Conseil d’Etat, 9 février 2004, n° 259369, Communauté urbaine de Nantes

Une personne publique ne peut apporter de modifications au dossier de consultation remis aux candidats à un appel d’offres que dans des conditions garantissant l’égalité des candidats et leur permettant de disposer d’un délai suffisant, avant la date limite fixée pour la réception des offres, pour prendre connaissance de ces modifications et adapter leur offre en conséquence.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 259369

COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES

M. Lenica
Rapporteur

M. Le Chatelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 26 janvier 2004
Lecture du 9 février 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 26 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES, dont le siège est à Nantes Cedex 9 (44923) ; la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 25 juillet 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, à la demande de la société Devin-Lemarchand-Environnement et de la société Appia-Pays de Loire, annulé la procédure d’appel public à la concurrence lancée le 3 avril 2003 en vue de la passation d’un marché de travaux ayant pour objet le réaménagement de la place Sarrail sur les communes de Nantes et de Rezé ;

2°) statuant au fond, de rejeter la demande des sociétés Devin-Lemarchand-Environnement et Appia-Pays de Loire ;

3°) de condamner les sociétés Devin-Lemarchand-Environnement et Appia-Pays de Loire à lui payer chacune la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lenica, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES, de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la société Devin-Lemarchand-environnement et de la société Appia Pays de Loire,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif (.) peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement (.) / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations" ;

Considérant que, par un avis d’appel public à la concurrence envoyé à la publication le 3 avril 2003, la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES a engagé, sous forme d’un appel d’offres ouvert, la procédure de passation d’un marché ayant pour objet les travaux de réaménagement de la place Sarrail, dans les communes de Nantes et Rezé ; que, saisi sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative par le groupement des sociétés Devin-Lemarchand-Environnement et Appia-Pays de Loire, qui avaient répondu à l’appel d’offres, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Nantes a annulé la procédure, par une ordonnance du 25 juillet 2003 dont la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES demande l’annulation ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés précontractuels qu’aux termes de l’article 3-7 du règlement de consultation établi par la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES, celle-ci se réservait "le droit d’apporter, au plus tard 15 jours avant la date limite fixée pour la réception des offres, des modifications de détail au dossier de consultation (.)" ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES a, en application de cette disposition, adressé par envoi recommandé avec avis de réception postal aux sociétés Devin-Lemarchand-Environnement et Appia-Pays de Loire un "additif" en date du 29 avril 2003 apportant diverses précisions et modifications aux documents inclus dans le dossier de consultation initial ; qu’il n’est pas contesté que cet "additif" a été reçu par ces sociétés le 5 mai 2003, soit onze jours avant la date limite de réception des offres, fixée au 16 mai 2003 par un avis d’appel public à la concurrence rectificatif ;

Considérant qu’une personne publique ne peut apporter de modifications au dossier de consultation remis aux candidats à un appel d’offres que dans des conditions garantissant l’égalité des candidats et leur permettant de disposer d’un délai suffisant, avant la date limite fixée pour la réception des offres, pour prendre connaissance de ces modifications et adapter leur offre en conséquence ; que, dès lors, et en l’absence de toute précision dans le règlement de consultation sur le mode de décompte du délai de 15 jours prévu à l’article 3-7, le juge des référés précontractuels a pu, sans commettre d’erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier, estimer que ce délai devait être décompté à partir de la date à laquelle les entreprises candidates ont reçu les modifications en cause et non à partir de la date à laquelle ces modifications ont été décidées ou envoyées par la personne publique ;

Considérant qu’ayant relevé que le délai de 15 jours ainsi décompté n’avait pas été respecté, le juge des référés précontractuels a pu, sans entacher son ordonnance d’erreur de droit, en déduire que la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES avait méconnu les obligations de publicité et de mise en concurrence qui s’imposaient à elle ;

Considérant, enfin, qu’en relevant que les modifications apportées par "l’additif" en date du 29 avril 2003 aux documents inclus dans le dossier de consultation initial emportaient des changements cumulés de prix ou de quantités substantiels, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Nantes a retenu un motif présentant un caractère surabondant ; que les moyens dirigés contre ce motif sont dès lors inopérants ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les sociétés Devin-Lemarchand-Environnement et Appia-Pays de Loire, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnées à payer à la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES à verser aux sociétés Devin-Lemarchand-Environnement et Appia-Pays de Loire la somme globale de 3 500 euros que celles-ci demandent au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES est rejetée.

Article 2 : La COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES versera la somme globale de 3 500 euros aux sociétés Devin-Lemarchand-Environnement et Appia-Pays de Loire en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DE NANTES, à la société Devin-Lemarchand-Environnement, à la société Appia Pays de Loire et au ministre de l’écologie et du développement durable.

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