Conseil d’Etat, 3 décembre 2003, n° 244867, Centre hospitalier spécialisé de Caen

La décision d’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être prise sur demande d’un tiers que si celui-ci, à défaut de pouvoir faire état d’un lien de parenté avec le malade, est en mesure de justifier de l’existence de relations antérieures à la demande lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 244867

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE CAEN

Mlle Courrèges
Rapporteur

M. Stahl
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 novembre 2003
Lecture du 3 décembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 avril et 4 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE CAEN, dont le siège est 93, rue Caponière, B.P. 223 à Caen cedex (14012) ; le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE CAEN demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 7 février 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 13 mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Caen, à la demande de Mlle Nathalie P., a annulé la décision du 11 avril 1999 de son directeur prononçant l’admission de Mlle P. dans ses services, à la demande d’un tiers ;

2°) de mettre à la charge de Mlle P. la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Courrèges, Auditeur,
- les observations de Me Foussard, avocat du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE CAEN et de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de Mlle P.,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 333 du code de la santé publique repris à l’article L. 3212-1 de ce code : " Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur demande d’un tiers que si :/ 1° Ses troubles rendent impossible son consentement ;/ 2° Son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier./ La demande d’admission est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants dès lors qu’ils exercent dans l’établissement d’accueil./ Cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. Si cette dernière ne sait pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l’établissement qui en donne acte. Elle comporte les nom, prénoms, profession, âge et domicile tant de la personne qui demande l’hospitalisation que de celle dont l’hospitalisation est demandée et l’indication de la nature des relations qui existent entre elles ainsi que, s’il y a lieu, de leur degré de parenté./ La demande d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux (...) " ;

Considérant qu’il résulte des dispositions législatives précitées que la décision d’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être prise sur demande d’un tiers que si celui-ci, à défaut de pouvoir faire état d’un lien de parenté avec le malade, est en mesure de justifier de l’existence de relations antérieures à la demande lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci ; que, par suite, la cour administrative d’appel de Nantes, dont l’arrêt est suffisamment motivé, n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, après avoir relevé que la demande d’admission de Mlle P. au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE CAEN en date du 10 avril 1999 n’indiquait pas le degré de parenté ou, à défaut, la nature des relations existant entre l’intéressée et l’auteur de cette demande, que celle-ci ne satisfaisait pas aux exigences des dispositions précitées, sans que la circonstance qu’elle émanât de l’infirmier général représentant du directeur du centre hospitalier général de Lisieux, dans lequel Mlle P. venait d’être admise, puisse suffire à justifier, par elle-même, de l’existence de relations lui donnant qualité pour agir ; qu’ainsi, le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE CAEN n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant que Mlle P. a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de Mlle P., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE CAEN la somme de 2 300 euros que ladite société demande à ce titre ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mlle P., qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE CAEN demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE CAEN est rejetée.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE CAEN versera à la SCP Boré, Xavier et Boré une somme de 2 300 euros, en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE CAEN, à Mlle Nathalie P. et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2159