Conseil d’Etat, 9 juin 2004, n° 254573, Dominique J.

Il appartient au président de l’université en procédant à l’affectation des crédits de recherche de s’assurer que cette affectation correspond à des fins d’activités de recherche ou de valorisation de la recherche. L’appréciation à laquelle il se livre à ce titre du caractère de la manifestation à laquelle souhaite se rendre un enseignant chercheur ne saurait être discutée devant le juge de l’excès de pouvoir que dans la mesure où elle reposerait sur des faits matériellement inexacts ou une erreur de droit ou serait entachée de détournement de pouvoir ou d’erreur manifeste d’appréciation.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 254573

Mme J.

Mlle Herry
Rapporteur

M. Donnat
Commissaire du gouvernement

Séance du 19 mai 2004
Lecture du 9 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux

Vu l’ordonnance du 19 février 2003, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 27 février 2003, par laquelle le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie transmet au Conseil d’Etat, en application des articles R. 311-3° et R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par Mme Dominique J. ;

Vu la demande, enregistrée le 27 juin 2002 au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, présentée par Mme Dominique J. ; Mme J. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 16 mai 2002 du président de l’université de Nouvelle-Calédonie rejetant sa demande d’un ordre de mission ;

2°) de mettre à la charge du président de l’université de Nouvelle-Calédonie la somme de 15 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur ;

Vu le code de l’éducation ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié portant dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Herry, Auditeur,
- les conclusions de M. Donnat, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme J., professeur des universités affectée en Nouvelle-Calédonie, a demandé d’une part une autorisation d’absence et d’autre part la prise en charge par son université des frais de transport et de séjour pour participer au quatrième salon du livre de l’île d’Ouessant se déroulant du 18 au 28 août 2002 ; qu’elle demande l’annulation du refus de prise en charge financière que lui a opposé le président de l’université de Nouvelle-Calédonie ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 952-3 du code de l’éducation : "Les fonctions des enseignants chercheurs s’exercent dans les domaines suivants : 1° l’enseignement. ; 2° la recherche ; 3° la diffusion des connaissances et la liaison avec l’environnement économique, social et culturel" ; qu’aux termes de l’article L. 712-1 du même code : "Le président de l’université par ses décisions assure l’administration de l’université" ; qu’aux termes de l’article L. 712-2 du même code : "Le président dirige l’université, il a autorité sur l’ensemble des personnels de l’établissement." ; que pour l’application de ces dispositions il appartient au président de l’université en procédant à l’affectation des crédits de recherche de s’assurer que cette affectation correspond à des fins d’activités de recherche ou de valorisation de la recherche ; que l’appréciation à laquelle il se livre à ce titre du caractère de la manifestation à laquelle souhaite se rendre un enseignant chercheur ne saurait être discutée devant le juge de l’excès de pouvoir que dans la mesure où elle reposerait sur des faits matériellement inexacts ou une erreur de droit ou serait entachée de détournement de pouvoir ou d’erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant que Mme J. soutient qu’en sa qualité de directrice d’une équipe de recherche, habilitée par le ministère de la recherche dans le cadre d’un contrat quadriennal, elle devait pouvoir utiliser les crédits dont bénéficiait cette équipe pour se rendre au salon du livre de l’île d’Ouessant, afin d’y présenter une conférence sur la littérature contemporaine en Nouvelle-Calédonie ; que pour refuser le financement du voyage de Mme J. en métropole sur des crédits de recherche, le président de l’université de Nouvelle-Calédonie, qui a accordé à Mme J. une autorisation d’absence afin qu’elle puisse se rendre à cette manifestation, s’est fondé sur la circonstance que le déplacement envisagé ne relevait pas d’une activité de recherche ; que si le contrat quadriennal prévoyait que les membres de l’équipe de recherche devaient contribuer à faire connaître la littérature de Nouvelle-Calédonie dans la communauté scientifique internationale et participer ainsi à la valorisation de leurs activités de recherche, il ressort des pièces du dossier que la manifestation culturelle d’Ouessant n’avait pas pour objectif principal la recherche ou la valorisation de la recherche ; qu’ainsi le motif ayant fondé la décision attaquée n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant que le détournement de pouvoir n’est pas établi ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme J. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le président de l’université de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l’attribution d’une somme représentative de frais de mission ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que demande Mme J. au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l’université de Nouvelle-Calédonie, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante ;

Sur les conclusions du président de l’université de Nouvelle-Calédonie tendant à la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires :

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 741-2 du code de justice administrative, les tribunaux peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d’office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ; que, dans la requête introductive d’instance formée par Mme J. le passage incriminé commençant par ". alors que le président" et finissant par ". sciences humaines ", et les mots "à nous étouffer", revêtent un caractère diffamatoire à l’égard du président de l’université de Nouvelle-Calédonie, comme le reconnaît d’ailleurs la requérante dans son mémoire en réplique ; qu’il y a lieu d’en prononcer la suppression par application des dispositions susmentionnées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme J. est rejetée.

Article 2 : Dans la requête introductive d’instance, le passage incriminé commençant par ". alors que le président" et finissant par ". sciences humaines ", et les mots "à nous étouffer" sont supprimés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Dominique J., à l’université de Nouvelle-Calédonie et au ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2593