Dès lors qu’il est constant que, nonobstant l’ordonnance suspendant le permis de construire, les travaux de construction se poursuivaient, le juge des référés du tribunal administratif a pu, sans méconnaître l’étendue des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, prescrire au maire, à des fins conservatoires, de prendre les mesures mentionnées aux articles L. 480-1 et L. 480-2 du code de l’urbanisme.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 256719
M. M.
Mme de Clausade
Rapporteur
M. Stahl
Commissaire du gouvernement
Séance du 23 janvier 2004
Lecture du 6 février 2004
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 26 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Bernard M. ; M. M. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance, en date du 17 avril 2003, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, d’une part, a, sur la demande de l’association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou, enjoint au maire du Lavandou de faire dresser, dans les 24 heures à compter de la notification de ladite ordonnance, un procès-verbal d’infraction, d’édicter un arrêté interruptif de travaux et d’en transmettre copie au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulon, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, afin d’assurer l’exécution de l’ordonnance du 29 novembre 2002 ordonnant la suspension de l’exécution de l’arrêté du 5 janvier 2001 par lequel le maire du Lavandou a accordé un permis de construire au requérant et, d’autre part, l’a condamné à verser à l’association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) statuant comme juge des référés, de rejeter la requête présentée devant le juge des référés par l’association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou ;
3°) de condamner celle-ci à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme de Clausade, Conseiller d’Etat,
les observations de Me Haas, avocat de M. M. et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l’association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou,
les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais " ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du même code : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; que, selon l’article L. 521-3 du même code : " En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative " ;
Considérant, d’autre part, qu’en vertu du troisième alinéa de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme, lorsque le maire, compétent pour délivrer les autorisations, a connaissance d’une infraction à la législation sur les permis de construire, il est tenu d’en faire dresser procès-verbal ; qu’aux termes de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 480-2 du même code : " Dans le cas de constructions sans permis de construire ou de constructions poursuivies malgré une décision de la juridiction administrative ordonnant qu’il soit sursis à l’exécution du permis de construire, le maire prescrira par arrêté l’interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l’exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l’arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public (.) " ;
Considérant que par une ordonnance, en date du 29 novembre 2002, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a ordonné, en application des dispositions précitées de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’arrêté du 5 janvier 2001 du maire du Lavandou accordant un permis de construire à M. M. ; que le juge des référés, saisi ensuite sur le fondement de l’article L. 521-3 par l’association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou qui soutenait que, nonobstant cette ordonnance de suspension, les travaux de construction se poursuivaient, a, par l’ordonnance attaquée du 17 avril 2003, enjoint au maire du Lavandou de faire dresser un procès-verbal d’infraction, d’édicter un arrêté interruptif de travaux et d’en transmettre copie au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulon ;
Sur les conclusions à fins de non-lieu présentées pour l’association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou :
Considérant que la circonstance que le procès-verbal d’infraction a été dressé et transmis au ministère public et que l’arrêté interruptif des travaux a été édicté dès le 18 avril 2003, en exécution de l’ordonnance attaquée, n’a pas eu pour effet de priver d’objet le présent litige ; que de même, le fait que, par jugement du 9 octobre 2003, le tribunal administratif de Nice s’est prononcé sur le recours dirigé contre le permis de construire accordé à M. M. n’a pas eu pour effet de priver d’objet le pourvoi de M. M. tendant à l’annulation de l’ordonnance du 17 avril 2003 dès lors que ce jugement a prononcé l’annulation du permis de construire et qu’ainsi la situation à laquelle l’ordonnance attaquée entendait remédier s’est poursuivie ;
Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 522-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale./ Lorsqu’il lui est demandé de prendre les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe les parties sans délai de la date et de l’heure de l’audience publique (.) " ; qu’il en résulte que, si le juge des référés ne peut faire droit à une demande de mesures d’urgence présentée sur le fondement de l’article L. 521-3 précité sans observer le principe du caractère contradictoire de l’instruction rappelé à l’article L. 5 du code de justice administrative, il n’est pas tenu - à la différence des cas où il est saisi sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 - de compléter l’instruction écrite par la tenue d’une audience ; que, dès lors, M. M. n’est pas fondé à soutenir que l’ordonnance attaquée serait intervenue dans des conditions irrégulières ;
Sur le bien-fondé de l’ordonnance attaquée :
Considérant, en premier lieu, qu’alors même que le procès-verbal dressé en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme a le caractère d’un acte de procédure pénale dont la régularité ne peut être appréciée que par les juridictions judiciaires, il appartient à la juridiction administrative de connaître des litiges qui peuvent naître du refus du maire de faire usage des pouvoirs qui lui sont conférés en sa qualité d’autorité administrative par les dispositions de l’article L. 480-2 du même code ;
Considérant, en deuxième lieu, d’une part, qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 511-1 et L. 521-3 du code de justice administrative que le juge des référés, saisi d’une demande sur le fondement de cette dernière disposition, peut prescrire à des fins conservatoires toutes mesures, notamment sous la forme d’injonctions à l’égard de l’administration, à condition que ces mesures soient utiles, justifiées par l’urgence, ne fassent obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ; que, d’autre part, lorsque des travaux de construction se poursuivent en dépit d’une décision de la juridiction administrative suspendant l’exécution du permis de construire qui les avait autorisés, il résulte des dispositions précitées du code de l’urbanisme que le maire est tenu de faire dresser procès-verbal de l’infraction ainsi commise, de prendre un arrêté interruptif de travaux et d’en transmettre copie au procureur de la République ; que, par suite, et dès lors qu’il constatait que, nonobstant l’ordonnance du 29 novembre 2002 suspendant l’exécution de l’arrêté du 5 janvier 2001 du maire du Lavandou accordant un permis de construire à M. M., les travaux de construction litigieux se poursuivaient, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a pu, sans méconnaître l’étendue des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, prescrire au maire, à des fins conservatoires, de faire dresser un procès-verbal d’infraction, d’édicter un arrêté interruptif de travaux et d’en transmettre copie au procureur de la République ;
Considérant, en troisième lieu, que la demande dont était saisi le juge des référés n’avait pas pour objet de modifier, au sens des dispositions de l’article L. 521-4 du code de justice administrative, la mesure de suspension qu’il avait précédemment ordonnée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’ordonnance attaquée aurait été rendue en méconnaissance de ces dispositions ne peut qu’être écarté ;
Considérant, enfin, qu’en se prononçant sur les travaux qui devaient faire l’objet d’un arrêté interruptif, le juge des référés a, sans commettre d’erreur de droit, porté sur les faits de l’espèce une appréciation qui, dès lors qu’elle est exempte de dénaturation, ne saurait être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. M. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice en date du 17 avril 2003 ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. M. la somme de 3 000 euros que l’association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou demande en application de ces dispositions ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que les sommes que M. M. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soient mises à la charge de l’association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante ;
Considérant enfin qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à la demande de la même association tendant à ce que la commune du Lavandou lui verse la somme de 2 000 euros sur le même fondement ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. M. est rejetée.
Article 2 : M. M. versera à l’association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l’association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou, présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard M., à l’association de défense de l’environnement de Bormes et du Lavandou, à la commune du Lavandou et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
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