Conseil d’Etat, 27 juin 2008, n° 276848, Société d’exploitation des sources Roxane

I résulte des dispositions des articles 36, 38 et 209 du code général des impôts que la clôture de l’exercice comptable constitue le fait générateur de l’impôt sur les sociétés. Lorsque le législateur modifie les règles d’assiette d’un impôt, cette modification ne peut trouver application que pour l’imposition des bénéfices des exercices clos après son entrée en vigueur.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 276848

SOCIETE D’EXPLOITATION DES SOURCES ROXANE

Mme Caroline Martin
Rapporteur

M. Laurent Olléon
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 juin 2008
Lecture du 27 juin 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 20 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE D’EXPLOITATION DES SOURCES ROXANE, dont le siège est Place de l’Eglise à La Ferrière Bochard (61420) ; la SOCIETE D’EXPLOITATION DES SOURCES ROXANE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 10 novembre 2004 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté sa requête formée contre le jugement du 5 avril 2001 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés ainsi que des contributions de 10 et 15 % auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 1998 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes de la question de savoir si l’application des dispositions de l’article 43-I de la loi de finances du 30 décembre 1998 à des dividendes reçus de filiales européennes le 30 juin 1998 est compatible avec les principes communautaires de sécurité juridique et de confiance légitime ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 7 600 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998, portant loi de finances pour 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Caroline Martin, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la SOCIETE D’EXPLOITATION DES SOURCES ROXANE,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE D’EXPLOITATION DES SOURCES ROXANE qui a déclaré au titre de l’exercice clos le 31 décembre 1998 avoir reçu de ses filiales des dividendes ouvrant droit à l’application du régime des sociétés mères prévu à l’article 145 du code général des impôts à hauteur de 271 274 336 F, a, conformément aux dispositions de l’article 216 du même code, réintégré dans son résultat imposable au titre de l’exercice clos le 31 décembre 1998 une quote-part de frais et charges égale à 2, 5 % du montant des dividendes bruts perçus, soit 6 784 086 F, correspondant à des cotisations d’impôt sur les sociétés et de contributions à cet impôt d’un montant de 2 826 250 F dont elle s’est acquittée ; qu’elle forme un pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes en date du 10 novembre 2004 qui a confirmé le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 5 avril 2001 rejetant sa demande en décharge de ces impositions ;

Considérant, d’une part, qu’il résulte des dispositions des articles 36, 38 et 209 du code général des impôts que la clôture de l’exercice comptable constitue le fait générateur de l’impôt sur les sociétés ; que lorsque le législateur modifie les règles d’assiette d’un impôt, cette modification ne peut trouver application que pour l’imposition des bénéfices des exercices clos après son entrée en vigueur ;

Considérant, d’autre part, qu’il résulte des dispositions de l’article 216 du code général des impôts que les produits nets des participations perçus au cours d’un exercice par une société mère peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci ; que l’article 43 de la loi du 30 décembre 1998 portant loi de finances pour 1999 a prévu que ces produits nets ne pouvaient être retranchés du bénéfice total de la société mère que défalcation faite d’une quote-part de frais et charges, fixée à 2, 5 % du produit total des participations, crédit d’impôt compris, sans pouvoir excéder pour chaque période d’imposition le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société au cours de la même période ; qu’aux termes de l’article 1er de la même loi : ". II. Sous réserve des dispositions contraires, la loi de finances s’applique : . 2° A l’impôt dû par les sociétés sur leurs résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 1998" ;

Considérant, en premier lieu, que la cour a relevé qu’en juin 1998, la SOCIETE D’EXPLOITATION DES SOURCES ROXANE avait perçu des dividendes de ses filiales installées en France et au Luxembourg et qu’elle les avait retranchés de son bénéfice imposable de la même année ; qu’en déduisant des dispositions de l’article 43 de la loi du 30 décembre 1998 que la société devait, comme elle l’a fait, réintégrer dans son bénéfice imposable au titre du même exercice une quote-part de frais et charges égale à 2, 5 % du montant du produit de ses participations dans ses filiales, dès lors que l’exercice comptable de la société, lequel constitue le fait générateur de l’impôt, était clos le 31 décembre 1998, la cour administrative d’appel a suffisamment motivé son arrêt et n’a commis aucune erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents : "1. Chaque Etat membre applique la présente directive : -aux distributions de bénéfices reçus par des sociétés de cet Etat et provenant de leurs filiales d’autres Etats membres, -aux distributions de bénéfices effectués par des sociétés de cet Etat à des sociétés d’autres Etats membres dont elles sont les filiales." ; qu’aux termes de l’article 4 de la même directive : "1. Lorsqu’une société mère reçoit, à titre d’associé de sa société filiale, des bénéfices distribués autrement qu’à l’occasion de la liquidation de celle-ci, l’Etat de la société mère : -soit s’abstient d’imposer ces bénéfices, -soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l’Etat membre de résidence de la filiale., dans la limite du montant de l’impôt national correspondant. 2. Toutefois, tout Etat membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale" ;

Considérant qu’il résulte des termes de l’article 1er de la directive du Conseil du 23 juillet 1990 que celle-ci ne crée d’obligations à l’égard des Etats membres qu’au regard des opérations qui concernent des sociétés d’Etats membres différents ; que même si le législateur, en transposant la directive, a entendu appliquer le même traitement aux situations internes et à celles régies par le droit communautaire, le moyen tiré de ce que l’article 43 de la loi de finances pour 1999 aurait porté atteinte aux principes communautaires , de sécurité juridique et de confiance légitime n’est opérant qu’à l’égard des impositions nées du produit des participations de filiales d’autres Etats membres ; qu’en ce qui concerne les charges réintégrées par la société à raison de l’acquisition de dividendes perçus des filiales luxembourgeoises, il résulte de ce qui a été dit plus haut que le moyen tiré de ce que l’article 216 dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 1999 serait rétroactif manque en fait ; que, dès lors, l’application, pour l’établissement de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, des dispositions de l’article 216 du code général des impôts, adoptées antérieurement au fait générateur de l’impôt, n’est pas susceptible de porter atteinte aux principes communautaires de sécurité juridique et de confiance légitime ; que, par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que ces principes n’ont pas été méconnus ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle, que le pourvoi de la SOCIETE D’EXPLOITATION DES SOURCES ROXANE doit être rejeté ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE D’EXPLOITATION DES SOURCES ROXANE est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D’EXPLOITATION DES SOURCES ROXANE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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