Les droits et actions du débiteur qu’elles visent incluent ceux qui se rapportent, le cas échéant, aux dettes fiscales de celui-ci, et, par suite, aux actes de la procédure d’imposition le concernant, tels que les notifications de redressements, qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur son patrimoine. Il en va de même dans le cas de la liquidation judiciaire d’une personne physique exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale, auquel ces dispositions sont également applicables. Dès lors, c’est au liquidateur judiciaire que doit être adressée la notification des redressements envisagés par l’administration des bases d’imposition d’un contribuable qui se trouve dans ce cas.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 289929
M. T.
M. Laurent Cabrera
Rapporteur
M. François Séners
Commissaire du gouvernement
Séance du 2 juillet 2008
Lecture du 7 août 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 31 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Antoine T. ; M. T. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 1er décembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Paris, annulant partiellement le jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 octobre 2000, a pris acte du dégrèvement prononcé en cours d’instance et déchargé l’intéressé des pénalités pour absence de bonne foi, mais a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu restant en litige auxquels il a été assujetti au titre des années 1988 à 1991 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de le décharger des impositions et pénalités litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Laurent Cabrera, Auditeur,
les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. T.,
les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. T., auquel ont été assignés des suppléments d’impôt sur le revenu au titre des années 1988 à 1991 à la suite d’une vérification de comptabilité de son entreprise individuelle et d’un examen de sa situation fiscale personnelle, se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 1er décembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Paris, annulant partiellement le jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 octobre 2000, a pris acte du dégrèvement prononcé en cours d’instance et déchargé l’intéressé des pénalités pour absence de bonne foi mais rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d’impôt restant en litige ;
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations (.) /Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée." ; qu’aux termes de l’article L. 76 du même livre : " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d’office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d’une notification qui précise les modalités de leur détermination (.) ; qu’aux termes de l’article 152 de la loi du 25 janvier 1985, dont les dispositions sont désormais reprises à l’article L. 641-9 du code de commerce : " Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (.) " ; qu’il résulte de ces dispositions que les droits et actions du débiteur qu’elles visent incluent ceux qui se rapportent, le cas échéant, aux dettes fiscales de celui-ci, et, par suite, aux actes de la procédure d’imposition le concernant, tels que les notifications de redressements, qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur son patrimoine ; qu’il en va de même dans le cas de la liquidation judiciaire d’une personne physique exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale, auquel ces dispositions sont également applicables ; que, dès lors, c’est au liquidateur judiciaire que doit être adressée la notification des redressements envisagés par l’administration des bases d’imposition d’un contribuable qui se trouve dans ce cas ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les notifications de redressements des 12 et 19 juillet 1993 adressées à M. T. à l’issue de l’examen de sa situation fiscale personnelle indiquaient le montant global des bénéfices industriels et commerciaux résultant de l’activité de l’entreprise individuelle du contribuable au titre des années 1990 et 1991, en se référant expressément à la notification de redressements en date du 8 juin 1993 adressée au syndic-liquidateur de l’entreprise mise en liquidation judiciaire ; que dès lors que l’administration était seulement tenue de notifier au syndic-liquidateur les redressements envisagés à l’encontre de M. T., celui-ci ne saurait utilement critiquer, pour contester la régularité de la procédure d’imposition, les notifications de redressements qui lui ont été adressées les 12 et 19 juillet 1993 à titre d’information ;
Considérant, en second lieu, qu’en l’absence de tout moyen soulevé devant elle tiré du caractère radicalement vicié de la méthode utilisée par le vérificateur pour reconstituer les résultats évalués d’office de l’entreprise individuelle de M. T., la cour a pu, sans commettre d’erreur de droit, estimer, par une appréciation souveraine de la valeur des critiques que le contribuable a adressées à la méthode administrative de reconstitution de son chiffre d’affaires, que celle-ci n’était pas excessivement sommaire ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. T. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; qu’il y a lieu par suite, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de rejeter les conclusions qu’il présente au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de M. T. est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. T. et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article3076