Conseil d’Etat, 16 juin 2008, n° 286775, Société Helioscopie

Les articles R. 165-1 et suivants du même code prévoit que la liste est établie par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé après avis de la commission d’évaluation des produits et prestations et que l’inscription, valable cinq ans, son renouvellement ou sa modification, interviennent à la demande de l’entreprise qui fabrique ou distribue le produit ou, s’agissant de la modification ou d’une suspension d’inscription, à l’initiative des ministres qui doivent en informer les entreprises ; qu’il résulte enfin des dispositions de l’article R. 165-12 de ce code que, dans tous les cas, la commission d’évaluation des produits et prestations émet un premier avis qui est notifié à l’entreprise, laquelle dispose alors d’un délai de huit jours pour demander à être entendue, puis un avis définitif communiqué au fabricant ou au distributeur, transmis simultanément aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé et au comité économique des produits de santé puis rendu public.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 286775, 286776

SOCIETE HELIOSCOPIE

M. Eric Berti
Rapporteur

M. Luc Derepas
Commissaire du gouvernement

Séance du 14 mai 2008
Lecture du 16 juin 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 286775, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 novembre et 22 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE HELIOSCOPIE, Compagnie Européenne d’Etude et de Recherche de Dispositifs pour l’Implantation par Laparoscopie, dont le siège est rue des Frères Lumière, BP 385 à Vienne (38217), représentée par son président-directeur général ; la SOCIETE HELIOSCOPIE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 2 septembre 2005 du ministre de la santé et des solidarités portant radiation de la ligne de nomenclature générique " implant digestif annulaire pour gastroplastie " et relatif à l’inscription de nouvelles lignes de nomenclature au chapitre 1er du titre III de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son profit de la somme de 9 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 285776, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 novembre et 22 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE HELIOSCOPIE, Compagnie Européenne d’Etude et de Recherche de Dispositifs pour l’Implantation par Laparoscopie, dont le siège est rue des Frères Lumière, BP 385 à Vienne (38217), représentée par son président-directeur général ; la SOCIETE HELIOSCOPIE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir deux avis, publiés au Journal officiel de la République française du 13 septembre 2005, relatifs aux tarifs et aux prix limites de vente au public de produits et prestations visés à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, ayant pour objet, pour le premier, de fixer à 1 100 euros le tarif des implants digestifs ajustables de marques Ethicon et Mc Ghan et à 700 euros celui des implants digestifs non ajustables de la marque Surgical-Ioc, et, pour le second, de fixer à 900 euros et 570 euros le tarif général des implants digestifs ajustables et non ajustables ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son profit de la somme de 9 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le décret n° 2004-419 du 23 décembre 2004 ;

Vu le décret du 29 juillet 2005 portant délégation de signature (direction de la sécurité sociale) ;

Vu l’arrêté du 23 juin 2005 portant délégation de signature (direction générale de la santé) ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Berti, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE HELIOSCOPIE,

- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, par un avis publié le 26 décembre 2003 au Journal officiel de la République française, le ministre de la santé et des solidarités a fait savoir qu’il envisageait de modifier, s’agissant des implants digestifs annulaires pour gastroplastie, les modalités d’inscription sur la liste des produits et prestations remboursables prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, de façon à passer d’une inscription sous forme de " description générique " de ces dispositifs médicaux à une inscription par mention de leur marque ou nom commercial ; que la SOCIETE HELIOSCOPIE a demandé, par courrier du 25 mars 2004, que les deux produits dénommés Caligast et Heliogast qu’elle fabrique et distribue, soient inscrits sur la liste ainsi révisée ; que, par arrêté du 2 septembre 2005, le ministre de la santé et des solidarités a inscrit sur la liste des implants digestifs remboursables plusieurs produits désignés par leur nom commercial mais pas les produits Caligast et Heliogast, ces deux produits pouvant toutefois bénéficier de l’inscription par description générique finalement maintenue ; que deux avis publiés au Journal officiel de la République française du 13 septembre 2005 indiquent les tarifs et prix limites de vente au public des implants digestifs annulaires pour gastroplastie inscrits sous ces deux formes ; que les requêtes de la SOCIETE HELIOSCOPIE, qui tendent à l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté et de ces avis, se rapportent aux mêmes dispositifs médicaux et soulèvent les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité de l’arrêté du 2 septembre 2005 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur à la date de l’arrêté attaqué : " Le remboursement par l’assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel (.) est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d’une commission de la Haute Autorité de santé mentionnée à l’article L. 161-37. L’inscription est effectuée soit par la description générique de tout ou partie du produit concerné, soit sous forme de marque ou de nom commercial. L’inscription sur la liste peut elle-même être subordonnée au respect de spécifications techniques, d’indications thérapeutiques ou diagnostiques et de conditions particulières de prescription et d’utilisation. / Les conditions d’application du présent article, notamment les conditions d’inscription sur la liste, ainsi que la composition et le fonctionnement de la commission sont fixées par décret en Conseil d’Etat (.) " ; que les articles R. 165-1 et suivants du même code prévoit que la liste est établie par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé après avis de la commission d’évaluation des produits et prestations et que l’inscription, valable cinq ans, son renouvellement ou sa modification, interviennent à la demande de l’entreprise qui fabrique ou distribue le produit ou, s’agissant de la modification ou d’une suspension d’inscription, à l’initiative des ministres qui doivent en informer les entreprises ; qu’il résulte enfin des dispositions de l’article R. 165-12 de ce code que, dans tous les cas, la commission d’évaluation des produits et prestations émet un premier avis qui est notifié à l’entreprise, laquelle dispose alors d’un délai de huit jours pour demander à être entendue, puis un avis définitif communiqué au fabricant ou au distributeur, transmis simultanément aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé et au comité économique des produits de santé puis rendu public ;

Considérant, en premier lieu, que si le décret du 23 décembre 2004 a modifié la composition de la commission d’évaluation des produits et prestations, désormais rattachée à la Haute Autorité de santé, et prévu l’application des dispositions des articles R. 165-1 et suivants, dans leur nouvelle rédaction, aux demandes en cours à la date du 1er janvier 2005, son article 26 précise cependant que lorsque la commission d’évaluation des produits et prestations a formulé, avant cette date, un avis sur une demande, les décisions relatives au remboursement, au prix ou au tarif de ce produit ou de cette prestation interviennent valablement au vu de cet avis ; que, dès lors, le moyen tiré de l’irrégularité de l’arrêté faute pour la commission d’évaluation des produits et prestations d’avoir à nouveau émis un avis sur ces produits après l’entrée en vigueur du décret ne peut qu’être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que les signataires de l’arrêté disposaient, à la date de celui-ci, de délégations de signature régulièrement publiées les habilitant à signer en lieu et place de leur ministre ou directeurs absents ou empêchés ; que si la société requérante soutient que ceux-ci n’étaient pas absents ni empêchés, elle n’apporte aucun élément à l’appui de cette allégation ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence des signataires de l’arrêté doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que l’arrêté portant inscription ou modification de l’inscription sur la liste des produits et prestations remboursables prévue par l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale est un acte réglementaire et qu’il ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire que cet acte doit être motivé ; que le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit donc être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la commission d’évaluation des produits et prestations a, par un avis définitif du 1er septembre 2004, confirmant un premier avis du 28 mai 2004, estimé que les produits de la SOCIETE HELIOSCOPIE ne justifiaient pas d’un service rendu suffisant pour permettre leur inscription sur la liste des produits et prestations remboursables ; que le président de la Haute Autorité de santé a, par lettre en date du 2 mars 2005, indiqué à la société requérante que la commission d’évaluation des produits et prestations avait été saisie par le ministre pour évaluer à nouveau les implants annulaires de gastroplastie ayant fait l’objet d’un avis défavorable et qu’à cette fin, il souhaitait obtenir dans un délai de trois mois des données actualisées sur les produits Heliogast et Caligast ; que cette circonstance, alors même que la SOCIETE HELIOSCOPIE a répondu à la demande du président de la Haute Autorité de santé dans le délai prescrit, ne faisait pas obstacle, par elle-même, à la possibilité pour le ministre de se prononcer, comme il l’a fait, au vu de l’avis émis le 1er septembre 2004 par la commission d’évaluation des produits et prestations et sans attendre le nouvel avis de cette commission qu’il avait lui-même sollicité, dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments complémentaires produits par la SOCIETE HELIOSCOPIE étaient de nature à modifier l’appréciation portée sur les produits en cause ;

