il appartenait au préfet d’arrêter l’évaluation des revenus professionnels non salariés en tenant compte des éléments de toute nature relatifs aux revenus professionnels du demandeur ; qu’il résulte de l’article 21-1 introduit dans la section " Evaluation des revenus professionnels non salariés " du chapitre 2 " Dispositions relatives à la détermination des ressources professionnelles des non salariés " du décret du 12 décembre 1988 par le décret du 27 mars 1993, devenu l’article R. 262-22 du code de l’action sociale et des familles que, lorsqu’il est constaté qu’un allocataire ou un membre de son foyer exerce une activité non salariée qui ne donne lieu à aucune rémunération ou seulement à une rémunération partielle, que cette situation résulte ou non d’un choix délibéré de ce dernier, le préfet peut, après avis de la commission locale d’insertion, tenir compte des rémunérations, revenus ou avantages auxquels l’intéressé serait en mesure de prétendre du fait de cette activité, sans compromettre, le cas échéant, son projet d’insertion
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 294774
M. S.
M. Alexandre Lallet
Rapporteur
M. Luc Derepas
Commissaire du gouvernement
Séance du 10 octobre 2008
Lecture du 29 octobre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi et les mémoires complémentaires, enregistrés le 30 juin 2006, le 6 juillet 2006 et le 16 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Joseph S. ; M. S. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du 15 mars 2006 par laquelle la commission centrale d’aide sociale a rejeté ses requêtes tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Ardèche du 30 janvier 2003 rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du 20 décembre 2002 du préfet de l’Ardèche refusant le renouvellement du bénéfice du revenu minimum d’insertion à compter du 1er novembre 2002 et, d’autre part, à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Ardèche du 26 juin 2003 rejetant sa demande dirigée contre la décision du 10 mars 2003 du préfet de l’Ardèche refusant l’ouverture du droit au revenu minimum d’insertion à compter du mois de mars 2003 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa requête d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’action sociale et des familles ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 2003-487 du 18 décembre 2003 ;
Vu le décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,
les observations de Me Blanc, avocat de M. S.,
les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 262-10 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction alors en vigueur : " L’ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d’insertion est pris en compte pour le calcul de l’allocation " ; que l’article 3 du décret du 12 décembre 1988 alors applicable disposait que " les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent, sous les réserves et selon les modalités ci-après, l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, tel qu’il est défini à l’article 1er, et notamment les avantages en nature, les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux " ; que, selon le premier alinéa de l’article 12 du même décret alors applicable : " les ressources prises en compte sont celles qui ont été effectivement perçues au cours des trois mois civils précédant la demande ou la révision (.) " ;
Considérant, d’autre part, que l’article L. 262-12 du même code prévoit que " pour les personnes qui exercent une activité non salariée, les modalités particulières de détermination des ressources provenant de l’exercice de cette activité, adaptées à la spécificité des différentes professions, sont fixées par voie réglementaire " ; que le premier alinéa du même article 12 alors applicable disposait que : " (.) les revenus professionnels des non salariés pris en compte sont égaux à 25 p. 100 des revenus annuels fixés en application de l’article 17 (.) " ; qu’en vertu de l’article 17 du décret du 12 décembre 1988 alors en vigueur, devenu l’article R. 262-17 du même code, il appartenait au préfet d’arrêter l’évaluation des revenus professionnels non salariés en tenant compte des éléments de toute nature relatifs aux revenus professionnels du demandeur ; qu’il résulte de l’article 21-1 introduit dans la section " Evaluation des revenus professionnels non salariés " du chapitre 2 " Dispositions relatives à la détermination des ressources professionnelles des non salariés " du décret du 12 décembre 1988 par le décret du 27 mars 1993, devenu l’article R. 262-22 du code de l’action sociale et des familles que, lorsqu’il est constaté qu’un allocataire ou un membre de son foyer exerce une activité non salariée qui ne donne lieu à aucune rémunération ou seulement à une rémunération partielle, que cette situation résulte ou non d’un choix délibéré de ce dernier, le préfet peut, après avis de la commission locale d’insertion, tenir compte des rémunérations, revenus ou avantages auxquels l’intéressé serait en mesure de prétendre du fait de cette activité, sans compromettre, le cas échéant, son projet d’insertion ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. S. a exercé, à compter de l’année 1992, les fonctions de président-directeur général de la société anonyme STRIES, dont il détenait 68 % des parts, et dont les statuts prévoyaient le versement à son profit d’une rémunération mensuelle de 2 526 euros ; qu’à la suite de l’interruption du versement de cette rémunération le 28 avril 1998, M. S., qui s’est vu reconnaître le bénéfice de l’allocation de revenu minimum d’insertion à compter du 1er mars 1999 par une décision de la commission centrale d’aide sociale du 2 juin 2004 devenue définitive et a été renvoyé devant le président du conseil général de l’Ardèche pour le calcul de ses droits jusqu’au 31 octobre 2002, a de nouveau sollicité, aux mois de novembre 2002 et de février 2003, l’octroi de cette allocation ; que par deux décisions en date des 16 décembre 2002 et 11 mars 2003, le préfet de l’Ardèche a refusé de faire droit à ces demandes ;
