En vertu de l’article 240 du code général des impôts, les personnes physiques ou morales qui, à l’occasion de l’exercice de leur profession, versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes dans les mêmes conditions que celles qu’elles paient à leurs salariés lorsqu’elles dépassent, par an, un certain montant pour un même bénéficiaire.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 299099
M. C.
M. Jean-Marc Anton
Rapporteur
M. Laurent Olléon
Commissaire du gouvernement
Séance du 17 septembre 2008
Lecture du 7 novembre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 novembre 2006 et 27 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Patrick C. ; M. C. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 18 septembre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 29 janvier 2004 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998, ainsi que des intérêts de retard correspondants ;
2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer la décharge de ces impositions et intérêts de retard ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Jean-Marc Anton, Auditeur,
les observations de Me Haas, avocat de M. C.,
les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. C., qui exerçait l’activité d’agent d’assurances, demande l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 18 septembre 2006 confirmant le jugement du 29 janvier 2004 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge, d’une part, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998 à raison de rehaussements de ses bénéfices non commerciaux et de ses revenus fonciers et, d’autre part, des cotisations supplémentaires de contributions sociales portant sur les revenus fonciers ainsi que des intérêts de retard dont l’ensemble de ces impositions a été assorti ;
Sur les conclusions dirigées contre l’arrêt en tant qu’il statue sur les revenus fonciers :
Considérant, en premier lieu, qu’alors que M. C. soutenait que le vérificateur avait effectué un examen de sa situation fiscale personnelle en contrôlant ses revenus fonciers tandis que se déroulait la vérification de sa comptabilité, la cour a suffisamment motivé son arrêt en relevant que la remise en cause des déficits fonciers procédait non pas d’un tel examen mais d’un contrôle sur pièces ;
Considérant, en second lieu, que les personnes qui reçoivent des immeubles en héritage ne peuvent déduire de leurs propres revenus fonciers, sur le fondement du 3° du I de l’article 156 du code général des impôts, les déficits qui n’ont pu être imputés par l’ancien contribuable propriétaire ; que, dans ces conditions, c’est sans erreur de droit que la cour a jugé que la déduction pratiquée par le requérant n’était pas fondée, après avoir relevé, en se référant aux motifs du tribunal administratif qu’elle a repris, que le déficit foncier de l’année 1994 reporté par M. C. sur sa déclaration de revenus fonciers de l’année 1995 se rapporte aux immeubles hérités de son père pour la période antérieure au décès de ce dernier ;
Sur les conclusions dirigées contre l’arrêt en tant qu’il statue sur les bénéfices non commerciaux :
Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’administration a réintégré dans les charges de M. C. des frais de parking et de déplacement qu’il avait déduits au motif qu’il n’en justifiait pas ; que la cour a pu juger, sans erreur de droit, que M. C. n’était pas fondé à demander à bénéficier de l’évaluation forfaitaire de ses frais de déplacement telle qu’elle est prévue par une tolérance administrative, dès lors qu’il n’avait pas opté dans ses déclarations pour ce régime ;
Considérant, en second lieu, qu’en vertu de l’article 240 du code général des impôts, les personnes physiques ou morales qui, à l’occasion de l’exercice de leur profession, versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes dans les mêmes conditions que celles qu’elles paient à leurs salariés lorsqu’elles dépassent, par an, un certain montant pour un même bénéficiaire ; que ces dispositions n’instituent pas une présomption de versement opposable au bénéficiaire désigné dans la déclaration ; que, par suite, en jugeant qu’il incombait à M. C., qui n’avait pas donné son accord aux redressements qui lui avaient été notifiés selon la procédure de redressement contradictoire, d’établir l’exactitude des sommes versées par les compagnies d’assurance et les dates de leur encaissement, la cour a commis une erreur de droit ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C. est seulement fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en ce qui concerne le montant des recettes ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;
Sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le courrier contenant le jugement du tribunal administratif de Melun du 29 janvier 2004 posté le 4 mars 2004 n’a pas été présenté à M. C. et n’a pas fait l’objet d’un avis d’instance de la part des services postaux ; que, dès lors, le délai de deux mois fixé par l’article R. 811-2 du code de justice administrative n’a pas couru ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le ministre, la requête enregistrée à la cour le 2 juillet 2004 n’est pas tardive ;
Sur le montant des recettes :
Considérant qu’ainsi qu’il a été dit, il incombe à l’administration de justifier de la réalité du versement au titre de chacune des années vérifiées des sommes que les compagnies d’assurances ont déclaré avoir versées à M. C. ; que l’administration n’apporte pas cette preuve en se bornant à se référer aux déclarations fournies par les sociétés, alors, d’une part, qu’il résulte d’une demande qu’elle a faite au cours de la vérification de comptabilité à l’une d’entre elles avec laquelle M. C. réalise l’essentiel de son activité que les sommes déclarées ne correspondent pas à celles qui sont versées en raison de la déduction de charges sociales et de divers autres frais et que, d’autre part, l’administration, qui a déterminé le montant des recettes imposables selon le principe des créances acquises, n’a pas vérifié si certaines des sommes n’avaient pas été encaissées par le requérant au cours de l’année suivant celle de leur versement par les sociétés ; qu’il y a lieu, en conséquence, de réformer le jugement du tribunal administratif de Melun sur ce point et de décharger M. C. des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998 à concurrence de la remise en cause de ses recettes déclarées ainsi que des intérêts de retard correspondants ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à M. C. d’une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel et en cassation ;
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 18 septembre 2006 est annulé en tant qu’il porte sur les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu mises à la charge de M. C. au titre des années 1996, 1997 et 1998 et résultant de la reconstitution des recettes tirées de son activité non commerciale.
Article 2 : Le montant des recettes tirées de l’activité non commerciale de M. C. au titre des années 1996, 1997 et 1998 est fixé au montant de ses recettes déclarées par le contribuable.
Article 3 : M. C. est déchargé de la différence entre les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998 et celles qui résultent de l’article 2 ci-dessus ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 29 janvier 2004 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : L’Etat versera à M. C. une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. C. est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick C. et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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