Conseil d’Etat, 6 février 2004, n° 234016, Serge L.

Il appartient à la commission nationale de l’informatique et des libertés d’aviser le procureur de la République des faits dont elle a connaissance dans l’exercice de ses attributions, si ces faits lui paraissent suffisamment établis et si elle estime qu’ils portent une atteinte suffisamment caractérisée aux dispositions dont elle a pour mission d’assurer l’application.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 234016

M. L.

M. Larrivé
Rapporteur

Mme Mitjavile
Commissaire du gouvernement

Séance du 14 janvier 2004
Lecture du 6 février 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2001 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Serge L. ; M. L. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), saisie par lui le 22 janvier 2001, a, d’une part, refusé de transmettre au procureur de la République de Paris sa plainte concernant les irrégularités qu’aurait commises le rectorat de Paris, relatives aux opérations de sectorisation et d’affectation informatiques nominatives dites "Ravel" et "Scolarité" et, d’autre part, refusé de l’informer de la suite réservée à cette plainte ;

2°) d’enjoindre au président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés de procéder à la transmission précitée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision du Conseil d’Etat sous peine d’astreinte de 1 000 F (152, 45 euros) par jour de retard au titre de l’article L. 911-1 du code de justice administrative ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 2 000 F (304, 90 euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale, notamment son article 40 ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu le décret n° 2000-457 du 23 mai 2000, relatif au recensement automatisé des voeux d’orientation des élèves en premier cycle de l’enseignement supérieur et à la répartition des effectifs en cas de saturation des capacités d’accueil en Ile-de-France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Larrivé, Auditeur,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. L. demande l’annulation des décisions implicites par lesquelles la Commission nationale de l’informatique et des libertés a rejeté sa demande tendant à ce que la commission use des pouvoirs que lui donne l’article 21 de la loi du 6 janvier 1978 et a refusé de le tenir informé des suites réservées à sa plainte ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête ;

Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés : "Une commission nationale de l’informatique et des libertés est instituée. Elle est chargée de veiller au respect des dispositions de la présente loi, notamment (.) en contrôlant les applications de l’informatique au traitement des informations nominatives" ; qu’aux termes de l’article 21 de la même loi : "Pour l’exercice de sa mission de contrôle, la commission (.) 4° adresse aux intéressés des avertissements et dénonce au Parquet les infractions dont elle a connaissance, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale ; (.) 6° reçoit les réclamations, pétitions et plaintes ; (.)" ; qu’aux termes de l’article 40 du code de procédure pénale : " (.) Toute autorité constituée, ou officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs." ;

Considérant qu’en vertu de ces dispositions, il appartient à la commission nationale de l’informatique et des libertés d’aviser le procureur de la République des faits dont elle a connaissance dans l’exercice de ses attributions, si ces faits lui paraissent suffisamment établis et si elle estime qu’ils portent une atteinte suffisamment caractérisée aux dispositions dont elle a pour mission d’assurer l’application ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le courrier adressé par M. L. à la Commission nationale de l’informatique et des libertés le 22 janvier 2001, qui ne mentionnait d’ailleurs la dénomination que d’un des deux traitements automatisés d’information nominatives qu’il mettait en cause, n’invoquait à l’encontre de ces applications aucune irrégularité tirée de la méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires au respect desquelles la commission est chargée de veiller et ne faisait état d’aucun fait pouvant constituer une atteinte suffisamment caractérisée aux dispositions dont la commission a pour mission d’assurer l’application ; qu’il en résulte que la commission a pu, compte tenu de l’absence de tout élément utile à l’instruction d’une plainte, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, rejeter la demande de M. L. tendant à la saisine du procureur de la République ; que, dès lors, en s’abstenant d’informer M. L. des suites réservées à son courrier, la commission n’a, en tout état de cause, pas méconnu les dispositions de l’article 54 de son règlement intérieur qui sont relatives à l’information des personnes dont la plainte fait l’objet d’une instruction par la commission ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. L. n’est pas fondé à demander l’annulation des décisions attaquées de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. L., n’appelle aucune mesure d’exécution ; que les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la Commission nationale de l’informatique et des libertés de mettre en œuvre la procédure décrite à l’article 40 du code de procédure pénale ne peuvent, dès lors, et en tout état de cause, qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. L. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. L. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Serge L., à la Commission nationale de l’informatique et des libertés et au ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2384