a condamné l’Etablissement français du sang, auquel avaient été transférées les obligations des centres de transfusion ayant élaboré les produits transfusés, à verser 20 000 euros à l’intéressée et 40 663, 04 euros à la caisse de mutualité sociale agricole de l’Aisne ; que la cour administrative d’appel de Douai a, par arrêt du 8 juin 2006, porté ces sommes à 75 000 euros et 48 827, 62 euros ; que la caisse de mutualité sociale agricole de l’Aisne demande l’annulation de cet arrêt qui n’a pas fait intégralement droit à ses conclusions ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que, pour rejeter les conclusions de la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L’AISNE tendant à ce que l’Etablissement français du sang prenne en charge certains frais médicaux qu’elle serait amenée à exposer à l’avenir pour le traitement de Mme I.-G., ainsi que celles de cette dernière tendant à l’indemnisation des dommages liés à son incapacité permanente partielle, la cour s’est fondée sur la circonstance que l’état de santé de l’intéressé, atteinte d’une cirrhose du foie, n’était pas consolidé et que l’expert n’avait pu déterminer un taux d’incapacité permanente ; que, toutefois, s’agissant d’une pathologie évolutive et insusceptible d’amélioration, l’absence de consolidation, impliquant notamment l’impossibilité de fixer définitivement un taux d’incapacité permanente, ne fait pas obstacle à ce que soient mises à la charge du responsable du dommage des dépenses médicales dont il est d’ores et déjà certain qu’elles devront être exposées à l’avenir, ainsi que la réparation de l’ensemble des conséquences déjà acquises de la détérioration de l’état de santé de l’intéressé ; qu’ainsi l’arrêt attaqué est entaché d’erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L’AISNE est fondée à demander l’annulation de l’arrêt du 8 juin 2006 de la cour administrative d’appel de Douai ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L’AISNE, laquelle n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l’Etablissement français du sang au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de cet établissement la somme de 2 500 euros demandée au même titre par la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L’AISNE ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 8 juin 2006 de la cour administrative d’appel de Douai est annulé.

Article 2 : Le jugement de l’affaire est renvoyé devant la cour administrative d’appel de Douai.

Article 3 : L’Etablissement français du sang versera à la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L’AISNE la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l’Etablissement français du sang au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L’AISNE, à Mme Maria-Aïda I.-G. et à l’Etablissement français du sang.

Copie pour information en sera adressée à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

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