Conseil d’Etat, 26 septembre 2008, n° 294021, Commune de Souillac

L’arrêté du maire de Souillac, en date du 2 décembre 1995, donnant délégation de fonctions l’adjoint au maire, n’a fait l’objet d’aucun affichage en mairie, ni d’une autre forme de publication ; que l’inscription de cet arrêté au registre de la mairie, mentionné à l’article R. 2122-7 du code général des collectivités territoriales, ne saurait tenir lieu de la publication à laquelle la loi subordonne le caractère exécutoire des actes réglementaires des collectivités territoriales au nombre desquelles figurent les délégations de fonctions accordées par un maire.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 294021

COMMUNE DE SOUILLAC

M. Olivier Rousselle
Rapporteur

Mme Catherine de Salins
Commissaire du gouvernement

Séance du 1er septembre 2008
Lecture du 26 septembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi, enregistré le 2 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour la COMMUNE DE SOUILLAC, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE SOUILLAC demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 4 avril 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 23 janvier 2003 du tribunal administratif de Toulouse, ensemble l’ordonnance du 23 avril 2003 portant rectification d’erreur matérielle de ce même jugement, annulant l’arrêté du 6 novembre 1999 du maire de Souillac réglementant la circulation rue de l’arbre-rond et condamnant cette commune à verser une indemnité de 21 084, 32 euros à Mme M. veuve B. et à Mme Pierrette Claudine B. épouse L. ainsi que 1 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme B. épouse L. la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales et notamment son article L. 2131-1 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d’Etat,

- les observations de Me Odent, avocat de la COMMUNE DE SOUILLAC et de Me Le Prado, avocat de Mme B. épouse L. et Mme B.,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que pour demander l’annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de Mme B. et Mme M., annulé l’arrêté du maire de Souillac ayant réglementé la circulation rue de l’arbre-rond, la commune avait invoqué en appel un moyen tiré de ce que les requérantes n’auraient pas justifié d’un intérêt leur donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté du 6 novembre 1999 en ce qu’il limitait, en son article 1, l’accès de la voie aux seuls riverains et n’auraient été recevables à le contester qu’en tant qu’il interdisait, en son article 2, la circulation à partir de la propriété B. jusqu’à la voie communale n° 2 ; que la cour a omis de se prononcer sur ce moyen qui n’était pas inopérant ; que, dès lors, la COMMUNE DE SOUILLAC est fondée à demander l’annulation de l’arrêt du 4 avril 2006 de la cour administrative d’appel de Bordeaux en tant qu’il rejette ses conclusions dirigées contre le jugement du 23 janvier 2003 du tribunal administratif de Toulouse ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative dans la mesure de la cassation prononcée ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme B. et Mme M. à la requête d’appel de la COMMUNE DE SOUILLAC :

Considérant que par délibération du 17 septembre 2005 le conseil municipal de la COMMUNE DE SOUILLAC a autorisé son maire à faire appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse ayant annulé l’arrêté du maire en date du 6 novembre 1999 ; que la fin de non-recevoir opposée par Mmes B. et M., tirée de ce que le maire n’aurait pas été habilité à ester en justice, doit, par suite, être rejetée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que dans sa requête d’appel enregistrée le 20 mai 2003, la commune appelante n’a soulevé aucun moyen tiré de l’irrégularité du jugement attaqué ; que si elle a soutenu, dans un mémoire enregistré le 18 octobre 2005, que le tribunal administratif aurait méconnu les dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative faute de lui avoir communiqué un moyen qu’il aurait soulevé d’office, ce moyen, qui n’est pas d’ordre public, est fondé sur une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachaient les moyens présentés dans le délai de l’appel et n’est, par suite, pas recevable ;

Sur les conclusions de la commune dirigées contre le jugement en tant qu’il a annulé l’arrêté municipal du 6 novembre 1999 :

