Conseil d’Etat, 21 mai 2008, n° 306138, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ Communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac

La taxe générale sur les activités polluantes prévue par l’article 266 sexies du code des douanes est due, notamment, par les exploitants d’installations de stockage de déchets ménagers et assimilés.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 306138

MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

c/ Communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac

Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur

Mlle Célia Verot
Commissaire du gouvernement

Séance du 4 avril 2008
Lecture du 21 mai 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Vu le recours, enregistré le 1er juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d’Etat d’annuler le jugement du 17 avril 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice, faisant partiellement droit à la demande de la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac, a d’une part, annulé la décision du 22 mai 2006 du directeur régional des douanes et des droits indirects des Alpes-Maritimes refusant de communiquer au président de la communauté d’agglomération les déclarations de taxe générale sur les activités polluantes établies par les centres d’enfouissement techniques du Cantal au titre de l’année 2004, d’autre part, enjoint à l’administration de communiquer, dans les conditions prévues par la loi du 17 juillet 1978, la copie des documents sollicités dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code pénal ;

Vu le code des douanes ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 avril 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice, faisant partiellement droit à la demande de la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac, a, d’une part, annulé la décision du 22 mai 2006 du directeur régional des douanes et des droits indirects des Alpes-Maritimes refusant de communiquer au président de la communauté d’agglomération les déclarations de taxe générale sur les activités polluantes établies au titre de l’année 2004 par les centres d’enfouissement techniques du Cantal, qui gèrent les décharges d’ordures ménagères, d’autre part, enjoint à l’administration de communiquer, dans les conditions prévues par la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, la copie des documents sollicités dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi ;

Considérant que la taxe générale sur les activités polluantes prévue par l’article 266 sexies du code des douanes est due, notamment, par les exploitants d’installations de stockage de déchets ménagers et assimilés ; qu’il résulte de l’article 266 undecies du même code que cette taxe est assise sous le contrôle de l’administration des douanes et recouvrée par celle-ci ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal : " Le droit de toute personne à l’information est précisé et garanti par les dispositions des chapitres Ier, III et IV du présent titre en ce qui concerne la liberté d’accès aux documents administratifs. (.) " ; qu’aux termes de l’article 2 de la même loi : " Sous réserve des dispositions de l’article 6, les autorités mentionnées à l’article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent titre. (.) ; qu’aux termes de l’article 6 : " I. - Ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (.) à la recherche, par les services compétents, des infractions fiscales et douanières / - ou, de façon générale, aux secrets protégés par la loi. / (.) " ; qu’aux termes de l’article 59 bis du code des douanes : " Sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal, les agents des douanes ainsi que toutes personnes appelées à l’occasion de leurs fonctions ou de leurs attributions à exercer à quelque titre que ce soit des fonctions à l’administration centrale ou dans les services extérieurs des douanes ou à intervenir dans l’application de la législation des douanes. " ; qu’aux termes de l’article 226-13 du code pénal : " La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. " ; qu’aux termes de l’article 226-14 du même code : " L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. (.) ; que, contrairement à ce qu’a jugé le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice, ces dispositions combinées doivent être interprétées en ce sens que le secret professionnel auquel sont astreints les agents des douanes fait obstacle, en l’absence de dérogation législative expresse, à ce que les déclarations établies par les redevables de la taxe générale sur les activités polluantes soient communiquées à des tiers par les agents des douanes ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond et de statuer sur la demande de la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité de la requête ;

Considérant que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il résulte des dispositions combinées du I de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 et de l’article 59 bis du code des douanes que les déclarations établies par les redevables de la taxe générale sur les activités polluantes détenues par les agents des douanes ne sont pas communicables aux tiers, en l’absence de disposition législative expresse déliant ces agents du secret professionnel auquel ils sont tenus ; que, par suite, la communauté d’agglomération d’Aurillac n’est pas fondée à demander l’annulation du refus qui a été opposé à sa demande de communication présentée sur le seul fondement de la loi du 17 juillet 1978 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquences, les conclusions de la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 17 avril 2007 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La demande de la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac et ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et au président de la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac.

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