Conseil d’Etat, 16 janvier 2008, n° 289893, Association Jeune Canoe Kayak Avignonnais et autres

Les loisirs et les sports nautiques font partie des activités qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 3 janvier 1992, codifiée à l’article L. 211-1 du code de l’environnement, la gestion équilibrée de la ressource en eau doit permettre de satisfaire ou de concilier.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 289893

ASSOCIATION JEUNE CANOE KAYAK AVIGNONNAIS et autres

M. Bertrand Dacosta
Rapporteur

M. Mattias Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 12 décembre 2007
Lecture du 16 janvier 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux

Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 6 février 2006, l’ordonnance en date du 31 janvier 2006 par laquelle le président du tribunal administratif de Marseille a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande par laquelle l’ASSOCIATION JEUNE CANOE KAYAK AVIGNONNAIS et autres demandent l’annulation, d’une part, de la décision implicite de rejet opposée à leur demande d’abrogation de l’arrêté interpréfectoral du 8 août 2003 pris par les préfets de Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Gard autorisant les travaux hydrauliques liés à la construction de la liaison routière Est-Ouest au sud d’Avignon, entre le giratoire des Angles et la RN7 dans le quartier de l’Amandier, dénommée "voie Léo" ainsi que la déviation de la RN 570 à Rognonas, et, d’autre part, de l’arrêté interpréfectoral du 8 août 2003 ;

Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 8 juillet 2004, présentée par l’ASSOCIATION JEUNE CANOE KAYAK AVIGNONNAIS, dont le siège est Moulin Notre-Dame, avenue du Moulin de Notre-Dame, à Avignon (84000), l’ASSOCIATION AVIGNON PROVENCE CANOE KAYAK, dont le siège est 1, rue du Bourget, à Avignon (84000), le COMITE DEPARTEMENTAL DE CANOE KAYAK DU VAUCLUSE, dont le siège est 1, rue du Bourget, à Avignon (84000), la LIGUE REGIONALE ALPES PROVENCE DE CANOE KAYAK, dont le siège est 22, avenue de la République, à Roquefort Labedoule (13830) et la FEDERATION FRANCAISE DE CANOE KAYAK ET DISCIPLINES ASSOCIEES ; l’ASSOCIATION JEUNE CANOE KAYAK AVIGNONNAIS et autres demandent au tribunal administratif :

1°) l’annulation de la décision implicite de rejet opposée à leur demande d’abrogation de l’arrêté interpréfectoral du 8 août 2003 pris par les préfets de Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Gard autorisant les travaux hydrauliques liés à la construction de la liaison routière Est-Ouest au sud d’Avignon, entre le giratoire des Angles et la RN7 dans le quartier de l’Amandier, dénommée "voie Léo" ainsi que la déviation de la RN 570 à Rognonas ;

2°) l’annulation de l’arrêté interpréfectoral du 8 août 2003 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boutet, avocat de l’ASSOCIATION JEUNE CANOE KAYAK AVIGNONNAIS et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la direction départementale de l’équipement du Vaucluse,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 8 août 2003 :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l’écologie et du développement durable et le ministre de l’équipement, des transports, du tourisme et de la mer :

En ce qui concerne la régularité externe :

Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret du 29 mars 1993 relatif aux procédures d’autorisation et de déclaration prévues par l’article 10 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau : " Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés ; cette demande, remise en sept exemplaires, comprend : (.) 4° Un document indiquant, compte tenu des variations saisonnières et climatiques, les incidences de l’opération sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l’écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, ainsi que sur chacun des éléments mentionnés à l’article 2 de la loi du 3 janvier 1992 susvisée, en fonction des procédés mis en oeuvre, des modalités d’exécution des travaux ou de l’activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l’origine et du volume des eaux utilisées ou concernées. Ce document précise, s’il y a lieu, les mesures compensatoires ou correctives envisagées et la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d’aménagement et de gestion des eaux et avec les objectifs de qualité des eaux prévus par le décret du 19 décembre 1991 susvisé./ Si ces informations sont données dans une étude d’impact ou une notice d’impact, celle-ci remplace le document exigé à l’alinéa précédent " ;

Considérant que les loisirs et les sports nautiques font partie des activités qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 3 janvier 1992, codifiée à l’article L. 211-1 du code de l’environnement, la gestion équilibrée de la ressource en eau doit permettre de satisfaire ou de concilier ; que le document joint à la demande d’autorisation procède à une analyse des usages de loisirs de la Durance, et notamment de la pratique du canoë-kayak ; qu’il relève que l’implantation des ouvrages de franchissement de la rivière aura pour effet de perturber cette activité, et notamment de réduire de quelques dizaines de mètres la longueur des parcours pour compétiteurs ; que s’il se borne à renvoyer, sur ce point, la définition des mesures correctives et compensatoires de l’impact hydraulique de ces ouvrages de franchissement à une réflexion postérieure devant être engagée avec la fédération française de canoë-kayak et le syndicat mixte d’aménagement de la vallée de la Durance, cette circonstance, compte tenu notamment du caractère limité et, pour partie, provisoire, des incidences du projet, n’est pas de nature à vicier la procédure suivie ; qu’il résulte de l’instruction que la pratique du canoë-kayak sur la Durance a été effectivement gênée durant la phase de travaux, mais non, contrairement à ce qui est soutenu, totalement interrompue ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les incidences du projet auraient été sous-évaluées ;

