Conseil d’Etat, 9 février 2004, n° 254913, Préfet de Police c/ Mohamed A. C.

Le dispositif du jugement rendu a force exécutoire dès sa lecture à l’audience. Si le jugement ensuite notifié comporte un dispositif ou des motifs qui ne sont pas conformes au dispositif lu, il en résulte une contradiction de nature à entraîner l’annulation de ce jugement par le juge d’appel si ce dernier est saisi d’un moyen sur ce point.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 254913

PREFET DE POLICE
c/ M. A. C.

Mme Artaud-Macari
Rapporteur

Mme Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 janvier 2004
Lecture du 9 février 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du 6 décembre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu’il a annulé sa décision du 11 juillet 2002 fixant l’Algérie comme pays à destination duquel M. Mohamed A. C. sera reconduit ;

2°) de rejeter la demande de M. A. C. devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Artaud-Macari, Conseiller d’Etat,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’en vertu de l’article R. 776-14 du code de justice administrative, les jugements rendus dans le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il délègue sont prononcés "à l’audience" et qu’aux termes de l’article R. 776-17 du même code : "Le dispositif du jugement, assorti de la formule exécutoire. est communiqué sur place aux parties présentes à l’audience qui en accusent aussitôt réception./ S’il ne l’a pas été sur place, le jugement est notifié sans délai et par tous moyens aux parties qui en accusent réception. (.)" ; qu’il résulte de ces dispositions que le dispositif du jugement rendu a force exécutoire dès sa lecture à l’audience ; que si le jugement ensuite notifié comporte un dispositif ou des motifs qui ne sont pas conformes au dispositif lu, il en résulte une contradiction de nature à entraîner l’annulation de ce jugement par le juge d’appel si ce dernier est saisi d’un moyen sur ce point ;

Considérant qu’il ressort du dispositif assorti de la formule exécutoire et communiqué sur place aux parties présentes à l’audience qu’à l’issue de la séance publique du 6 décembre 2002, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l’arrêté du 11 juillet 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A. C. et, par voie de conséquence, la décision distincte fixant le pays à destination duquel l’intéressé sera reconduit ; que la notification aux parties, après l’audience, d’un jugement dont les motifs écartent les moyens dirigés contre l’arrêté de reconduite à la frontière et dont le dispositif se limite à l’annulation de la décision fixant l’Algérie comme pays de destination, n’a pu avoir pour effet de modifier le dispositif lu publiquement le 6 décembre 2002 ;

Considérant qu’en appel, le PREFET DE POLICE se borne à demander l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il a annulé, par voie de conséquence de l’annulation de l’arrêté de reconduite à la frontière, la décision fixant le pays à destination duquel M. A. C. sera reconduit, sans invoquer la contradiction dont ce jugement est entaché et dont il avait connaissance ; qu’il n’est, dans ces conditions, pas fondé, par les moyens qu’il invoque, à demander l’annulation du jugement du 6 décembre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu’il a annulé sa décision fixant le pays à destination duquel M. A. C. sera reconduit à la frontière ;

Sur les conclusions de M. A. C. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à payer à M. A. C. la somme de 1 000 euros que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.

Article 2 : L’Etat paiera à M. A. C. la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Mohammed A. C. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2424