Il résulte des dispositions de l’article 1er du décret du 7 mai 2001, applicables en vertu de l’article 12 du même décret aux décisions individuelles entrant dans la compétence de la commission des recours des militaires intervenues à compter du 1er septembre 2001, que le juge administratif, saisi d’une requête contentieuse dans le cadre de cette procédure spéciale, ne peut statuer sur des conclusions dirigées contre la décision contestée devant la commission des recours des militaires mais seulement sur des conclusions dirigées contre la décision prise par le ministre de la défense après avis de cette commission, la nouvelle décision du ministre se substituant entièrement à la décision attaquée par le recours administratif préalable obligatoire.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 250826
M. I.
M. Christnacht
Rapporteur
M. Piveteau
Commissaire du gouvernement
Séance du 28 avril 2004
Lecture du 19 mai 2004
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 7 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Jean-François I. ; M. I. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 août 2002 par laquelle le président de la commission des recours des militaires a rejeté comme irrecevable le recours formé devant elle, le 3 juin 2002, tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet de sa demande adressée le 8 mars 2002 au général, chef du service des ressources humaines de la direction générale de la gendarmerie nationale et tendant à obtenir l’attribution du brevet technique d’études militaires de la gendarmerie, ensemble cette décision implicite et l’arrêté du 13 décembre 1999 du ministre de la défense portant attribution du brevet technique d’études militaires de la gendarmerie, en tant qu’il n’y figure pas ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée ;
Vu le décret n° 92-1345 du 22 décembre 1992 ;
Vu le décret n° 2001-407 du 7 mai 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Christnacht, Conseiller d’Etat,
les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre l’arrêté du ministre de la défense du 13 décembre 1999 portant attribution du brevet technique d’études militaires de la gendarmerie en tant que M. I. n’y figure pas :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. I., officier, a été admis, par une décision du ministre de la défense du 20 janvier 1999, à suivre le cycle de formation de la session de 1999 du collège interarmées de défense et a suivi effectivement la formation du cycle préparatoire ; qu’en vertu de l’instruction du ministre de la défense du 10 mai 1997 relative à l’admission au collège interarmées de défense, prise pour l’application des dispositions de l’article 4 du décret du 22 décembre 1992 portant création de ce collège, le brevet technique d’études militaires de la gendarmerie sanctionne la formation acquise par les officiers de gendarmerie ayant suivi le cycle préparatoire ; que l’arrêté du 13 décembre 1999 qu’attaque M. I. révèle une décision de ne pas lui attribuer ce brevet ; que les conclusions de celui-ci doivent être regardées comme dirigées contre cette décision ; que, faute que cette dernière lui ait été notifiée, le délai du recours contentieux n’a pu commencer à courir ; que, dès lors, aucune tardiveté ne peut être opposée à la demande de M. I. tendant à l’annulation de cette décision ; que, par suite, la fin de non-recevoir invoquée par le ministre de la défense ne peut qu’être écartée ;
Considérant que le ministre de la défense n’allègue aucun motif de nature à justifier que le brevet technique d’études militaires de la gendarmerie n’ait pas été attribué à M. I., à l’issue de la formation qu’il a reçue pendant le cycle préparatoire du collège interarmées de défense ; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que la décision, révélée par l’arrêté attaqué, par laquelle le ministre de la défense lui a refusé l’attribution de ce brevet est entachée d’excès de pouvoir et doit être annulée ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet par le ministre de la défense de la demande du 8 mars 2002 et contre la lettre du 6 août 2002 du président de la commission des recours des militaires :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, par un recours en date du 6 juin 2002, M. I. a contesté devant la commission des recours des militaires la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre pendant plus de deux mois sur sa demande du 8 mars 2002 tendant à l’attribution du brevet technique d’études militaires de la gendarmerie ; que, par lettre du 6 août 2002, signée pour son président, la commission des recours des militaires a rejeté le recours administratif préalable formé devant elle par M. I. contre la décision implicite de rejet de sa demande du 8 mars 2002 ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret du 7 mai 2001 : " Il est institué auprès du ministre de la défense une commission chargée d’examiner les recours formés par les militaires à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle (.) /. La saisine de la commission est un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux à peine d’irrecevabilité de ce dernier " ; qu’aux termes de l’article 7 de ce décret : " La commission recommande au ministre de la défense soit de rejeter le recours soit de l’agréer totalement ou partiellement. Son avis ne lie pas le ministre " ; qu’aux termes de l’article 8 du même décret : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l’intéressé la décision prise sur son recours par lettre recommandée avec avis de réception (.) " ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions, applicables en vertu de l’article 12 du même décret aux décisions individuelles entrant dans la compétence de la commission des recours des militaires intervenues à compter du 1er septembre 2001, que le juge administratif, saisi d’une requête contentieuse dans le cadre de cette procédure spéciale, ne peut statuer sur des conclusions dirigées contre la décision contestée devant la commission des recours des militaires mais seulement sur des conclusions dirigées contre la décision prise par le ministre de la défense après avis de cette commission, la nouvelle décision du ministre se substituant entièrement à la décision attaquée par le recours administratif préalable obligatoire ;
Considérant, d’une part, qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite contestée devant la commission des recours des militaires, à laquelle s’est substituée la décision prise sur ce recours préalable obligatoire, ne sont pas recevables ;
Considérant, d’autre part, qu’en rejetant le recours administratif de M. I., par sa décision, qui fait grief, du 6 août 2002 au lieu de le transmettre, avec son avis, au ministre de la défense, le président de la commission des recours des militaires a pris une décision au nom de ce ministre sans disposer d’une délégation de signature à cet effet ; que cette décision est entachée d’excès de pouvoir et doit être annulée ; qu’il appartient à la commission des recours des militaires d’examiner à nouveau le recours de M. I. et de le transmettre, avec son avis, au ministre de la défense ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros que M. I. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision révélée par l’arrêté du 13 décembre 1999 du ministre de la défense de ne pas attribuer le brevet technique d’études militaires de la gendarmerie à M. I., ainsi que la décision en date du 6 août 2002 du président de la commission des recours des militaires sont annulées.
Article 2 : La commission des recours des militaires demeure saisie du recours de M. I. contre la décision implicite de rejet par le ministre de la défense de sa demande du 8 mars 2002.
Article 3 : L’Etat versera à M. I. la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. I. est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-François I. et au ministre de la défense.
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