Considérant que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône Méditerranée Corse, dans sa fiche n° 23, se borne, d’une part, à inciter les régions à désigner les sites particulièrement intéressants pour la pratique du canoë-kayak et à définir les moyens de les préserver et de les améliorer et, d’autre part, à évoquer la nécessaire continuité de la circulation sur les rivières particulièrement concernées par les sports de loisirs liés à l’eau, en préconisant que soient déterminés à cette fin des aménagements et des mesures en fonction des capacités financières des différents partenaires ; qu’eu égard à la formulation très générale de ces objectifs, il n’était pas, en l’espèce, indispensable que le document d’incidence justifiât, sur cette question précise, de la compatibilité du projet avec le schéma directeur ;

Considérant qu’il est soutenu que l’étude d’impact figurant dans le dossier, soumis à enquête publique, de la procédure d’expropriation engagée en vue de la réalisation des travaux de construction de la liaison est-ouest au sud d’Avignon devait être jointe à la demande d’autorisation présentée pour les travaux hydrauliques liés à ce projet en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que l’étude d’impact ne contenait pas les informations exigées par les prescriptions ci-dessus mentionnées du 4° de l’article 2 du décret du 29 mars 1993 ; que, dès lors, le pétitionnaire n’était pas tenu de joindre l’étude d’impact à sa demande d’autorisation ;

Considérant, enfin, que si l’arrêté interpréfectoral du 8 août 2003 prescrit, au titre des mesures compensatoires, la mise en place d’un " seuil de délimonage " sur le seuil 68 de la Durance, les incidences de cet ouvrage n’avaient pas à figurer dans le document établi préalablement à l’autorisation contestée dès lors que sa réalisation doit faire l’objet d’une procédure d’autorisation distincte ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant que les requérants soutiennent que l’arrêté attaqué aurait dû comporter des mesures compensatoires et correctives pour tenir compte des incidences du projet sur la pratique du canoë-kayak sur la Durance, tant durant la phase de travaux qu’une fois ceux-ci achevés ; que, selon eux, celles-ci auraient dû consister, à titre provisoire, à prévoir l’aménagement d’un autre site, puis, à titre définitif, à aménager un bras de contournement au niveau du seuil 68 et à assurer la continuité du parcours entre le seuil 67, en amont, et le seuil 69, en aval ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, que les parcours existant avant l’intervention de l’arrêté critiqué ne comportaient pas le franchissement du seuil 68 mais se situaient entre le seuil 68 et le seuil 69 ; que la gêne occasionnée aux activités de canoë-kayak est due à la nécessité, conformément aux prévisions de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, de concilier les différents usages de l’eau ; que les mesures compensatoires et correctives demandées se heurtent à des obstacles techniques importants et présentent un coût élevé ; que, dans ces conditions, l’arrêté contesté, qui n’est pas incompatible avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône Méditerranée Corse, ne fait pas une inexacte appréciation des exigences énumérées par l’article L. 211-1 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 8 août 2003 ne peuvent qu’être rejetées ; qu’il y a lieu, par voie de conséquence, en tout état de cause, de rejeter les conclusions tendant à l’annulation du refus d’abroger cet arrêté en raison de son illégalité, ainsi que celles tendant à ce que le Conseil d’Etat prescrive des mesures correctives et compensatrices ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que les préjudices allégués par les requérants dans leurs écritures n’ont qu’un caractère purement éventuel et ne peuvent, par suite, donner lieu à indemnisation ;

Considérant que les conclusions des requérants tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu’être rejetées ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le ministre de l’écologie et du développement durable et le ministre de l’équipement, des transports, du tourisme et de la mer ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’ASSOCIATION JEUNE CANOE KAYAK AVIGNONNAIS, de l’ASSOCIATION AVIGNON PROVENCE CANOE KAYAK, du COMITE DEPARTEMENTAL DE CANOE KAYAK DU VAUCLUSE, de la LIGUE REGIONALE ALPES PROVENCE DE CANOE KAYAK et de la FEDERATION FRANCAISE DE CANOE KAYAK ET DISCIPLINES ASSOCIES est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l’écologie et du développement durable et le ministre de l’équipement, des transports, du tourisme et de la mer tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Me Boutet, avocat aux Conseils, mandataire de l’ASSOCIATION JEUNE CANOE KAYAK AVIGNONNAIS, de l’ASSOCIATION AVIGNON PROVENCE CANOE KAYAK, du COMITE DEPARTEMENTAL DE CANOE KAYAK DU VAUCLUSE, de la LIGUE REGIONALE ALPES PROVENCE DE CANOE KAYAK et de la FEDERATION FRANCAISE DE CANOE KAYAK ET DISCIPLINES ASSOCIES et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables.

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