Considérant, enfin, qu’il résulte des dispositions combinées de l’article L. 165-1 et de l’article R. 165-3 du code de la sécurité sociale que l’inscription sur la liste des produits remboursables se fait en principe par " inscription générique ", constituée de l’énumération des principales caractéristiques du produit, mais qu’elle est effectuée sous la forme de la marque ou nom commercial, soit pour les produits qui présentent un caractère innovant, soit lorsque l’impact sur les dépenses d’assurance maladie, les impératifs de santé publique ou le contrôle des spécifications techniques minimales, rendent nécessaires un suivi particulier ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que certains produits relevant d’une catégorie de dispositifs médicaux figurent sur la liste sous leur nom de marque et que subsiste dans la même rubrique de cette liste une inscription générique valable pour les autres produits de la catégorie ; que pour contester l’arrêté litigieux, la SOCIETE HELIOSCOPIE soutient que cette inscription instaure une différence de traitement contraire au principe d’égalité, ses produits étant tout aussi innovants que ceux de ses concurrents ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que l’inscription sous leur marque commerciale des implants digestifs annulaires pour gastroplastie concurrents de ceux distribués par la SOCIETE HELIOSCOPIE est motivée non par leur caractère innovant mais par l’impact que leur vente est susceptible d’avoir sur les dépenses de santé, ce motif pouvant légalement justifier cette inscription et n’étant entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SOCIETE HELIOSCOPIE n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 2 septembre 2005 ;

Sur la légalité des tarifs et prix limites de vente au public des implants digestifs annulaires pour gastroplastie :

Considérant, d’une part, qu’il découle de ce qui vient d’être dit que le moyen tiré de ce que les avis publiés le 13 septembre 2005 et fixant les tarifs et prix de ces produits doivent être annulés, par voie de conséquence de l’annulation de l’arrêté du 2 septembre 2005, ne peut qu’être écarté ;

Considérant, d’autre part, qu’en vertu des articles L. 165-2 et R. 165-14 du code de la sécurité sociale, la décision du comité économique des produits de santé fixant, par convention ou à défaut par décision, les tarifs ou prix des dispositifs médicaux, tient compte principalement du service attendu ou rendu, de l’amélioration éventuelle de celui-ci, le cas échéant des résultats des études complémentaires demandées, des tarifs et des prix du ou des actes, produits ou prestations comparables, des volumes de vente prévus et des conditions prévisibles et réelles d’utilisation ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en retenant des tarifs et prix de vente différents pour les implants digestifs annulaires pour gastroplastie inscrits sous leur nom de marque et ceux inscrits sous dénomination générique, le comité économique des produits de santé ait méconnu les dispositions des articles L. 165-2 et R. 165-14 du code de la sécurité sociale ou le principe d’égalité ; que, par suite, les conclusions de la SOCIETE HELIOSCOPIE dirigées contre les actes fixant ces tarifs et prix doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par la SOCIETE HELIOSCOPIE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la SOCIETE HELIOSCOPIE sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE HELIOSCOPIE, à la société Ethicon Endo-Surgery et à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2942