Un avis à tiers détenteur ne peut interrompre la prescription qu’elles prévoient qu’à la condition d’avoir été régulièrement notifié tant au tiers détenteur qu’au redevable concerné. Ne sont pas de nature à interrompre la prescription les versements intervenus en application d’un avis à tiers détenteur qui n’a pas été régulièrement notifié au contribuable.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 290105
MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ M. L.
Mme Anne Egerszegi
Rapporteur
M. François Séners
Commissaire du gouvernement
Séance du 12 mars 2008
Lecture du 16 mai 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux
Vu le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE , enregistré le 10 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le ministre demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 8 décembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement du 14 février 2002 du tribunal administratif de Poitiers et déchargé M. Rémy L. de l’obligation de payer la somme de 2 315 289, 24 euros réclamée par avis à tiers détenteur notifié le 4 mai 2000 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. L.,
les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 8 décembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux, annulant le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 14 février 2002, a déchargé M. L. de l’obligation de payer la somme de 2 315 289, 24 euros, réclamée par avis à tiers détenteur notifié le 4 mai 2000, au motif de la prescription de l’action en recouvrement ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 262 du livre des procédures fiscales : "Les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d’impôts, de pénalités et de frais accessoires dont le recouvrement est garanti par le privilège du Trésor sont tenus, sur la demande qui leur en est faite sous forme d’avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, de verser, aux lieu et place des redevables, les fonds qu’ils détiennent ou qu’ils doivent, à concurrence des impositions dues par ces redevables." ; qu’aux termes de l’article L. 274 du même livre : "Les comptables du Trésor qui n’ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l’action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription." ; qu’aux termes de l’article L. 275 du même livre : "La notification d’un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l’administration et y substitue la prescription quadriennale. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa est interrompu dans les conditions indiquées à l’article L. 274." ; qu’il résulte de ces dispositions qu’un avis à tiers détenteur ne peut interrompre la prescription qu’elles prévoient qu’à la condition d’avoir été régulièrement notifié tant au tiers détenteur qu’au redevable concerné ; que ne sont pas de nature à interrompre la prescription les versements intervenus en application d’un avis à tiers détenteur qui n’a pas été régulièrement notifié au contribuable ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme L. ont été assujettis, au titre des années 1989 à 1991, à des suppléments d’impôt sur le revenu mis en recouvrement le 29 avril 1994 ; qu’un commandement de payer leur a été notifié le 8 juillet 1994 ; que, si le ministre soutient que l’avis à tiers détenteur en date du 17 juillet 1997 adressé à l’Assedic et les prélèvements effectuées au profit du Trésor en exécution de ce titre auraient interrompu la prescription de l’action en recouvrement, il n’a pu justifier devant la cour de la régulière notification de cet avis à M. ou Mme L. ; que le ministre ne peut produire, pour la première fois devant le juge de cassation, l’accusé de réception attestant de la notification à M. L. de l’avis à tiers détenteur adressé à l’Assedic, pour en déduire que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant qu’à la date de la notification, le 4 mai 2000, d’un second avis à tiers détenteur au contribuable et à ses locataires, l’action en recouvrement était prescrite ; que par suite, le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’il y a lieu, en application des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 000 euros que demande la SCP Vier, Barthelemy, Matuchansky, avocat de M. L. désigné au titre de l’aide juridictionnelle, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera, en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 000 euros à la SCP Vier, Barthelemy, Matuchansky, avocat de M. L. désigné au titre de l’aide juridictionnelle, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. Rémy L..
_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2919