Conseil d’Etat, 28 novembre 2003, n° 249737, Centre hospitalier Félix Guyon

L’opposition formée contre un tel titre de recettes fait obstacle au recouvrement de la créance.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 249737

CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON

M. Laignelot
Rapporteur

M. Goulard
Commissaire du gouvernement

Séance du 14 novembre 2003
Lecture du 28 novembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 4 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON, dont le siège est Bellepierre à Saint-Denis Cedex (97405) ; le CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON demande au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance du 2 août 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a, à la demande de Mme Marlène G., suspendu, d’une part, les décisions en date du 28 mai 2002 du directeur du CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON plaçant l’intéressée en congé de maladie ordinaire au titre des arrêts de travail dont elle a bénéficié du 2 mars au 31 décembre 2000, et d’autre part, le titre de recette n° 47025 émis à son encontre le 16 juillet 2002 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laignelot, Auditeur,
- les observations de la SCP Thouin-Palat, Urtin-Petit, avocat du CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant que par ordonnance en date du 2 août 2002, le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion a suspendu, d’une part, les décisions en date du 28 mai 2002 du directeur du CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON plaçant Mme G. en position de congé de maladie ordinaire au titre des arrêts de travail dont elle a bénéficié du 2 mars au 31 décembre 2000 et, d’autre part, le titre de recette émis à l’encontre de cette dernière le 16 juillet 2002 ; que, pour prononcer cette suspension, le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion a écarté la fin de non-recevoir opposée par le CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON et s’est fondé sur ce que le recouvrement du titre de recettes émis et rendu exécutoire le 16 juillet 2002 était susceptible de faire l’objet d’une mesure de suspension dès lors que les sommes mises en paiement étaient exigibles ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, rendu applicable aux établissements publics locaux de santé par l’article L. 6145-9 du code de la santé publique : "1° En l’absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l’établissement public local permet l’exécution forcée contre le débiteur./ Toutefois, l’introduction devant une juridiction de l’instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d’une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre" ; qu’il résulte de ces dispositions que l’opposition formée contre un tel titre de recettes fait obstacle au recouvrement de la créance ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme G. a saisi le 25 juillet 2002 le tribunal administratif de la Réunion d’une demande tendant à l’annulation des décisions précitées du directeur de l’hôpital ainsi que du titre de recettes du 16 juillet 2002 ; qu’en conséquence, ce titre ne pouvait pas être exécuté ; que, dès lors, les conclusions de Mme G. tendant à ce qu’il soit ordonné la suspension de ce titre sur le fondement de l’article L. 521-1 précité du code de justice administrative étaient sans objet et par suite irrecevables ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en écartant la fin de non-recevoir opposée par le CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON, le juge des référés du tribunal administratif de la Réunion a entaché son ordonnance d’une erreur de droit ;

Considérant qu’il y a lieu par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mme G. ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la demande de Mme G. tendant à ce que soit suspendu le titre de recettes émis à son encontre le 16 juillet 2002 est sans objet et, par suite, irrecevable ;

Considérant qu’il résulte également de ce que l’opposition à état exécutoire suspend de plein droit le recouvrement forcé de la créance, que les décisions du directeur du CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON en date du 28 mai 2002, qui avaient pour seul effet, d’une part, de décider que les arrêts de travail qu’avait obtenus l’intéressée durant l’année 2000 n’étaient pas liés à sa maladie professionnelle et n’étaient donc pas imputables au service et, d’autre part, de recalculer en conséquence les périodes de congés de Mme G. en congés à plein traitement et congés à demi-traitement, ne créaient pas par elle-mêmes de situation d’urgence ;

Considérant qu’il y a lieu, dès lors, de rejeter les demandes de Mme G. tendant à la suspension des décisions du directeur du CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON en date du 28 mai 2002 et à la suspension du titre de recettes émis à son encontre le 16 juillet 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d’une part, que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme G. la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, d’autre part, qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner Mme G. à payer au CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Réunion en date du 2 août 2002 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme G. devant le tribunal administratif de la Réunion est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON devant le tribunal administratif de la Réunion tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER FELIX GUYON, à Mme Marlène G. et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

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