Conseil d’Etat, 20 février 2008, n° 308108, Fabrice B.

Il ressort des pièces du dossier soumis au Conseil supérieur de la magistrature que les rapporteurs désignés conformément à l’article 51, et dont les attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer, ont demandé le concours d’un conseiller référendaire près la cour de cassation afin qu’il les assiste notamment dans l’utilisation d’un logiciel d’instruction assisté par ordinateur, destiné à indexer des pièces de la procédure et à faciliter l’établissement de liens entre elles ; que, quels que soient l’utilité de la contribution ainsi fournie par le magistrat chargé de cette assistance technique et le temps que celui-ci lui a consacré, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le conseil de discipline aurait commis une erreur de droit en estimant que, dès lors que ce magistrat est resté sous le constant contrôle des rapporteurs et que les auditions ont toujours été faites par les seuls rapporteurs qui ont eux-mêmes arrêté le texte de chaque question, les rapporteurs n’ont pas illégalement délégué leurs pouvoirs.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 308108

M. B.

M. Stéphane Hoynck
Rapporteur

M. Mattias Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 23 janvier 2008
Lecture du 20 février 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er août 2007 et 5 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Fabrice B. ; M. B. demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 26 juillet 2007 du Conseil supérieur de la magistrature, qui dans la procédure disciplinaire suivie à son encontre, a rejeté sa requête en nullité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 janvier 2008, présentée pour M. B. ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B., les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. B., magistrat du siège à la date des faits qui ont provoqué les poursuites disciplinaires dont a été saisi le Conseil supérieur de la magistrature, a formé le 11 juin 2007 devant le conseil de discipline, compétent pour les magistrats du siège, une requête en nullité d’actes d’instruction de la procédure suivie à son encontre ; que par une décision en date du 26 juillet 2007, le conseil de discipline a rejeté cette requête ; que M. B. se pourvoit en cassation contre cette décision ;

Considérant qu’aux termes de l’article 51 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 : " Dès la saisine du conseil de discipline, le magistrat a droit à la communication de son dossier et des pièces de l’enquête préliminaire, s’il y a été procédé. / Le Premier président de la Cour de cassation, en qualité de président du conseil de discipline, désigne un rapporteur parmi les membres du conseil. Il le charge, s’il y a lieu, de procéder à une enquête. (.) " ; qu’aux termes de son article 52 : " Au cours de l’enquête, le rapporteur entend ou fait entendre l’intéressé par un magistrat d’un rang au moins égal à celui de ce dernier et, s’il y a lieu, le plaignant et les témoins. Il accomplit tous actes d’investigations utiles. / Le magistrat incriminé peut se faire assister par l’un de ses pairs, par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ou par un avocat inscrit au barreau. / La procédure doit être mise à la disposition de l’intéressé ou de son conseil quarante-huit heures au moins avant chaque audition. " ; qu’aux termes de l’article 53 : " (.) lorsque l’enquête est complète, le magistrat est cité à comparaître devant le conseil de discipline " ; qu’aux termes de l’article 55 : " Le magistrat a droit à la communication de son dossier, de toutes les pièces de l’enquête et du rapport établi par le rapporteur. Son conseil a droit à la communication des mêmes documents " ; qu’aux termes de l’article 56 : " Au jour fixé par la citation, après audition du directeur des services judiciaires et après lecture du rapport, le magistrat déféré est invité à fournir ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés. (.) " ;

Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier soumis au Conseil supérieur de la magistrature que les rapporteurs désignés conformément à l’article 51, et dont les attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer, ont demandé le concours d’un conseiller référendaire près la cour de cassation afin qu’il les assiste notamment dans l’utilisation d’un logiciel d’instruction assisté par ordinateur, destiné à indexer des pièces de la procédure et à faciliter l’établissement de liens entre elles ; que, quels que soient l’utilité de la contribution ainsi fournie par le magistrat chargé de cette assistance technique et le temps que celui-ci lui a consacré, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le conseil de discipline aurait commis une erreur de droit en estimant que, dès lors que ce magistrat est resté sous le constant contrôle des rapporteurs et que les auditions ont toujours été faites par les seuls rapporteurs qui ont eux-mêmes arrêté le texte de chaque question, les rapporteurs n’ont pas illégalement délégué leurs pouvoirs ;

Considérant, en deuxième lieu, que c’est sans erreur de droit que le Conseil supérieur de la magistrature a estimé qu’une telle assistance ne constituait pas par elle-même une mesure d’expertise impliquant le principe de la contradiction ; que les résultats de l’utilisation d’un tel logiciel ne sauraient non plus constituer un acte d’investigation, un élément de la procédure, ou une pièce de l’enquête qui devraient être versés au dossier pour donner lieu à communication contradictoire en application des articles 52 et 55 ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier soumises au Conseil supérieur de la magistrature que le requérant a bénéficié lors des auditions menées en application de l’article 52 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, du délai prescrit par cette disposition pour prendre connaissance des pièces de la procédure ; que le moyen tiré de ce qu’il n’aurait pas bénéficié d’un délai suffisant ne peut dès lors qu’être écarté ;

Considérant qu’ainsi, alors que M. B. peut, s’il l’estime utile, faire valoir de nouvelles observations sur les points abordés lors de ces auditions jusqu’au terme de la procédure disciplinaire engagée, le Conseil supérieur de la magistrature n’a ni commis une erreur de droit ni entaché sa décision d’une insuffisance de motivation en estimant que, dès lors que l’ensemble des pièces nécessaires à ses auditions avaient été mises à sa disposition, le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense n’avaient pas été méconnus ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Fabrice B. et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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