Lorsque l’administration a procédé à une évaluation forfaitaire du revenu imposable d’après certains éléments du train de vie d’un contribuable, celui-ci est en droit d’en contester le montant en établissant qu’il a financé, en tout ou partie, le train de vie résultant de cette évaluation par l’emploi de revenus, par la réalisation d’un capital ou par l’emprunt.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 294160
MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ M. et Mme P.
M. Laurent Cabrera
Rapporteur
M. Emmanuel Glaser
Commissaire du gouvernement
Séance du 24 septembre 2008
Lecture du 27 octobre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux
Vu le pourvoi du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE, enregistré le 7 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le ministre demande au Conseil d’Etat d’annuler les articles 1 à 3 de l’arrêt du 30 mars 2006 par lesquels la cour administrative d’appel de Lyon a, sur la requête de M. et Mme Robert P. contre le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 4 septembre 2001, réduit les bases de leur impôt sur le revenu de 8 359, 92 euros au titre de l’année 1989, de 18 642, 84 euros au titre de l’année 1990 et de 27 800, 88 euros au titre de l’année 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales :
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Laurent Cabrera, Maître des Requêtes,
les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande l’annulation des articles 1 à 3 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 30 mars 2006 qui, après avoir confirmé la régularité de la mise en œuvre, à l’encontre de M. et Mme P., des dispositions de l’article 168 du code général des impôts, a estimé que les contribuables justifiaient partiellement le financement de leur train de vie et, par suite, a réduit les bases de l’impôt sur le revenu des intéressés à hauteur des sommes justifiées, soit 54 837, 48 F (8 359, 92 euros) pour 1989, 122 288, 99 F (18 642, 84 euros) pour 1990 et 182 361, 85 F (27 800, 88 euros) pour 1991 ;
Considérant qu’aux termes de l’article 168 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : "1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d’un contribuable et ses revenus, la base d’imposition à l’impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après, compte tenu, le cas échéant, de la majoration prévue au 2, lorsque cette somme atteint la limite supérieure de la neuvième tranche du barème de l’impôt sur le revenu : /Les éléments dont il est fait état pour la détermination de la base d’imposition sont ceux dont ont disposé, pendant l’année de l’imposition, les membres du foyer fiscal désignés à l’article 6-1 et 3. /Pour les éléments dont disposent conjointement plusieurs personnes, la base est fixée proportionnellement aux droits de chacune d’entre elles. /Les revenus visés au présent article sont ceux qui résultent de la déclaration du contribuable et, en cas d’absence de déclaration, ils sont comptés pour zéro. /2. La somme forfaitaire déterminée en application du barème est majorée de 50 p. 100 lorsqu’elle est supérieure ou égale à deux fois la limite supérieure de la neuvième tranche du barème de l’impôt sur le revenu et lorsque le contribuable a disposé de plus de six éléments du train de vie figurant au barème. /2 bis. La disproportion marquée entre le train de vie d’un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l’application du barème et des majorations prévus aux 1 et 2 excède d’au moins un tiers, pour l’année de l’imposition et l’année précédente, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l’impôt par l’application d’un prélèvement. /3. Le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l’utilisation de son capital ou les emprunts qu’il a contractés lui ont permis d’assurer son train de vie. " ; qu’il résulte de ces dispositions que, lorsque l’administration a procédé à une évaluation forfaitaire du revenu imposable d’après certains éléments du train de vie d’un contribuable, celui-ci est en droit d’en contester le montant en établissant qu’il a financé, en tout ou partie, le train de vie résultant de cette évaluation par l’emploi de revenus, par la réalisation d’un capital ou par l’emprunt ;
Considérant dès lors qu’en jugeant que l’évaluation forfaitaire du revenu imposable pouvait être réduite à concurrence des sommes dont M. et Mme P. avaient pu établir qu’elles avaient permis de financer en partie leur train de vie, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ; que par suite, le ministre n’est pas fondé à demander l’annulation des articles 1 à 3 de l’arrêt qu’il attaque ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. et Mme P..
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