Conseil d’Etat, 30 janvier 2008, n° 304218, Michel S.

Les rapports entre les agents publics et leurs employeurs qui ont trait aux obligations de ces derniers au regard d’un régime complémentaire ou supplémentaire de retraite géré par une institution de prévoyance sont des rapports de droit privé et que les litiges auxquels peuvent donner lieu ces rapports échappent à la compétence de la juridiction administrative, y compris lorsque l’acte en cause émane d’une autorité administrative, sous réserve que le litige ne relève pas, par sa nature, d’un autre contentieux. Il suit de là que les litiges opposant les agents de droit public de l’ANPE à leur administration en ce qui concerne les décisions qu’elle prend pour l’établissement de leurs droits dus au titre du régime de retraite supplémentaire propre à ces agents relève de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 304218

M. S.

M. Alain Boulanger
Rapporteur

Mlle Anne Courrèges
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 janvier 2008
Lecture du 30 janvier 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars et 16 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Michel S. ; M. S. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 13 mars 2007 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’ordonnance du 13 décembre 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ayant rejeté sa demande de condamnation de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) à lui verser une provision de 17 843 euros à valoir sur la réparation de l’illégalité fautive commise par l’agence dans le décompte de ses droits aux prestations d’un régime de retraite ;

2°) statuant en référé, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’ANPE le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998, notamment son article 107 ;

Vu le décret n° 99-528 du 25 juin 1999, notamment son article 9 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Boulanger, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. S. et de Me Foussard, avocat de l’Agence nationale pour l’emploi,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier soumises aux juges du fond que les droits à pension de M. S., agent de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) en retraite depuis le 1er mai 2004, ont été calculés, en ce qui concerne le régime de retraite supplémentaire constitué au bénéfice du personnel de cet établissement public, sur la base d’une décision réglementaire prise le 30 juin 1999 par son directeur sur le fondement de l’article 9 du décret du 25 juin 1999 relatif aux garanties collectives en matière de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire des agents de l’Agence nationale pour l’emploi ; que, par décision du 26 mars 2004, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a jugé que ce règlement était illégal et a enjoint au directeur de l’ANPE de l’abroger et de prendre un nouveau règlement dans les trois mois ; que ce nouveau règlement est intervenu le 15 juillet 2004 ; que M. S., estimant que ces nouvelles règles étaient plus favorables, a demandé à l’ANPE l’indemnisation du préjudice qu’il estimait avoir subi, puis a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux sur le fondement des dispositions de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, afin d’obtenir le versement d’une provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ; que, par l’ordonnance attaquée du 13 mars 2007, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé l’ordonnance du premier juge qui avait rejeté la requête de M. S. comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Considérant que les rapports entre les agents publics et leurs employeurs qui ont trait aux obligations de ces derniers au regard d’un régime complémentaire ou supplémentaire de retraite géré par une institution de prévoyance sont des rapports de droit privé et que les litiges auxquels peuvent donner lieu ces rapports échappent à la compétence de la juridiction administrative, y compris lorsque l’acte en cause émane d’une autorité administrative, sous réserve que le litige ne relève pas, par sa nature, d’un autre contentieux ; qu’il suit de là que les litiges opposant les agents de droit public de l’ANPE à leur administration en ce qui concerne les décisions qu’elle prend pour l’établissement de leurs droits dus au titre du régime de retraite supplémentaire propre à ces agents relève de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ;

Considérant toutefois qu’il ressort des pièces du dossier de première instance que M. S. demandait au juge des référés la condamnation de l’ANPE au paiement d’une provision à valoir, non sur le montant des droits qu’il aurait acquis au titre du régime de retraite supplémentaire en cause, mais sur la réparation du préjudice qu’il impute à la faute commise par le directeur de l’ANPE en prenant un règlement illégal ; qu’un tel litige relève par nature de la juridiction administrative ; qu’il s’ensuit que M. S. est fondé à soutenir que le juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit en jugeant que le litige relevait des juridictions judiciaires ; que l’ordonnance attaquée doit, dès lors, être annulée ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’ANPE une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par M. S. et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par l’ANPE au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du 13 mars 2007 du juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux est annulée.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Bordeaux.

Article 3 : L’Agence nationale pour l’emploi versera à M. S. une somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l’Agence nationale pour l’emploi au titre l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Michel S. et à l’Agence nationale pour l’emploi.

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