Conseil d’Etat, 21 mars 2008, n° 294039, Commune d’Ammerschwihr c/ SA Agora Promotion

La participation qu’un conseil municipal peut instituer pour le financement de voies nouvelles ou des réseaux réalisés pour permettre l’implantation d’une nouvelle construction ne peut légalement être mise à la charge du pétitionnaire que par l’autorisation de construire.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 294039

COMMUNE D’AMMERSCHWIHR
c/ SA Agora Promotion

M. Jérôme Michel
Rapporteur

Mme Nathalie Escaut
Commissaire du gouvernement

Séance du 18 février 2008
Lecture du 21 mars 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2006, et le mémoire complémentaire, enregistré le 29 septembre 2006, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE d’AMMERSCHWIHR (68770) représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE D’AMMERSCHWIHR demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 23 mars 2006 de la cour administrative d’appel de Nancy qui, saisie par la SA Agora Promotion, d’une part, a annulé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mars 2004 rejetant sa demande qui tendait à l’annulation de la délibération du 30 mai 2001 par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE D’AMMERSCHWIHR a fixé à 45 % du montant total des travaux, plafonné à 800 000 F, le montant de sa participation aux travaux d’extension du réseau d’assainissement et, d’autre part, a annulé la délibération du 30 mai 2001 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de la SA Agora Promotion ;

3°) de mettre à la charge de la société Agora Promotion une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la COMMUNE D’AMMERSCHWIHR et de Me Balat, avocat de la SA Agora Promotion,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA Agora Promotion, spécialisée dans la promotion immobilière et la construction d’immeubles, a entrepris de créer, sur le territoire de la COMMUNE D’AMMERSCHWIHR (Haut-Rhin) une résidence de tourisme ; que, dans le cadre de ce projet, la société a proposé à la commune, par une lettre du 11 décembre 1998, de participer financièrement à hauteur de 45 % au coût des travaux de raccordement du terrain d’assiette au réseau public d’assainissement, dans la limite de 800 000 F ; que ces travaux ont été engagés le 22 décembre 1998 ; qu’un permis de construire les immeubles correspondant au projet de résidence de tourisme a été délivré le 14 janvier 2000 à la SA Agora Promotion, qui prescrivait le versement à la commune d’une participation pour raccordement à l’égout d’un montant de 150 600 F hors taxe ; qu’après la réalisation des travaux d’extension du réseau public d’assainissement, le conseil municipal de la COMMUNE D’AMMERSCHWIHR a prescrit à la SA Agora Promotion, par une délibération en date du 30 mai 2001, de verser une participation financière égale à 45 % du coût des travaux d’extension du réseau d’assainissement, dans la limite de 800 000 F ; que la COMMUNE D’AMMERSCHWIHR se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 23 mars 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy, saisie par la SA Agora Promotion, a annulé, d’une part, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mars 2004 rejetant la demande de cette société tendant à l’annulation de la délibération du 30 mai 2001 et, d’autre part, cette dernière délibération ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 332-6 du code de l’urbanisme : "Les bénéficiaires d’autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : . 2° Le versement des contributions aux dépenses d’équipements publics mentionnées à l’article L. 332-6-1 ." ; qu’aux termes de ce dernier article, dans sa version alors en vigueur, issue de la loi susvisée du 13 décembre 2000 applicable à la date de la délibération attaquée : "Les contributions aux dépenses d’équipements publics prévues au 2° de l’article L. 332-6 sont les suivantes : 2° . d) La participation au financement des voies nouvelles et réseaux prévue à l’article L. 332-11-1" ; que ces dernières dispositions prévoient que le conseil municipal peut instituer une participation pour le financement de tout ou partie des voies nouvelles et des réseaux réalisés pour permettre l’implantation de nouvelles constructions ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 332-28 du même code, dans sa rédaction issue de la loi précitée : "Les contributions mentionnées ou prévues au 2° de l’article L. 332-6-1 . sont prescrites . par l’autorisation de construire. Cette autorisation . en constitue le fait générateur . " ; qu’il résulte de ces dispositions que la participation qu’un conseil municipal peut instituer pour le financement de voies nouvelles ou des réseaux réalisés pour permettre l’implantation d’une nouvelle construction ne peut légalement être mise à la charge du pétitionnaire que par l’autorisation de construire ;

Considérant qu’en jugeant qu’en application des dispositions des articles L. 332-6 et L. 332-28 du code de l’urbanisme dans leur rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée, l’autorisation de construire délivrée à la SA Agora Promotion pouvait seule légalement mettre à la charge de la société une participation au financement des travaux d’extension du réseau d’assainissement rendus nécessaires par les constructions de la résidence de tourisme, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’elle a pu juger, sans dénaturer les faits ni leur donner une qualification juridique erronée, d’une part, que l’extension du réseau d’assainissement n’était réalisée que pour permettre l’implantation des nouvelles constructions, d’autre part, que la proposition de la société de participer au financement de l’extension de ces réseaux, formulée dans la lettre du 11 décembre 1998 adressée à la commune, avait été présentée dans le cadre de l’instruction de la demande de permis de construire ; qu’elle a ainsi écarté par une motivation suffisante le moyen tiré de ce que la contribution de 800 000 F proposée par la SA Agora Promotion n’aurait pas été soumise aux dispositions des articles précités du code de l’urbanisme ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D’AMMERSCHWIHR n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA Agora Promotion qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la COMMUNE D’AMMERSCHWIHR demande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la COMMUNE D’AMMERSCHWIHR la somme de 3 000 euros que demande la société Agora Promotion au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNE D’AMMERSCHWIHR est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE d’AMMERSCHWIHR versera à la société Agora Promotion une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE d’AMMERSCHWIHR et à la société Agora Promotion.

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