Conseil d’Etat, 22 octobre 2003, n° 249462, Mlle Carine S. et M. Kader B.

Le droit à l’allocation de revenu minimum d’insertion doit être apprécié au niveau du foyer. Doit donc être prise en compte la situation de concubinage.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 249462

Mlle S.
M. B.

Mlle Courrèges
Rapporteur

M. Stahl
Commissaire du gouvernement

Séance du 29 septembre 2003
Lecture du 22 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 14 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par Mlle Carine S. et M. Kader B. ; Mlle S. et M. B. demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 13 juin 2002 par laquelle la commission centrale d’aide sociale a rejeté la demande de Mlle S. dirigée contre la décision du 7 mai 2001 de la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin refusant d’annuler la décision du préfet du 1er décembre 1999 lui réclamant un indu de 7 080 F (1 079,34 euros) au titre d’un trop-perçu d’allocation de revenu minimum d’insertion ;

2°) d’ordonner le sursis à exécution de cette décision juridictionnelle ;

3°) de condamner la caisse d’allocations familiales à leur verser les sommes de 23 984,50 F (3 656,41 euros) et 1 538,64 F (234,56 euros) au titre de leurs droits aux prestations familiales de janvier à avril 1999 et à l’aide personnalisée au logement de mars à juin 1999 ;

4°) de condamner l’Etat et la caisse d’allocations familiales à leur verser une indemnité de 25 523,14 F (3 890,98 euros) au titre du préjudice subi par eux du fait des décisions illégales prises par l’Etat et la caisse d’allocations familiales ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat et de la caisse d’allocations familiales une somme de 2 000 F (304,90 euros) au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 ;

Vu le décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Courrèges, Auditeur,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 13 juin 2002 de la commission centrale d’aide sociale en tant qu’elle confirme la décision préfectorale du 1er décembre 1999 :

Considérant qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion, devenu l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles : " Le revenu minimum d’insertion varie dans des conditions fixées par voie réglementaire selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge " ; qu’aux termes de l’article 1er du décret du 12 décembre 1988 relatif à la détermination du revenu minimum d’insertion dans sa rédaction en vigueur à la date des faits : " Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire (...) est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint ou concubin de l’intéressé ou soient à sa charge " ; qu’enfin, aux termes de l’article 3 du même décret : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent, sous les réserves et selon les modalités ci-après, l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) " ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées que le droit à l’allocation de revenu minimum d’insertion doit être apprécié au niveau du foyer ; que la commission centrale d’aide sociale a, dès lors, commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte la situation de concubinage de M. B. et de Mlle S. lors de l’examen des droits du demandeur à l’allocation de revenu minimum d’insertion ; que sa décision du 13 juin 2002 doit, dès lors, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;

Considérant que la circonstance que M. B. vivait en concubinage avec Mlle S., en congé parental d’éducation et titulaire de l’allocation parentale d’éducation, ne faisait pas obstacle au maintien de son droit à une allocation de revenu minimum d’insertion calculée compte tenu de l’ensemble des ressources de son foyer et notamment après prise en compte de l’allocation susmentionnée versée à sa concubine ; qu’il résulte de l’instruction qu’après prise en compte de ces ressources, le foyer avait droit à une allocation de 885 F (134,92 euros) par mois au cours de la période allant de janvier à août 1999 ; qu’ainsi, le préfet ne pouvait pas, par la décision contestée du 1er décembre 1999, réclamer à Mlle S. le remboursement des sommes perçues au cours des mois de janvier à août 1999 et correspondant à cette allocation différentielle ; que, dès lors, les requérants sont fondés à demander l’annulation de la décision du 7 mai 2001 de la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin, ainsi que celle de la décision du préfet du 1er décembre 1999 ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 13 juin 2002 en tant qu’elle rejette les demandes de M. B. et de Mlle S. relatives à d’autres prestations que le revenu minimum d’insertion et celles tendant à l’indemnisation de leur préjudice :

Considérant que les requérants ne soulèvent aucun moyen à l’encontre de cette partie de la décision attaquée ; que ces conclusions doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 30 euros à verser à Mlle S. et M. B. au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 13 juin 2002 de la commission centrale d’aide sociale en tant qu’elle confirme la décision préfectorale du 1er décembre 1999, ensemble la décision du 7 mai 2001 de la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin et la décision préfectorale du 1er décembre 1999 sont annulées.

Article 2 : L’Etat versera à Mlle S. et M. B. la somme de 30 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mlle S. et M. B. est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mlle Carine S., à M. Kader B. et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

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