Afin de mener à bien la mission de contrôle du service universel qui lui a été confiée par le législateur, l’Autorité de régulation de communications électroniques et des postes peut demander à LA POSTE de lui communiquer annuellement les restitutions comptables prévues par la décision attaquée, dès lors que cette communication est nécessaire pour permettre à l’Autorité d’apprécier les conditions économiques et financières dans lesquelles LA POSTE assure le service universel postal ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes pour imposer cette obligation ne peut qu’être écarté.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 309316
LA POSTE
M. Jérôme Marchand-Arvier
Rapporteur
Mme Emmanuelle Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement
Séance du 9 avril 2008
Lecture du 7 mai 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 2ème sous-section de la section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par LA POSTE, dont le siège est 44, boulevard de Vaugirard à Paris Cedex 15 (75757) ; LA POSTE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision n° 2007-0443 du 15 mai 2007 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) relative aux spécifications des systèmes de comptabilisation, prise en application de l’article L. 5-2, 6° du code des postes et des communications électroniques, ainsi que la décision du 11 juillet 2007 rejetant son recours gracieux contre cette décision, en tant que la communication des données comptables demandées présente un caractère annuel et systématique, que cette communication s’applique pour l’exercice comptable clos le 31 décembre 2006, qu’elles ne définissent pas les règles de comptabilisation des coûts, que la restitution R 4 prévue à l’annexe 1 de la décision du 15 mai 2007 distingue, dans la neuvième catégorie, les produits "courrier" et "colis", et que son article 4 prévoit la production et la communication par LA POSTE des comptes d’exploitation relatifs au "Colissimo ordinaire" et à la Presse économique ;
2°) à titre subsidiaire, d’annuler ces deux décisions dans leur ensemble ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service, modifiée par la directive 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002 ;
Vu le code des postes et des communications électroniques ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée ;
Vu le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Auditeur,
les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
Sur la légalité externe de la décision du 15 mai 2007 :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 2 du code des postes et des communications électroniques : " La Poste est le prestataire du service universel postal. Au titre des prestations relevant de ce service, elle est (.) soumise à des obligations comptables et d’information spécifiques " ; qu’aux termes de l’article L. 5-2 du même code : " L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes : (.) 6º Afin de mettre en oeuvre les principes de séparation et de transparence des comptes, en particulier pour garantir les conditions de financement du service universel, précise les règles de comptabilisation des coûts, établit les spécifications des systèmes de comptabilisation et veille au respect, par le prestataire du service universel, des obligations relatives à la comptabilité analytique fixées dans le décret prévu à l’article L. 2. A ce titre, dans le champ du service universel, l’autorité reçoit communication des résultats des vérifications des commissaires aux comptes, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Elle fait vérifier annuellement, aux frais du prestataire du service universel, par un organisme qu’elle agrée, compétent et indépendant du prestataire du service universel, la conformité des comptes du prestataire du service universel aux règles qu’elle a établies. Elle veille à la publication, par les soins de l’organisme indépendant agréé, d’une déclaration de conformité " ; qu’aux termes de l’article R. 1-1-16 du même code : " La Poste fournit les informations que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes lui demande pour l’accomplissement de ses missions et l’exercice de son contrôle du service universel postal. Les demandes de l’Autorité sont motivées et proportionnées à ses besoins ; elles précisent le niveau de détail de la réponse et les délais impartis pour la produire (.) " ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, afin de mener à bien la mission de contrôle du service universel qui lui a été confiée par le législateur, l’Autorité de régulation de communications électroniques et des postes peut demander à LA POSTE de lui communiquer annuellement les restitutions comptables prévues par la décision attaquée, dès lors que cette communication est nécessaire pour permettre à l’Autorité d’apprécier les conditions économiques et financières dans lesquelles LA POSTE assure le service universel postal ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes pour imposer cette obligation ne peut qu’être écarté ;
Sur la légalité interne de la décision du 15 mai 2007 :
