Cour administrative d’appel de Nantes, 17 février 2004, n° 00NT00477, Michel H.

Le service départemental d’incendie et de secours doit supporter la charge de l’intervention des sapeurs-pompiers lorsque ces derniers exercent, dans l’intérêt général, les missions dont ils sont investis, en vue, notamment, de la protection des personnes, des biens et de l’environnement. En revanche, il est fondé à poursuivre le remboursement des frais exposés pour les prestations particulières qui ne relèvent pas de la nécessité publique.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

N° 00NT00477

M. Michel H.

M. DUPUY
Président de chambre

Mme BUFFET
Rapporteur

M. COËNT
Commissaire du gouvernement

Séance du 20 janvier 2004
Lecture du 17 février 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 8 mars 2000, présentée pour M. Michel H., par Me EDAN-TURMEL, avocat au barreau de Nantes ;

M. H. demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 97-3571 du 4 janvier 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 24 mai 1992 du président du conseil général de Loire-Atlantique fixant les barèmes de facturation des interventions des sapeurs-pompiers du département, la facture n° 97-09 d’un montant de 75 295 F émise le 20 février 1997 par le service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique et le titre exécutoire émis le 13 mars 1997 par ledit service à son encontre pour avoir paiement de la somme de 75 295 F ;

2°) d’annuler les décisions susvisées ;

3°) de condamner le service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;

Vu le décret n° 88-623 du 6 mai 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 20 janvier 2004 :
- le rapport de Mme BUFFET, premier conseiller,
- les observations de Me BERNOT, substituant Me PITTARD, avocat du service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique,
- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les conclusions de la requête de M. H. doivent être regardées comme tendant à l’annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 13 mars 1997 par le directeur du service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique pour avoir paiement d’une somme de 75 295 F (11 478,65 euros) correspondant aux frais d’intervention exposés par ce service pour lutter contre les conséquences d’une pollution par hydrocarbure provoquée par la rupture d’un tuyau d’alimentation en fuel survenue au domicile de l’intéressé à Sainte-Reine-de-Bretagne (Loire-Atlantique) ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation du titre exécutoire du 13 mars 1997 :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret du 6 mai 1988 susvisé, alors en vigueur : "Les services d’incendie et de secours sont chargés de la lutte et de la protection contre les incendies et contre les autres accidents, sinistres et catastrophes ; en application de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 susvisée, ils participent, avec les autres services concernés, aux secours des personnes, à la prévention des risques de toute nature, ainsi qu’à la protection des personnes, des biens et de l’environnement" ;

Considérant que le service départemental d’incendie et de secours doit supporter la charge de l’intervention des sapeurs-pompiers lorsque ces derniers exercent, dans l’intérêt général, les missions dont ils sont investis, en vue, notamment, de la protection des personnes, des biens et de l’environnement ; qu’en revanche, il est fondé à poursuivre le remboursement des frais exposés pour les prestations particulières qui ne relèvent pas de la nécessité publique ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment, des énonciations du compte rendu d’intervention établi par le centre de secours de Pontchâteau, que les sapeurs-pompiers de ce centre de secours et de ceux de Nantes et de Saint-Nazaire sont intervenus à Sainte-Reine-de-Bretagne à la suite d’une pollution accidentelle provoquée par la rupture, dans la propriété de M. H., d’un tuyau d’alimentation en carburant d’un tracteur ; qu’à cette occasion, une quantité de 1 000 litres de fuel a été répandue sur le sol ; que consécutivement à cet incident, la présence de plusieurs nappes de fuel a été signalée sur une distance d’environ 700 mètres, dans les marais de la Brière, au lieudit "Cuziac" situé à 2,5 km du point de départ de la pollution et a entraîné l’intervention de 39 sapeurs-pompiers, entre le 21 et le 27 janvier 1997, afin de procéder aux opérations de nettoyage, lesquelles ont nécessité différentes mesures au nombre desquelles la mise en place de barrages sur le canal du Bûcher, de Sainte-Reine, de la Boulaie et sous le pont de la RD 33 ; que cette opération, qui ne consistait pas, contrairement à ce que soutient le service départemental d’incendie et de secours, en une action de dépollution accomplie pour le compte de M. H. et s’est, d’ailleurs, entièrement déroulée sur un site extérieur à la propriété de l’intéressé, a été réalisée dans l’intérêt général en vue de la protection de l’environnement ; que, par suite, le service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique était tenu de supporter la charge des frais entraînés par cette intervention ; qu’il suit de là que le titre exécutoire litigieux ne pouvait légalement être émis à l’encontre de M. H. ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. H. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre exécutoire du 13 mars 1997 émis à son encontre par le directeur du service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d’une part, qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions, de condamner le service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique à verser à M. H. la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant, d’autre part, que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que M. H., qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser au service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique la somme que celui-ci demande au titre des frais de même nature qu’il a exposés ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 4 janvier 2000 du Tribunal administratif de Nantes et le titre exécutoire émis le 13 mars 1997 par le service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique à l’encontre de M. H. pour avoir paiement de la somme de 75 295 F (11 478,65 euros) sont annulés.

Article 2 : Le service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique versera à M. H. une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel H., au service départemental d’incendie et de secours de Loire-Atlantique et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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