En vertu du 3° du I de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 le préfet et, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté motivé, décider que sera reconduit à la frontière un étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré et qui s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai d’un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait. Lorsque l’étranger intéressé purge une peine d’emprisonnement lorsqu’il reçoit la notification du refus ou du retrait de titre de séjour assortie de l’invitation à quitter le territoire dans le délai d’un mois, ce délai, avant l’expiration duquel un arrêté de reconduite à la frontière ne peut être légalement pris, ne commence à courir qu’à compter de sa libération. Dans le cas où elle survient durant le mois qui suit la notification du refus ou du retrait du titre de séjour, l’incarcération interrompt le délai d’un mois. En conséquence un nouveau délai d’un mois ne court alors qu’à compter de la libération de l’intéressé.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 252383
PREFET DE POLICE
c/ M. K.
Mme de Margerie
Rapporteur
Mme de Silva
Commissaire du gouvernement
Séance du 24 novembre 2003
Lecture du 12 décembre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 2ème et 1ère sous-section réunies)
Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 10 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 février 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Lakhdar K. ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. K. devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. K.,
les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’en vertu du 3° du I de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 le préfet et, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté motivé, décider que sera reconduit à la frontière un étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré et qui s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai d’un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; que, lorsque l’étranger intéressé purge une peine d’emprisonnement lorsqu’il reçoit la notification du refus ou du retrait de titre de séjour assortie de l’invitation à quitter le territoire dans le délai d’un mois, ce délai, avant l’expiration duquel un arrêté de reconduite à la frontière ne peut être légalement pris, ne commence à courir qu’à compter de sa libération ; que, dans le cas où elle survient durant le mois qui suit la notification du refus ou du retrait du titre de séjour, l’incarcération interrompt le délai d’un mois ; qu’en conséquence un nouveau délai d’un mois ne court alors qu’à compter de la libération de l’intéressé ;
Considérant qu’après avoir refusé, le 9 juillet 2001, à M. K., ressortissant algérien, la délivrance d’une carte de séjour, le PREFET DE POLICE a prescrit, le 4 février 2003, sa reconduite à la frontière sur le fondement du 3° du I de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de titre de séjour du 9 juillet 2001, assortie de l’invitation à quitter le territoire dans le délai d’un mois, a été expédiée par pli recommandé avec demande d’avis de réception à l’adresse indiquée par l’intéressé dans sa demande de titre de séjour ; que le pli a été présenté à cette adresse, le 10 juillet 2001, puis retourné à l’expéditeur le 25 juillet 2001, au motif qu’il n’avait pas été retiré ; qu’à la date de présentation du pli, M. K. était incarcéré à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis à la suite d’une procédure judiciaire diligentée à son encontre ; qu’eu égard aux circonstances de l’espèce et, en particulier, au fait que M. K. était incarcéré depuis près de huit mois à la date à laquelle le pli a été présenté à son domicile et à l’absence au dossier de tout élément susceptible d’établir que M. K. n’aurait pas été en mesure d’avertir avant cette date les services de la préfecture de son incarcération, la notification du refus de titre de séjour doit être regardée comme ayant été effectuée de manière régulière ; que, toutefois, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le délai d’un mois avant l’expiration duquel un arrêté de reconduite à la frontière ne pouvait légalement être pris à l’encontre de M. K. n’a commencé à courir qu’à compter de la libération de l’intéressé, qui est intervenue postérieurement à l’arrêté du 4 février 2002 par lequel le PREFET DE POLICE a prescrit sa reconduite à la frontière ; que cet arrêté, pris alors que le délai d’un mois prévu par le 3° du I de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 n’avait pas commencé à courir, est par suite entaché d’illégalité ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 février 2002 prescrivant la reconduite à la frontière de M. K. ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. K. a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Gatineau, avocat de M. K., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de condamner l’Etat à payer à Me Gatineau la somme de 2 000 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L’Etat versera une somme de 2 000 euros à Me Gatineau en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Lakhdar K. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
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