Conseil d’Etat, 3 octobre 2003, n° 185668, M. Daniel R.

Le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens ne pouvait, sans entacher sa décision d’une erreur de qualification, estimer que les faits constituaient un manquement à l’obligation de solidarité et de loyauté qui, en vertu des dispositions précitées de l’article R. 5015-60 du code de la santé publique, incombe à chaque pharmacien

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 185668

M. R.

M. Pignerol
Rapporteur

Mme Roul
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 septembre 2003
Lecture du 3 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 6ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 19 juin 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Daniel R. ; M. R. demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision en date du 19 décembre 1996 par laquelle le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, réformant la décision du 26 juin 1995 de la chambre de discipline du conseil régional de Midi-Pyrénées, a ramené de six à cinq mois la durée de la sanction d’interdiction d’exercer la pharmacie prononcée à son encontre, et subsidiairement, de constater que les faits poursuivis sont amnistiés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique, notamment ses articles R. 5015-26 et R. 5015-60 en vigueur à l’époque de la décision attaquée ;

Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pignerol, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. R. et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article R. 5015-60 du code de la santé publique alors en vigueur : "Tous les pharmaciens inscrits à l’Ordre se doivent mutuellement aide et assistance pour l’accomplissement de leurs devoirs professionnels. En toutes circonstances, ils doivent faire preuve de loyauté les uns envers les autres et de solidarité" ; que pour infliger à M. R. la sanction de cinq mois d’interdiction d’exercice de la profession de pharmacien, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens s’est fondé notamment sur l’apposition d’une affiche portant la mention "Lundi matin, fermeture imposée !..." ; que le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens ne pouvait, sans entacher sa décision d’une erreur de qualification, estimer que ces faits constituaient un manquement à l’obligation de solidarité et de loyauté qui, en vertu des dispositions précitées de l’article R. 5015-60 du code de la santé publique, incombe à chaque pharmacien ;

Considérant, d’autre part, que le fait également retenu par la décision attaquée, d’avoir apposé sur la vitrine de son officine une affiche comportant les termes "Action prix bas" et dessous, en petits caractères, les mots "sur la parapharmacie", ne saurait être regardé comme contraire à l’honneur professionnel au sens de l’article 14 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie ; que, par suite, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens a entaché, sur ce point, sa décision d’une erreur de qualification juridique des faits ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. R. est fondé à demander l’annulation de la décision du 19 décembre 1996 du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens ;

Considérant qu’en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, l’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, dans les circonstances de l’espèce, que le Conseil d’Etat règle l’affaire au fond ;

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, d’une part, M. R. n’a pas commis de manquement à l’obligation de solidarité et de loyauté qui, en vertu de l’article R. 5015-60 du code de la santé publique incombe à chaque pharmacien et, d’autre part, les faits qui lui sont reprochés sur le fondement de l’article R. 5015-26 du même code sont amnistiés ;

Considérant que la participation de M. R. aux publicités effectuées au profit de la SARL "R. médical service" n’est pas établie ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. R. est fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle la chambre de discipline du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Midi-Pyrénées a prononcé à son encontre le 26 juin 1995 la sanction d’interdiction d’exercer la pharmacie pendant six mois et de rejeter la plainte formée à son encontre par M. Bernard C. ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens du 19 décembre 1996 est annulée.

Article 2 : La décision de la chambre de discipline du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Midi-Pyrénées du 26 juin 1995 est annulée.

Article 3 : La plainte formée par M. C. est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel R., à M. Bernard C., au Conseil national de l’Ordre des pharmaciens et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1979