Considérant que la COMMUNE DE SOUILLAC soutient que Mme B. et Mme M. ne justifiaient pas d’un intérêt leur donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté du 6 novembre 1999 en ce qu’il limitait, en son article 1, l’accès de la voie aux seuls riverains ; que, toutefois, cet arrêté avait pour objet de réglementer la circulation sur l’ensemble de la rue de l’arbre-rond en limitant l’accès automobile à cette rue sur une section et en l’interdisant sur une autre ; que Mmes B. et M., riveraines de la voie, qui voyaient l’accès de leur propriété restreint tant pour elles mêmes que pour les tiers, étaient recevables à demander l’annulation de l’arrêté dans son ensemble ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires dès qu’il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’Etat dans le département. " ; qu’il ressort des pièces du dossier que l’arrêté du maire de Souillac, en date du 2 décembre 1995, donnant délégation de fonctions à M. Palma, adjoint au maire, n’a fait l’objet d’aucun affichage en mairie, ni d’une autre forme de publication ; que l’inscription de cet arrêté au registre de la mairie, mentionné à l’article R. 2122-7 du code général des collectivités territoriales, ne saurait tenir lieu de la publication à laquelle la loi subordonne le caractère exécutoire des actes réglementaires des collectivités territoriales au nombre desquelles figurent les délégations de fonctions accordées par un maire ; que par suite la COMMUNE DE SOUILLAC n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’arrêté contesté, signé de M. Palma, au motif qu’il était entaché d’incompétence ;

Sur les conclusions de la commune dirigées contre le jugement en tant que celui-ci la condamne au versement d’une somme de 21 084, 32 euros aux consorts B. :

Considérant que l’annulation de l’arrêté du 6 novembre 1999 a pour effet de rétablir la circulation automobile sur l’ensemble de la rue de l’arbre-rond ; qu’il appartient au maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police de prendre, à la suite de cette annulation, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de la circulation sur cette voie ; que ces mesures n’appellent pas nécessairement l’édiction d’une interdiction de circulation telle qu’elle résultait de l’arrêté annulé ; que, par suite, la commune est fondée à soutenir que c’est à tort que le jugement attaqué, après avoir annulé l’arrêté du 6 novembre 1999, l’a condamnée à verser à Mme B. et à Mme M. une somme représentative du coût de réalisation d’une plate-forme de retournement afin de leur permettre de sortir en automobile en marche avant pour emprunter la portion de voie allant de leur propriété à l’avenue Verlhac ;

Considérant que l’arrêté attaqué n’a pas eu pour effet d’entraîner une perte de valeur vénale de la propriété de Mmes B. et M. ; qu’elles ne sont par suite pas fondées à demander, par la voie de l’appel incident, une indemnité à ce titre ; qu’il n’est pas davantage établi que le défaut d’entretien normal qui aurait affecté la voie ait été à l’origine, pour les requérantes d’un préjudice indemnisable ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE SOUILLAC qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme Pierrette Claudine B. épouse L. au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme Pierrette Claudine B. épouse L. le versement à la COMMUNE DE SOUILLAC d’une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens tant devant le juge de cassation que devant le juge d’appel ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 4 avril 2006 de la cour administrative d’appel de Bordeaux est annulé en tant qu’il rejette la requête de la COMMUNE DE SOUILLAC dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 23 janvier 2003.

Article 2 : L’article 2 du jugement du 23 janvier 2003 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : Les demandes indemnitaires de Mme B. et de Mme M. présentées devant le tribunal administratif de Toulouse, le surplus des conclusions d’appel de la COMMUNE DE SOUILLAC ainsi que l’appel incident de Mme B. sont rejetés.

Article 4 : Mme Pierrette Claudine B., épouse L. versera à la COMMUNE DE SOUILLAC une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SOUILLAC, à Mme M. Veuve B. et à Mme Pierrette Claudine B. épouse L..

Copie pour information en sera adressée à la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

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