Conseil d’Etat, 22 octobre 2003, n° 249295, Union fédérale équipement CFDT

Les dispositions de la circulaire attaquée du 14 juin 2002 revêtent le caractère d’instructions impératives adressées aux directeurs d’administration centrale du ministère. Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, tirée de ce que les dispositions attaquées ne feraient pas grief, doit être écartée.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 249295

UNION FEDERALE EQUIPEMENT C.F.D.T.

Mlle Herry
Rapporteur

Mme Boissard
Commissaire du gouvernement

Séance du 29 septembre 2003
Lecture du 22 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’UNION FEDERALE EQUIPEMENT C.F.D.T., dont le siège est 30, passage de l’Arche à Paris La Défense cedex 04 (92055), représentée par son secrétaire général ; l’UNION FEDERALE EQUIPEMENT C.F.D.T. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la circulaire en date du 14 juin 2002 du ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en tant qu’elle fixe les montants annuels moyens et les montants maximaux des indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires qui peuvent être versées aux agents non titulaires affectés à l’administration centrale du ministère de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2002-62 du 14 janvier 2002 relatif à l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales ;

Vu l’arrêté du 14 janvier 2002 fixant les montants moyens annuels de l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales ;

Vu l’arrêté du 8 février 2002 définissant les corps de fonctionnaires et les catégories d’agents non titulaires du ministère de l’équipement, des transports et du logement éligibles par assimilation à l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales instituée par le décret n° 2002-62 du 14 janvier 2002 ou à l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des services déconcentrés instituée par le décret n° 2002-63 du 14 janvier 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Herry, Auditeur,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l’UNION FEDERALE EQUIPEMENT C.F.D.T. demande l’annulation de la circulaire du ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en date du 14 juin 2002 en tant qu’elle fixe les montants annuels moyens et les montants maximaux de l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires qui peut être allouée aux agents non titulaires affectés à l’administration centrale du ministère de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer :

Considérant que l’interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d’instructions l’autorité administrative donne des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en oeuvre n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu’en soit le bien-fondé, faire grief ; qu’en revanche, les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire ou d’une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d’incompétence ou si, alors même qu’elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu’elles sont illégales pour d’autres motifs ; qu’il en va de même s’il est soutenu à bon droit que l’interprétation qu’elles prescrivent d’adopter, soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu’elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;

Considérant que les dispositions susanalysées de la circulaire attaquée du 14 juin 2002 revêtent le caractère d’instructions impératives adressées aux directeurs d’administration centrale du ministère ; que, dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, tirée de ce que les dispositions attaquées ne feraient pas grief, doit être écartée ;

Sur la légalité des dispositions attaquées :

Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret du 14 janvier 2002 : "Les fonctionnaires appartenant à des corps d’administration centrale de l’Etat et affectés en administration centrale peuvent percevoir une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires dans les conditions et suivant les modalités fixées par le présent décret./ Un arrêté conjoint des ministres chargés de la fonction publique, du budget et du ministre intéressé autorise, le cas échéant, et selon un tableau d’assimilation, le versement de l’indemnité prévue par le présent décret, dès lors qu’ils exercent en administration centrale, à d’autres fonctionnaires de grade équivalent et à des agents non titulaires de droit public" ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 du même décret : "Les montants moyens annuels de l’indemnité pour travaux supplémentaires des administrations centrales sont fixés en fonction du grade ou de l’emploi de l’agent par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la fonction publique (...)/ Le montant des attributions individuelles ne peut excéder le triple du montant moyen annuel attaché au grade ou à l’emploi de l’agent" ;

Considérant que, par un arrêté interministériel en date du 8 février 2002, pris sur le fondement du second alinéa de l’article 1er du décret précité du 14 janvier 2002 le ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le ministre de la fonction publique et de la réforme de l’Etat ont fixé la liste des grades de fonctionnaires auxquels sont assimilées les catégories d’agents non-titulaires affectés à l’administration centrale du ministère de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; qu’il résulte de cette assimilation que les règles applicables au versement de l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires aux agents non-titulaires des catégories mentionnées dans cet arrêté du 8 février 2002 sont celles qui sont prévues pour le versement de ladite indemnité aux fonctionnaires titulaires des grades d’assimilation ; qu’il suit de là, d’une part, que les montants annuels moyens de l’indemnité qui peut être versée aux différentes catégories d’agents non titulaires sont ceux qui ont été fixés par l’arrêté interministériel du 14 janvier 2002 pour les différents grades et emplois de fonctionnaires de l’administration centrale en application du premier alinéa de l’article 2 du décret précité du 14 janvier 2002, d’autre part, que les montants maximaux sont soumis au seul plafond défini par le second alinéa du même article du décret ;

Considérant dès lors que les dispositions attaquées de la circulaire du 14 juin 2002, qui prévoient des montants annuels moyens pour l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires qui peut être versée aux agents non titulaires affectés dans les administrations centrales du ministère de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer différents des montants retenus par l’arrêté interministériel susmentionné du 14 janvier 2002 et qui définissent, pour les montants maximaux de cette indemnité, un plafond différent de celui qui est mentionné au second alinéa de l’article 2 du décret du 14 juin 2002, fixent une règle nouvelle entachée d’incompétence et doivent, par suite, être annulées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions précitées et de condamner l’Etat à verser à l’UNION FEDERALE EQUIPEMENT C.F.D.T. la somme de 500 euros qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La circulaire en date du 14 juin 2002 du ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer est annulée en tant qu’elle fixe les montants moyens et les montants maximaux des indemnités forfaitaires des agents non titulaires affectés en administration centrale.

Article 2 : L’Etat versera à l’UNION FEDERALE EQUIPEMENT C.F.D.T. la somme de 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’UNION FEDERALE EQUIPEMENT C.F.D.T., au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire.

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