Conseil d’Etat, 5 décembre 2008, n° 286669, Société Télé Grenoble et Société Le Dauphiné Libéré

si le service Télégrenoble ne prévoyait en réalité que douze heures d’un tel programme la première année, l’erreur matérielle commise sur ce point par le Conseil supérieur de l’audiovisuel est demeurée sans incidence sur son appréciation dès lors qu’elle ne modifie pas sensiblement la disproportion constatée entre les deux offres

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 286669-286670

SOCIETE TELE GRENOBLE
SOCIETE LE DAUPHINE LIBERE

M. Marc Lambron
Rapporteur

Mme Catherine de Salins
Commissaire du gouvernement

Séance du 14 novembre 2008
Lecture du 5 décembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux

Vu, 1°) sous le n° 286669, la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 4 novembre 2005, 6 mars 2006 et 16 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société TELE GRENOBLE, ayant son siège à " Les Iles-Cordées " à Veurey Voroize (38113), représentée par ses dirigeants en exercice, et la société LE DAUPHINE LIBERE, ayant son siège à Veurey Voroize (BP 38013), représentée par son président domicilié en cette qualité audit siège ; les sociétés requérantes demandent au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 1er septembre 2005 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté la candidature de la société TELE GRENOBLE à l’exploitation, dans la zone de Grenoble, d’un service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique dénommé TV 7 Grenoble ;

Vu, 2°), sous le n° 286670, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 novembre 2005 et 6 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société TELE GRENOBLE, ayant son siège à " Les Iles Cordées " à Veurey Voroize (38113), représentée par ses dirigeants en exercice, et la société LE DAUPHINE LIBERE, ayant son siège est à Veurey Voroize (BP 38013), représentée par son président domicilié en cette qualité audit siège ; les sociétés requérantes demandent au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 1er septembre 2005 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a autorisé la société Télégrenoble à exploiter dans la zone de Grenoble un service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique dénommé " Télé Grenoble " ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 86-1047 du 30 septembre 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d’Etat,

- les observations de Me Blondel, avocat de la société TELE GRENOBLE et de la société LE DAUPHINE LIBERE et de la SCP Piwnica, Molinie, avocat de la société Télégrenoble,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la société TELE GRENOBLE et de la société LE DAUPHINE LIBERE, qui tendent à l’annulation des deux décisions du 1er septembre 2005 par lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel a, d’une part, rejeté la candidature de la société TELE GRENOBLE à l’exploitation dans la zone de Grenoble d’un service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique dénommé TV 7 Grenoble, et a, d’autre part, délivré l’autorisation d’exploitation à la société Télégrenoble pour un service dénommé " Télégrenoble ", présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe des décisions attaquées :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’appel aux candidatures mentionnait la fréquence sur laquelle il portait ; que les dispositions du second alinéa de l’article 30 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication n’imposaient pas la publication de cette fréquence antérieurement à celle de l’appel aux candidatures ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les neuf membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel étaient présents lors de la séance au cours de laquelle les décisions attaquées ont été adoptées ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que la règle de quorum posée par l’article 4 de la loi du 30 septembre 1986 aurait été méconnue manque en fait ;

Considérant que la décision par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté la candidature de la société TELE GRENOBLE pour le service TV 7 Grenoble énonce les éléments de fait et de droit qui la fondent ; qu’elle comporte ainsi la motivation exigée par les dispositions de l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986 ; que, si la société avait mentionné dans son dossier de candidature qu’elle envisagerait, si sa candidature était retenue, d’émettre à partir d’un autre site s’ajoutant à celui mentionné dans l’appel aux candidatures, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’avait pas à prendre parti sur ce point dès lors que, pour d’autres motifs, il rejetait cette candidature ;

Sur la légalité interne des décisions attaquées :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 auxquelles renvoie l’article 30 applicable aux services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique : " Le conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte . 5° de la contribution à la production de programmes réalisés localement " ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l’audiovisuel se serait abstenu d’examiner la candidature de la société TELE GRENOBLE pour le service TV 7 Grenoble au regard de l’ensemble des critères et des impératifs prioritaires énoncés par les dispositions de l’article 29 applicables en vertu de l’article 30 ;

Considérant que le premier motif pour lequel le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté la candidature de la société TELE GRENOBLE pour le service TV 7 Grenoble est tiré de ce que le choix de Télégrenoble plutôt que celui de TV 7 Grenoble contribue à renforcer la diversité des opérateurs ainsi que le pluralisme de l’information dès lors que TELE GRENOBLE appartient au groupe Le Dauphiné qui diffuse dans la zone de Grenoble le quotidien de presse régional " Le Dauphiné Libéré " ; que, alors même que le dossier de candidature comportait des engagements en matière d’indépendance de l’équipe rédactionnelle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a entaché sa décision ni d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation au regard des impératifs de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels et de diversification des opérateurs, en prenant ainsi en compte cet élément d’appréciation tiré des liens de la candidate avec un quotidien diffusé dans la zone ; que si la société Télégrenoble dont la candidature a été retenue appartient à un groupe développant dans d’autres zones des activités dans le secteur des télévisions locales, cette circonstance ne fait pas apparaître comme erronée l’appréciation à laquelle s’est livré le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans le choix qu’il a opéré au regard de ces impératifs ;

Considérant que le second motif de rejet de la candidature de la société TELE GRENOBLE est tiré de ce que le service Télégrenoble est susceptible de mieux répondre aux attentes du public que le service TV 7 Grenoble, dès lors notamment qu’il prévoit dès la première année douze heures trente hebdomadaires d’émissions produites localement en première diffusion alors que le service TV 7 Grenoble n’en prévoyait que six heures dix-huit minutes la première année et neuf heures la deuxième année ; que, si le service Télégrenoble ne prévoyait en réalité que douze heures d’un tel programme la première année, l’erreur matérielle commise sur ce point par le Conseil supérieur de l’audiovisuel est demeurée sans incidence sur son appréciation dès lors qu’elle ne modifie pas sensiblement la disproportion constatée entre les deux offres ; que, si le nombre d’heures prévu par le service TV 7 Grenoble n’était pas inférieur au nombre minimal d’heures mentionné dans l’appel aux candidatures, cette circonstance n’était pas de nature à interdire au Conseil supérieur de l’audiovisuel de prendre en compte la circonstance que le projet concurrent Télégrenoble prévoyait un nombre très supérieur à ce minimum ;

Considérant enfin que, si les sociétés requérantes invoquent une méconnaissance des dispositions du 1er alinéa du II de l’article 39 de la loi du 30 septembre 1986, ces dispositions ne sont pas applicables à la télévision diffusée par voie hertzienne terrestre ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation des décisions attaquées ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société TELE GRENOBLE la somme de 3 000 euros que demande la société Télégrenoble au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la société TELE GRENOBLE et de la société LE DAUPHINE LIBERE sont rejetées.

Article 2 : La société TELE GRENOBLE versera à la société Télégrenoble une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à société TELE GRENOBLE, à la société LE DAUPHINE LIBERE, à la société Télégrenoble et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Copie pour information en sera adressée au Premier ministre (direction du développement des médias) et à la ministre de la culture et de la communication

_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article3278