Considérant que, pour confirmer les décisions des 30 janvier et 26 juin 2003 de la commission départementale d’aide sociale de l’Ardèche rejetant les demandes d’annulation des décisions préfectorales mentionnées ci-dessus présentées par M. S., la commission centrale d’aide sociale s’est fondée, d’une part, sur ce que le requérant, qui ne percevait plus la rémunération mensuelle prévue par les statuts de la SA STRIES, devait être regardé comme un salarié dont les revenus pouvaient être évalués en application de l’article 21-1 du décret du 12 décembre 1988, d’autre part, sur ce que le revenu minimum d’insertion n’avait pas vocation à se substituer à l’absence de ressources résultant d’un choix délibéré d’un allocataire de ne pas se verser de salaire et, enfin, sur ce que le préfet de l’Ardèche avait pu légalement estimer que M. S. pouvait prétendre, du fait de son activité de président-directeur général de la SA STRIES, à une rémunération au moins égale au montant du revenu minimum d’insertion pour une personne ;
Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’en se fondant sur la qualité de salarié de M. S. pour juger que le préfet pouvait légalement faire application de l’article 21-1 du décret du 12 décembre 1988 en vue d’évaluer la rémunération à laquelle celui-ci aurait pu prétendre du fait de l’activité qu’il exerçait au sein de la SA STRIES, la commission centrale d’aide sociale a entaché sa décision d’erreur de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la décision de la commission centrale d’aide sociale du 15 mars 2006 doit être annulée ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que M. S., qui occupait les fonctions de président-directeur général de la SA STRIES à la date de ses demandes et ne se trouvait placé, à ce titre, sous la subordination d’aucun employeur, doit être regardé comme ayant exercé, à ces dates, une activité non salariée au sens de l’article L. 262-10 du code de l’action sociale et des familles ; que, par suite, c’est à bon droit que le préfet de l’Ardèche a fait application de l’article 21-1 du décret du 12 décembre 1988 pour évaluer la rémunération à laquelle il aurait pu prétendre du fait de cette activité non salariée ;
Mais considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction, en particulier des documents comptables produits à l’appui des demandes de M. S., qui font notamment apparaître une faible marge brute d’autofinancement, et de l’avis de la commission locale d’insertion du 13 décembre 2002, ainsi que des énonciations mêmes de la décision du préfet de l’Ardèche du 16 décembre 2002, selon laquelle l’activité de la SA STRIES était alors " sérieusement compromise ", que cette société n’était pas en mesure de verser une rémunération à l’intéressé sans compromettre sa pérennité et, par voie de conséquence, le projet d’insertion de M. S. ;
Considérant, d’autre part, que si les décisions du 16 décembre 2002 et du 11 mars 2003 sont également fondées sur la situation financière difficile de la SA STRIES, il ne résulte pas de l’instruction que cette entreprise, qui commercialise depuis 1992 des produits et services issus du " polissage multidirectionnel ", notamment dans le domaine de la décoration, et dont le résultat net est resté positif du 30 juin 1998 au 30 juin 2002, n’était plus viable au 1er novembre 2002 et au 1er février 2003 ; qu’il est constant que l’autorité administrative n’a pas proposé à l’intéressé de modifier le projet d’insertion qui figurait dans les contrats d’insertion qu’elle a antérieurement conclus avec lui ; que, dans ces conditions, et eu égard aux qualifications particulières dont fait état M. S. dans ce secteur d’activité, l’absence de contrat d’insertion ne peut être regardée comme imputable à ce dernier ; que, par suite, le préfet ne pouvait légalement fonder ses décisions sur les dispositions des articles L. 262-19 et L. 262-21 du code de l’action sociale et des familles pour suspendre le versement de l’allocation ;
Considérant, enfin, que M. S. a perçu, du 1er août au 31 octobre 2003, des revenus issus d’une activité salariée d’un montant supérieur à celui du revenu minimum d’insertion pour une personne ; qu’il a bénéficié, à compter du 23 octobre 2003, de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, dont le montant excède celui du revenu minimum d’insertion ; que, dans ces conditions, M. S. ne pouvait plus prétendre au bénéfice de cette dernière allocation à compter du 1er novembre 2003 ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède et sans qu’il soit besoin d’ordonner un complément d’instruction que M. S. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par les décisions attaquées, la commission départementale d’aide sociale de l’Ardèche a rejeté ses demandes ; qu’il y a lieu d’annuler ces décisions ainsi que celles du préfet de l’Ardèche en date du 16 décembre 2002 et du 11 mars 2003 et de renvoyer M. S. devant le président du conseil général de l’Ardèche, désormais compétent en vertu des dispositions de l’article 52 de la loi du 18 décembre 2003, pour le calcul de ses droits du 1er novembre 2002 au 31 octobre 2003, conformément aux motifs de la présente décision ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision de la commission centrale d’aide sociale du 15 mars 2006, les décisions du 30 janvier et du 26 juin 2003 de la commission départementale d’aide sociale de l’Ardèche et les décisions du 16 décembre 2002 et 11 mars 2003 du préfet de l’Ardèche sont annulées.
Article 2 : M. S. est renvoyé devant le président du conseil général de l’Ardèche pour le calcul de ses droits à l’allocation de revenu minimum d’insertion du 1er novembre 2002 au 31 ctobre 2003, conformément aux motifs de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. S. en première instance, en appel et en cassation est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Joseph S. et au département de l’Ardèche.
Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article3179