Cour administrative d’appel de Bordeaux, 1er avril 2004, n° 00BX00419, Yannick M.

Les dépenses de personnel incombant aux départements et aux régions et correspondant aux emplois des agents de ces collectivités territoriales qui exercent l’option prévue par l’article 122 de la loi du 26 janvier 1984 sont transférées à l’Etat, de telle sorte que le changement de statut de ces agents soit sans incidence sur le niveau global de leur rémunération. Par suite, ces dispositions ne sauraient ouvrir en faveur des intéressés un droit au cumul des avantages spécifiques qui leur étaient versés par la collectivité territoriale dont ils relevaient antérieurement avec les avantages résultant de leur statut d’agent de l’Etat, mais seulement un droit au maintien des compléments de rémunération dont ils bénéficiaient avant leur transfert dans la fonction publique de l’Etat.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

N° 00BX00419

M. Yannick M.

Mme Erstein
Président

M. Pouzoulet
Rapporteur

M. Chemin
Commissaire du gouvernement

Arrêt du 1er avril 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 23 février 2000 sous le n° 00BX00419, présentée par M. Yannick M. ;

M. M. demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement en date du 2 décembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser la somme de 42 497,21 F (6 478,66 euros) au titre des compléments de rémunération qui lui sont dus pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1996 et la somme de 3 000 F (457,35 euros) à titre de dommages-intérêts, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter du 1er janvier 1993 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser lesdites sommes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu la loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 relative à la prise en charge par l’Etat, les départements et les régions des dépenses de personnel, de fonctionnaires et d’équipement des services placés sous leur autorité ;

Vu le décret n° 86-332 du 10 mars 1986 relatif aux modalités d’attribution par les commissaires de la République des compléments de rémunération pris en charge par l’Etat au titre de l’article 2 de la loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 mars 2004 :
- le rapport de M. Pouzoulet, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Chemin, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 20 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire " ; que l’article 122 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 prévoit : " Les fonctionnaires de l’Etat exerçant leurs fonctions dans un service transféré aux collectivités locales et les fonctionnaires des collectivités territoriales exerçant leurs fonctions dans un service relevant de l’Etat peuvent opter, selon le cas, pour le statut de fonctionnaire territorial ou pour le statut de fonctionnaire de l’Etat " ; que selon l’article 2 de la loi susvisée du 11 octobre 1985 : " A compter du 1er janvier 1986, l’Etat, les départements et les régions prennent en charge les dépenses de personnel qui correspondent aux emplois ayant fait l’objet du partage prévu par les articles 26 et 73 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et l’article 22 de la présente loi... Cette prise en charge s’effectue au fur et à mesure qu’il est fait droit aux demandes d’option prévues à l’article 122 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ou que sont constatées les vacances des emplois. Elle porte sur l’ensemble des dépenses antérieurement supportées par la collectivité dont relevaient statutairement les agents concernés y compris les compléments de rémunération versés sous quelque forme que ce soit mentionnés à l’article 111 de cette même loi " ; qu’en vertu des articles 1er et 2 du décret susvisé du 10 mars 1986, il est créé une dotation annuelle, dont le montant correspond à celui des compléments de rémunération pris en charge par l’Etat dans les départements et les régions au titre de l’article 2 de la loi du 11 octobre 1985, qui bénéficie aux agents de l’Etat qui occupent des emplois dont les titulaires percevaient antérieurement au 1er janvier 1986 des compléments de rémunération de la part du département et, le cas échéant, de la région et qui est répartie sur la base des critères appliqués dans le département et, le cas échéant, dans la région ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de la loi du 11 octobre 1985 que les dépenses de personnel incombant aux départements et aux régions et correspondant aux emplois des agents de ces collectivités territoriales qui exercent l’option prévue par l’article 122 de la loi du 26 janvier 1984 sont transférées à l’Etat, de telle sorte que le changement de statut de ces agents soit sans incidence sur le niveau global de leur rémunération ; que, par suite, ces dispositions ne sauraient ouvrir en faveur des intéressés un droit au cumul des avantages spécifiques qui leur étaient versés par la collectivité territoriale dont ils relevaient antérieurement avec les avantages résultant de leur statut d’agent de l’Etat, mais seulement un droit au maintien des compléments de rémunération dont ils bénéficiaient avant leur transfert dans la fonction publique de l’Etat ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. M., alors agent de maîtrise qualifié du département de la Charente, a été intégré à compter du 1er janvier 1992 dans le corps des contremaîtres principaux des services techniques du matériel, 1er échelon, de l’Etat par arrêté du ministre de l’intérieur en date du 5 mai 1992 rapportant un arrêté du 17 février 1992 ; qu’il est constant qu’au moment de son intégration, il percevait du département, outre son traitement, des compléments de rémunération d’un montant total de 23 000,18 F (3 506,35 euros) ; que la rémunération qu’il a obtenue en complément de son traitement au cours des années 1993, 1994, 1995 et 1996 n’a pas été inférieure au complément de rémunération auquel il avait droit, de telle sorte que le changement de statut de l’intéressé a été sans incidence sur le niveau global de sa rémunération ; que, par suite, le moyen tiré par M. M. de ce que l’Etat aurait méconnu son droit au maintien des droits acquis doit être écarté ;

Considérant que les circonstances, à les supposer établies, que certains agents se trouvant dans la même situation que M. M. bénéficieraient du cumul de leurs droits acquis en qualité d’agents départementaux et des avantages résultant de leur statut d’agents de l’Etat et que les agents des collectivités territoriales participant aux missions des préfectures auraient obtenu l’octroi d’une indemnité de mission accordée aux agents de l’Etat cumulable avec leurs indemnités statutaires sont inopérantes ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. M. n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui ne se prévaut pas de frais exposés, obtienne la condamnation qu’il réclame ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. M. est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2551