Conseil d’Etat, 28 novembre 2003, n° 238349, Commune de Moissy Cramayel

En jugeant que le maire, en s’abstenant de faire usage de ses pouvoirs de police pour édicter une réglementation relative à l’accès au terrain de sport en cause et destinée à réduire les nuisances sonores résultant de son utilisation, avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, sans qualifier celle-ci de faute lourde, la cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 238349

COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL

M. J. Boucher
Rapporteur

M. Le Chatelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 3 novembre 2003
Lecture du 28 novembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre 2001 et 15 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL, représentée par son maire dûment habilité à cet effet par une délibération du conseil municipal en date du 17 mars 2001 ; la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 19 juin 2001 annulant le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 15 juin 1998 et la condamnant à verser à M. et Mme B. la somme de 50 000 F en réparation des préjudices subis du fait des nuisances sonores provenant de l’utilisation du terrain de basket-ball installé sur l’aire de jeux communale qui jouxte leur habitation ;

2°) de condamner M. et Mme B. à lui verser la somme de 3 048,98 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. J. Boucher, Auditeur,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL et de Me Blanc, avocat de M. et Mme B.,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêt en date du 19 juin 2001, la cour administrative d’appel de Paris a condamné la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL à verser 50 000 F (7 622,45 euros) à M. et Mme B. en réparation du préjudice subi par eux du fait de la faute commise par le maire de cette commune, qui s’est abstenu de prendre les mesures nécessaires pour limiter l’accès à un terrain de sport voisin de leur propriété afin de réduire les nuisances sonores causées par la fréquentation de ce terrain ; que la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL demande l’annulation de cet arrêt ;

Considérant que, pour condamner la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL à indemniser M. et Mme B., la cour administrative d’appel de Paris s’est placée exclusivement sur le terrain de la responsabilité pour faute du fait de la carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police ; que, par suite, les moyens tirés, par la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL, de ce que la cour aurait commis une erreur de droit, dénaturé les faits de l’espèce et insuffisamment motivé son arrêt en la condamnant, sur le terrain de la responsabilité sans faute, à réparer le préjudice anormal et spécial subi par les intéressés du fait de la proximité du terrain de sport en cause, sont inopérants ;

Considérant qu’en jugeant que le maire, en s’abstenant de faire usage de ses pouvoirs de police pour édicter une réglementation relative à l’accès au terrain de sport en cause et destinée à réduire les nuisances sonores résultant de son utilisation, avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, sans qualifier celle-ci de faute lourde, la cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit ; que, ce faisant, la cour, qui n’était pas tenue de répondre à tous les arguments de la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL tendant à démontrer l’absence de faute commise par son maire, ne s’est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et n’a pas donné à ces faits une qualification juridique erronée ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 19 juin 2001 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme B., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à payer à la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des mêmes dispositions et de condamner la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL à verser à M. et Mme B. la somme de 2 200 euros que ceux-ci demandent au titre des mêmes frais ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL versera à M. et Mme B. la somme de 2 200 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MOISSY CRAMAYEL, à M. et Mme B. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2139