Conseil d’Etat, 22 octobre 2003, n° 250163, M. Patrice P.

Le licenciement du requérant procède du choix de son employeur, dont l’étude connaissait des résultats en forte croissance, de changer de statut professionnel, en devenant salarié puis dirigeant d’une société anonyme. Dès lors, il n’est pas intervenu en conséquence directe de l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000 relative à la vente volontaire de meubles aux enchères publiques.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 250163,255408

M. P.

Mlle Vialettes
Rapporteur

M. Lamy
Commissaire du gouvernement

Séance du 29 septembre 2003
Lecture du 22 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 250163, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre 2002 et 10 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Patrice P. ; M. P. demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule la décision, en date du 3 juillet 2002, par laquelle la commission nationale d’indemnisation des commissaires-priseurs a refusé de lui verser une indemnité de licenciement pour motif économique sur le fondement de l’article 49 de la loi du 10 juillet 2000 ;

2°) condamne l’Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 255408, la requête, enregistrée le 25 mars 2003 au secrétariat du contentieux, présentée pour M. Patrice P. ; M. P. demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule la décision, en date du 18 décembre 2002, par laquelle la commission nationale d’indemnisation des commissaires-priseurs a refusé de lui verser une indemnité de licenciement pour motif économique sur le fondement de l’article 49 de la loi du 10 juillet 2000 ;

2°) condamne l’Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 ;

Vu le décret n° 2001-652 du 19 juillet 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. P.,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. P. sont relatives à l’indemnisation d’un même licenciement ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que la loi du 10 juillet 2000 a supprimé le monopole des commissaires-priseurs dans le domaine des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ; qu’elle a prévu d’indemniser les commissaires-priseurs du préjudice subi à raison de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation ; que, s’agissant des salariés des offices de commissaires-priseurs, l’article 49 de la loi prévoit qu’" en cas de licenciement pour motif économique survenant en conséquence directe de l’entrée en vigueur de la présente loi, les indemnités de licenciement dues par les commissaires-priseurs sont calculées à raison d’un mois de salaire par année d’ancienneté dans la profession, dans la limite de trente mois. Elles sont versées directement aux bénéficiaires par le fonds d’indemnisation institué par l’article 42 lorsque le licenciement intervient dans le délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi " ; que selon l’article 45, les demandes d’indemnisation sont portées devant une commission nationale d’indemnisation ; qu’enfin, aux termes de l’article 14 du décret du 19 juillet 2001 relatif aux modalités de l’indemnisation prévue par la loi du 10 juillet 2000 : " les salariés du titulaire d’un office de commissaire-priseur ou de l’une des personnes morales mentionnées au troisième alinéa de l’article 49 de la loi du 10 juillet 2000 précitée dont le licenciement pour motif économique intervient avant le 11 juillet 2002 et en conséquence directe de l’entrée en vigueur de la loi joignent à leur demande d’indemnisation une copie de la lettre de licenciement, des contrats de travail, des bulletins de paye et tout autre document nécessaire à la détermination de l’ancienneté dans la profession ainsi que du salaire mensuel mentionné à l’article 13 " ;

Considérant que M. P., qui exerce la profession de crieur, a été licencié par la SCP de Ricqlès, mise en liquidation amiable à compter du 1er janvier 2002, par une décision prenant effet le 31 décembre 2001, et a perçu, à ce titre, une indemnité de 3 560,82 euros (23 357,46 F) prévue par la convention collective et versée par son employeur ; qu’il a demandé à la commission nationale d’indemnisation à bénéficier, en application des dispositions de l’article 49 de la loi du 10 juillet 2000, d’une indemnité de licenciement équivalente à 24 mois de salaires, compte tenu d’une ancienneté dans la profession de 24 ans ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le licenciement de M. P. procède du choix de son employeur, dont l’étude connaissait des résultats en forte croissance, de changer de statut professionnel, en devenant salarié puis dirigeant d’une société anonyme ; que, dès lors, il n’est pas intervenu en conséquence directe de l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000 ; que, par suite, M. P. n’est pas fondé à soutenir qu’en prenant les décisions attaquées, la commission nationale d’indemnisation aurait fait une inexacte application de l’article 49 de la loi du 10 juillet 2000 ; qu’enfin ces décisions, qui lui refusent le bénéfice d’une indemnité, ne méconnaissent pas la liberté d’entreprendre ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requêtes de M. P. doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, soit condamné à payer à M. P. les sommes que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. P. sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Patrice P., à la commission nationale d’indemnisation des commissaires-priseurs et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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