Considérant que la décision du 15 mai 2007 prévoit que LA POSTE produit et communique à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes des restitutions comptables, portant sur l’exercice clos le 31 décembre 2006, au plus tard le 1er septembre 2007 ; que si cette communication exige un retraitement des données comptables de l’exercice clos le 31 décembre 2006, elle ne présente aucun caractère rétroactif et ne méconnaît pas, par suite, le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires ;
Considérant qu’il n’est pas contesté que la décision du 15 mai 2007 établit les spécifications des systèmes de comptabilisation mais ne précise pas les règles de comptabilisation des coûts ; que, toutefois, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a, d’une part, précisé que les règles de comptabilisation applicables pour l’exercice 2006 étaient celles indiquées par l’Autorité à LA POSTE dans un courrier du 28 décembre 2006, d’autre part, annoncé, lors de la consultation publique préalable à la décision attaquée, qu’elle engagerait prochainement une autre consultation en vue de fixer les règles à appliquer par LA POSTE pour la production des comptes réglementaires de l’exercice 2007 ; que, par suite, la décision du 15 mai 2007, en tant qu’elle ne définit pas les règles de comptabilisation des coûts, ne méconnaît pas les dispositions du 6° de l’article L. 5-2 du code des postes et des communications électroniques ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 1-1-14 du code des postes et des communications électroniques : " La Poste présente une comptabilité analytique comportant des comptes séparés pour chacun des services dont l’exclusivité lui est réservée et distinguant, parmi les autres services, ceux qui relèvent de l’offre de service universel, de la mission de transport de la presse bénéficiant de l’agrément de la commission paritaire des publications et agences de presse et de ses autres activités " ;
Considérant que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a imposé à LA POSTE de décomposer la formation du résultat du service universel (restitution R4) selon huit catégories de produits (lettre ordinaire et produits assimilés, écopli, marketing direct, .) et d’une catégorie résiduelle intitulée " autres produits courrier ou colis " ; que, si cette catégorie résiduelle recouvre des produits qui ne relèvent pas de l’offre de service universel, il n’est pas contesté, d’une part, que l’acheminement du courrier et celui des colis sont des activités distinctes au sein de LA POSTE, séparées tant sur le plan fonctionnel que sur le plan comptable, d’autre part, que les produits relevant de ces activités entrent, pour partie, dans le champ du service universel même s’ils n’en font pas tous partie ; que, l’obligation faite à LA POSTE de distinguer les deux activités pour les produits qui n’entrent pas dans le champ du service universel permet à l’Autorité d’avoir une vision complète du compte de chacun des produits, de vérifier la correcte attribution des coûts entre les activités " colis " et " courrier " contenues dans le champ du service universel et celles hors de son champ et, par voie de conséquence, de vérifier l’équilibre des conditions du financement du service universel ; que, par suite, compte tenu des dispositions combinées du 6° de l’article L. 5-2 du code des postes et des communications électroniques et des articles R. 1-1-14 et R. 1-1-16 du même code, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes pouvait légalement imposer de distinguer, au sein de la catégorie intitulée " autres produits courrier ou colis " de la restitution R4, les produits " courrier " et " colis " ;
Considérant que l’article 4 de la décision du 15 mai 2007 prévoit notamment que LA POSTE produit et communique à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes les comptes d’exploitation relatifs au " Colissimo ordinaire " et à la Presse économique ; que, compte tenu de sa mission de vérification de l’équilibre des conditions de financement du service universel, l’Autorité pouvait demander la communication par LA POSTE des comptes d’exploitation relatifs au " Colissimo ordinaire ", dès lors que ce produit relève de l’offre de service universel ; qu’elle pouvait également prévoir cette même disposition pour la Presse économique, dès lors, d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article R. 1-1-17 du code des postes et des communications électroniques, les envois relatifs à cette activité " sont acheminés dans les conditions du service universel postal ", d’autre part, qu’un protocole d’accord signé le 22 juillet 2004 encadre pour quatre ans l’évolution des tarifs de LA POSTE pour l’acheminement, le traitement et la distribution de la presse ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que LA POSTE n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 15 mai 2007 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) relative aux spécifications des systèmes de comptabilisation, en application de l’article L. 5-2, 6° du code des postes et des communications électroniques ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’annulation de la décision du 11 juillet 2007 rejetant son recours gracieux contre cette décision ainsi que celles tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de LA POSTE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à LA POSTE, à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et au ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
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