Conseil d’Etat, 13 février 2004, n° 249049, Pierre-Henri S.

Le fonctionnaire qui a épuisé ses droits au congé de maladie ordinaire et qui a été jugé définitivement inapte à l’exercice de tout emploi ne peut prétendre au bénéfice d’un congé de longue maladie ou de longue durée, lesquels ne peuvent être accordés qu’aux agents susceptibles d’être jugés aptes à la reprise d’un emploi, et est rayé des cadres. L’autorité administrative, tenue de placer l’intéressé dans une position statutaire régulière, peut, lorsqu’à l’issue de la période de congés de maladie ordinaire le comité médical a estimé le fonctionnaire définitivement inapte à l’exercice de tout emploi, le placer d’office en position de disponibilité jusqu’à ce que la commission de réforme se soit prononcée sur sa radiation des cadres par un avis qui intervient, dans le cas où le fonctionnaire a contesté l’avis rendu par le comité médical, après que le comité médical supérieur s’est prononcé sur cette contestation.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 249049

M. S.

M. Boulouis
Rapporteur

M. Devys
Commissaire du gouvernement

Séance du 14 janvier 2004
Lecture du 13 février 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 22 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Pierre Henri S. ; M. S. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 4 juin 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 décembre 1999 qui a rejeté ses demandes d’annulation de plusieurs arrêtés du préfet de la région Rhône-Alpes relatifs à sa situation administrative à la suite de l’accident de service dont il a été victime le 3 janvier 1997 ;

2°) statuant au fond, d’annuler ledit jugement et les arrêtés préfectoraux ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Hemery, avocat de M. S.,
- les conclusions de M. Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (.)/ 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions (.) ; 3° A des congés de longue maladie d’une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu’elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée (.)/4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans (.) " ;

Considérant, en premier lieu, que pour estimer que l’administration avait pu légalement refuser la prise en charge des arrêts de travail de M. S., rendus nécessaires par son état psychique et postérieurs au 13 septembre 1997, la cour administrative d’appel a relevé qu’antérieurement à l’accident de service subi par M. S. le 3 janvier 1997, celui-ci présentait un état d’anxiété et une personnalité susceptibles de favoriser une décompensation dépressive aiguë ; qu’en prenant ainsi en compte, pour apprécier l’imputabilité à l’accident des troubles de l’intéressé au-delà du 13 septembre 1997, l’existence d’un état pathologique antérieur à cet accident et en relation avec ces troubles, la cour administrative d’appel n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 27 du décret du 14 mars 1986 : " (.) Lorsqu’un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d’une durée totale de douze mois, il ne peut, à l’expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l’avis favorable du comité médical : en cas d’avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s’il est reconnu définitivement inapte à l’exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme (.) " ; qu’aux termes de l’article 35 du même décret : " Pour obtenir un congé de longue maladie ou de longue durée, les fonctionnaires en position d’activité ou leurs représentants légaux doivent adresser à leur chef de service une demande appuyée d’un certificat de leur médecin traitant spécifiant qu’ils sont susceptibles de bénéficier des dispositions de l’article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée./ (.) Le dossier est ensuite soumis au comité médical compétent (.) L’avis du comité médical est transmis au ministre qui le soumet pour avis, en cas de contestation par l’administration ou l’intéressé, ou dans l’hypothèse prévue au deuxième alinéa de l’article 28 ci-dessus, au comité médical supérieur visé à l’article 8 du présent décret (.) " ; enfin, qu’aux termes de l’article 43 du décret du 16 septembre 1985 : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d’office qu’à l’expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus à l’article 34 (2°, 3° et 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s’il ne peut, dans l’immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l’article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (.) " ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire qui a épuisé ses droits au congé de maladie ordinaire et qui a été jugé définitivement inapte à l’exercice de tout emploi ne peut prétendre au bénéfice d’un congé de longue maladie ou de longue durée, lesquels ne peuvent être accordés qu’aux agents susceptibles d’être jugés aptes à la reprise d’un emploi, et est rayé des cadres ; que l’autorité administrative, tenue de placer l’intéressé dans une position statutaire régulière, peut, lorsqu’à l’issue de la période de congés de maladie ordinaire le comité médical a estimé le fonctionnaire définitivement inapte à l’exercice de tout emploi, le placer d’office en position de disponibilité jusqu’à ce que la commission de réforme se soit prononcée sur sa radiation des cadres par un avis qui intervient, dans le cas où le fonctionnaire a contesté l’avis rendu par le comité médical, après que le comité médical supérieur s’est prononcé sur cette contestation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’en estimant que le constat de l’inaptitude définitive d’un agent à l’exercice de tout emploi peut légalement conduire l’administration à le radier des cadres au terme d’un congé de maladie ordinaire et en écartant comme inopérant le moyen présenté par M. S. à l’appui de ses conclusions dirigées contre les arrêtés préfectoraux l’ayant placé en disponibilité d’office à compter du 13 septembre 1997 et tiré de ce qu’il pouvait légalement prétendre à l’octroi d’un congé de longue maladie ou de longue durée à la date de sa mise en disponibilité, la cour administrative d’appel de Lyon n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. S. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon en date du 4 juin 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. S. la somme que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. S. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre Henri S. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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