Conseil d’Etat, 11 février 2004, n° 242160, Société Etablissements Grassot SA et Société Jardivil

Pour l’application de ces dispositions, la zone de chalandise de l’équipement commercial faisant l’objet d’une demande d’autorisation, qui correspond à la zone d’attraction que cet équipement est susceptible d’exercer sur la clientèle, est délimitée, conformément aux dispositions du décret du 9 mars 1993 et de l’arrêté pris pour son application, en tenant compte des conditions de desserte et des temps de déplacement nécessaires pour y accéder.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 242160

Société ETABLISSEMENTS GRASSOT SA
Société JARDIVIL

M. Struillou
Rapporteur

M. Schwartz
Commissaire du gouvernement

Séance du 19 janvier 2004
Lecture du 11 février 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 5ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la société ETABLISSEMENTS GRASSOT SA, dont le siège social est situé 211 bis, rue du Général de Gaulle à Brignais (69530), représentée par son dirigeant en exercice et la société JARDIVIL, dont le siège social est situé avenue Barthélémy Buyer à Lyon (69909), représentée par son dirigeant en exercice ; les sociétés ETABLISSEMENTS GRASSOT SA et JARDIVIL demandent que Conseil d’Etat :

1°) annule pour excès de pouvoir la décision du 23 octobre 2001 par laquelle la commission nationale d’équipement commercial a accordé à la SCI "de la Francoa" l’autorisation de créer une jardinerie d’une surface de vente de 8 700 m² à l’enseigne "Botanic" sur le territoire de la commune de Francheville (Rhône) ;

2°) condamne l’Etat et la SCI "de la Francoa" à verser à chacune d’entre elles la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1993 modifiée ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié ;

Vu l’arrêté du 12 décembre 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la SCI "de la Francoa",
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SCI de la Francoa :

Considérant que les sociétés ETABLISSEMENTS GRASSOT SA et JARDIVIL exploitent chacune une "jardinerie" susceptible d’être concurrencée par la création, à l’enseigne "Botanic", d’une surface de vente de 8 700 m², sur le territoire de la commune de Francheville (Rhône), qui a été autorisée le 23 octobre 2001, au profit de la SCI "de la Francoa", par la commission nationale d’équipement commercial ; qu’elles justifient, par suite, d’un intérêt leur donnant qualité pour demander au juge de l’excès de pouvoir l’annulation de cette décision ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 720-3 du code de commerce, la commission nationale d’équipement commercial "statue en prenant en considération : 1° L’offre et la demande globales pour chaque secteur d’activité dans la zone de chalandise concernée (.) ; 2° La densité d’équipement en moyennes et grandes surface dans cette zone ; 3° L’effet potentiel du projet sur l’appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l’équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce ; 4° L’impact éventuel du projet en termes d’emplois salariés et non salariés ; 5° Les conditions d’exercice de la concurrence au sein du commerce et de l’artisanat (.)" ; qu’aux termes de l’article 18-1 du décret du 9 mars 1993 : "Pour les projets de magasins de commerce de détail, la demande (.) est accompagnée : (.) b) Des renseignements suivants : 1° Délimitation de la zone de chalandise du projet et mention de la population de chaque commune comprise dans cette zone (.) 2° Marché théorique de la zone de chalandise ; 3° Equipement commercial et artisanal de la zone de chalandise (.) ; c) D’une étude destinée à permettre à la commission d’apprécier l’impact prévisible du projet au regard des critères prévus" par l’article L. 720-3 du code de commerce et justifiant des principes posés par l’article 1er de la loi du 27 décembre 1973 ;

Considérant que, pour l’application de ces dispositions, la zone de chalandise de l’équipement commercial faisant l’objet d’une demande d’autorisation, qui correspond à la zone d’attraction que cet équipement est susceptible d’exercer sur la clientèle, est délimitée, conformément aux dispositions du décret du 9 mars 1993 et de l’arrêté pris pour son application, en tenant compte des conditions de desserte et des temps de déplacement nécessaires pour y accéder ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à l’appui de sa demande d’autorisation d’équipement commercial, la SCI "de la Francoa" a produit une étude d’impact indiquant une zone de chalandise incluant le 5ème arrondissement de Lyon ainsi que des communes de l’ouest de l’agglomération lyonnaise dont certaines sont situées à plus de 20 minutes, en durée d’accès routier, du site projeté pour la réalisation de son projet ; qu’elle a, en revanche, écarté de cette même zone des quartiers du 9ème arrondissement de Lyon situés à proximité du 5ème arrondissement et à moins de vingt minutes du site du projet, sans que cette exclusion ait été justifiée ; que la délimitation qu’elle a opérée a conduit notamment à ne pas prendre en compte un équipement commercial d’une surface de vente de 2 945 m² ; que les lacunes entachant ainsi la délimitation de la zone de chalandise, qui n’ont pas été rectifiées au cours de l’instruction, ont conduit la commission nationale à se prononcer sur la demande d’autorisation dont elle était saisie sur la base de données incomplètes et inexactes qui ne l’ont pas mise à même d’apprécier l’impact du projet au regard des critères fixés par les articles 1er de la loi du 27 décembre 1973 et l’article L. 720-3 du code de commerce ; que, dans ces conditions, les sociétés requérantes sont fondées à demander l’annulation de la décision attaquée ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les sociétés ETABLISSEMENTS GRASSOT SA et JARDIVIL, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, soient condamnées à verser à la SCI "de la Francoa" la somme de 3 000 euros qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l’Etat et la SCI "de la Francoa" à verser chacun la somme de 1 500 euros tant à la société ETABLISSEMENTS GRASSOT SA qu’à la société JARDIVIL ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 23 octobre 2001 de la commission nationale d’équipement commercial est annulée.

Article 2 : L’Etat versera 1 500 euros à la société ETABLISSEMENTS GRASSOT SA et à la société JARDIVIL en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SCI "de la Francoa" versera 1 500 euros à la société ETABLISSEMENTS GRASSOT SA et à la société JARDIVIL en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SCI "de la Francoa" tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société ETABLISSEMENTS GRASSOT SA, à la société JARDIVIL, à la SCI "de la Francoa", à la commission nationale d’équipement commercial et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2407