Conseil d’Etat, 14 mai 2008, n° 303700, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage. Une telle décision n’est pas nécessairement expresse et peut être révélée notamment par le versement des sommes correspondantes. En revanche, n’ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d’une décision prise antérieurement.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 303700

MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

M. Alban de Nervaux
Rapporteur

M. Bertrand Dacosta
Commissaire du gouvernement

Séance du 14 avril 2008
Lecture du 14 mai 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi, enregistré le 14 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d’Etat d’annuler le jugement du 17 janvier 2007 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a prononcé l’annulation de la décision du 2 juin 2005 refusant de retirer la décision de régularisation du trop-perçu portant sur l’indemnité d’agent de traitement informatique de Mme Marie-Thérèse G., pour la période de mars 2002 à mai 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 71-343 du 29 avril 1971 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alban de Nervaux, Auditeur,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme G., agent administratif au sein du personnel civil de l’armée de l’air exerçant ses fonctions au district de transit interarmées de La Rochelle, a bénéficié depuis le mois de juin 1991 de la prime d’agent de traitement de l’information instituée par le décret du 29 avril 1971 relatif aux fonctions et au régime indemnitaire des fonctionnaires de l’Etat et des établissements publics affectés au traitement de l’information ; que sur le fondement d’une attestation du supérieur hiérarchique de l’intéressée en date du 22 mars 2004 précisant qu’elle n’exerçait plus de fonction d’agent de traitement depuis le 1er mars 2002, cette prime a cessé de lui être versée à compter du mois de mai 2004 et le trop-perçu de cette indemnité depuis le mois de mars 2002 lui a été réclamé ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, qui s’est approprié les conclusions du trésorier payeur général d’Indre-et-Loire, se pourvoit en cassation contre le jugement 17 janvier 2007 du tribunal administratif de Poitiers ayant annulé sa décision du 2 juin 2005 refusant de retirer la décision de régularisation du trop-perçu portant sur l’indemnité d’agent de traitement informatique de Mme G. en tant que celle-ci comportait un caractère rétroactif à la date du 1er mars 2002 ;

Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; qu’une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage ; qu’une telle décision n’est pas nécessairement expresse et peut être révélée notamment par le versement des sommes correspondantes ; qu’en revanche, n’ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d’une décision prise antérieurement ;

Considérant que le tribunal administratif de Poitiers a jugé sans erreur de droit que la décision intervenue en mai 2004 mettant fin, à compter du mois de mars 2002, au bénéfice par Mme G. de la prime d’agent de traitement de l’information qui lui avait été accordée en 1991 par une décision créatrice de droits, faute pour l’intéressée de continuer à exercer les fonctions ouvrant droit à une telle indemnité, ne se bornait pas à corriger des erreurs de liquidation mais mettait fin aux décisions créatrices de droit prises lors du versement de la prime ; qu’elle ne pouvait ainsi légalement retirer des droits acquis en prenant effet rétroactivement ; que, dès lors, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, n’est pas fondé à demander par ce moyen l’annulation du jugement attaqué ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, à Mme Marie-Thérèse G. et au ministre de la défense.

_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2924