Cour administrative d’appel de Nantes, 28 mai 2003, n° 00NT00836, Société Galapagos

Si la simple acquisition et la simple détention de parts sociales d’une société par une autre société ne doivent pas être considérées comme des activités économiques conférant à leur auteur la qualité d’assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d’une immixtion directe ou indirecte dans la gestion de la société dans laquelle s’est opérée la prise de participation, dans la mesure où une telle immixtion implique la mise en œuvre de transactions soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques par une société holding à ses filiales.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

N° 00NT00836

Société Galapagos

M. LEMAI
Président de chambre

M. GRANGE
Rapporteur

Mme MAGNIER
Commissaire du Gouvernement

Séance du 30 avril 2003
Lecture du 28 mai 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

(1ère chambre)

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 mai 2000, présentée pour la S.A.R.L. Galapagos, dont le siège est 47, avenue Janvier, 35000 Rennes, par Me de MAROLLES, avocat au barreau de Rennes ;

La S.A.R.L. Galapagos demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 953271 en date du 3 février 2000 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant au remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du deuxième trimestre de l’année 1995 ;

2°) de lui accorder le remboursement de 46 433 F demandé ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 3 000 F en remboursement des honoraires d’avocat qu’elle a dû supporter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 avril 2003 :
- le rapport de M. GRANGE, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme MAGNIER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la S.A.R.L. Galapagos demande le remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 46 433 F (7 078,67 euros) au titre du deuxième trimestre 1995 résultant de dépenses exposées notamment en vue de sa constitution et de sa prise de participation dans la S.N.C. Hôtel Sévigné ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 256 A du code général des impôts pris pour l’adaptation de la législation nationale à la sixième directive susvisée du 17 mai 1977 et notamment de son article 4 : "Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention... Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services... Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien meuble corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence." ; qu’aux termes de l’article 261 C du même code, pris pour l’adaptation de l’article 13 B d) -5 de la sixième directive : "Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1°Les opérations bancaires et financières suivantes : ... e. Les opérations, autres que celles de garde et de gestion portant sur les actions, les parts de sociétés..." ;

Considérant que si la simple acquisition et la simple détention de parts sociales d’une société par une autre société ne doivent pas être considérées comme des activités économiques conférant à leur auteur la qualité d’assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d’une immixtion directe ou indirecte dans la gestion de la société dans laquelle s’est opérée la prise de participation, dans la mesure où une telle immixtion implique la mise en œuvre de transactions soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques par une société holding à ses filiales ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la S.A.R.L Galapagos, constituée par acte du 23 février 1995, a acquis le 9 mars 1995 499 des 500 parts de la S.N.C. Hôtel Sévigné qui exploite un hôtel à Rennes ; que Mlle Marie-Claire GALPIN, principale associée et gérante de la S.A.R.L. Galapagos, et par ailleurs seule autre associée de la S.N.C. Hôtel Sévigné, assure la gestion de celle-ci ; que la S.A.R.L. Galapagos a facturé le 1er mars 1996 à la S.N.C. Hôtel Sévigné des prestations de mise à disposition de personnel pour la période du 1er mars 1995 au 31 décembre 1995 pour un montant de 116 541,81 F toutes taxes comprises (17 766,68 euros) ; que la circonstance que cette facture a été établie postérieurement à la production du mémoire en défense de l’administration devant le tribunal administratif ne suffit pas à mettre en doute sa validité ni la réalité des prestations dont elle fait état, comptabilisées par la S.A.R.L. au 31 décembre 1995 ; qu’il suit de là que, contrairement à ce que soutient à titre principal le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, la S.A.R.L. Galapagos doit être regardée comme ayant exercé en 1995 une activité économique au sens des dispositions précitées faisant d’elle un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que les résultats de la S.N.C. Hôtel Sévigné sont imposables selon le régime prévu par l’article 8 du code général des impôts ;

Considérant, d’autre part, qu’il résulte des dispositions de l’article 271 du code général des impôts que les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée sont autorisés à déduire de la taxe qu’ils doivent verser à l’administration fiscale celle qu’ils ont acquittée en amont à leurs fournisseurs et qui a grevé les éléments du prix d’une opération taxée ; qu’en revanche, il n’est pas admis, sauf disposition expresse, de déduire des sommes dues la taxe qui est entrée dans le prix de revient d’opérations exonérées ; que lorsqu’un redevable de la taxe sur la valeur ajoutée utilise des biens ou des services pour effectuer à la fois des opérations taxées et des opérations exonérées n’ouvrant pas droit à déduction, la taxe ayant frappé ces biens et ces services est déductible de la taxe due dans la proportion égale au prorata de déduction, lequel prorata est calculé conformément aux dispositions de l’article 212 de l’annexe II au code général des impôts ;

Considérant que les dépenses exposées par une société holding pour les différents services qu’elle a acquis pour sa constitution et à l’occasion d’une prise de participation dans une filiale font partie de ses frais généraux et entretiennent donc en principe un lien direct et immédiat avec l’ensemble de son activité économique, de nature à permettre la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces dépenses ; que si une telle société effectue à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n’y ouvrant pas droit, elle peut uniquement déduire la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations ; que la perception de dividendes n’entrant pas dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, les dividendes distribuées par ses filiales à une société holding qui est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée pour d’autres activités et fournit à ces filiales des services de gestion doivent être exclus du dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction en vertu de l’article 212 de l’annexe II au code général des impôts ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la S.A.R.L. Galapagos a été constituée en 1995 en vue de prendre le contrôle de la S.N.C. Hôtel Sévigné et qu’elle a exposé des dépenses pour sa constitution et cette prise de contrôle ; que ces dépenses font partie de ses frais généraux et entretiennent un lien direct avec son activité économique de gestion de sa filiale ; qu’elles sont ainsi de nature à ouvrir droit à la déduction de la taxe qui les a grevées ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la S.A.R.L. Galapagos, hormis la perception de dividendes de sa filiale qui, comme il a été dit ci-dessus, ne rentrent pas dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, et la réalisation de prestations de services de fourniture de main d’œuvre dans le cadre de son activité économique de gestion de cette filiale, n’a réalisé aucun chiffre d’affaires imposable à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu’elle est dès lors en droit d’obtenir la déduction, et par suite le remboursement, de la totalité de la taxe d’un montant de 46 433 F (7 078,67 euros) ayant grevé les dépenses susmentionnées, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le chiffre d’affaires afférent à son activité économique de prestations de main d’œuvre n’a fait l’objet d’une facturation que le 1er mars 1996 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la S.A.R.L. Galapagos est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent au deuxième trimestre 1995 ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions, de condamner l’Etat à payer à la S.A.R.L. Galapagos une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 3 février 2000 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la S.A.R.L. Galapagos le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 7 078,67 euros (sept mille soixante dix huit euros soixante sept centimes) dont elle disposait au titre du deuxième trimestre 1995.

Article 3 : L’Etat versera une somme de 1 000 euros (mille euros) à la S.A.R.L. Galapagos au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A.R.L. Galapagos et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

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