Conseil d’Etat, 29 septembre 2003, n° 250303, Mme Marianne D.

Aucune disposition de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ou du décret du 7 février 1993 ne fait obstacle à ce que le premier président de la cour d’appel, chargé d’établir l’évaluation des magistrats du siège en fonction dans les différentes juridictions de son ressort, procède à l’harmonisation des évaluations analytiques proposées par chaque chef de juridiction, dès lors que cette harmonisation vise à assurer une prise en compte équitable des mérites comparés de l’ensemble des magistrats du siège du ressort de la cour d’appel. Loin de porter atteinte à l’égalité de traitement des magistrats, cette harmonisation est de nature à en garantir le respect.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 250303

Mme D.

M. Benassayag
Rapporteur

M. Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 10 septembre 2003
Lecture du 29 septembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour Mme Marianne D. ; Mme D. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’évaluation définitive de son activité professionnelle portée par le premier président de la cour d’appel de Douai au titre de la période 2000-2001 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée ;

Vu le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benassayag, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de Mme D.,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice :

Considérant qu’aux termes de l’article 12-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : "L’activité professionnelle de chaque magistrat fait l’objet d’une évaluation tous les deux ans (...) Le magistrat qui conteste l’évaluation de son activité professionnelle peut saisir la commission d’avancement. Après avoir recueilli les observations du magistrat et celles de l’autorité qui a procédé à l’évaluation, la commission d’avancement émet un avis motivé versé au dossier du magistrat concerné..." ; qu’aux termes de l’article 19 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l’application de cette ordonnance : "L’évaluation est établie : 1° Par le premier président de la cour d’appel (...) pour les magistrats du siège ..." ; qu’en vertu de l’article 20 du même décret, cette évaluation comporte en annexe les observations écrites recueillies notamment auprès des chefs des tribunaux de grande instance intéressés ;

Considérant, en premier lieu, que Mme D. ne peut utilement se prévaloir, à l’appui de son recours en annulation de son évaluation par le premier président de la cour d’appel, de l’illégalité de l’avis émis par la commission d’avancement, et versé à son dossier, selon la procédure prévue à l’article 12-1 précité de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, pour justifier les notes analytiques de la requérante, le premier président de la cour d’appel de Douai s’est fondé, d’une part, sur le changement de fonctions de Mme D. qui, exerçant auparavant les fonctions de juge chargé du tribunal d’instance de Valenciennes, avait fait l’objet d’un avancement sur place en qualité de vice-président chargé de l’instruction au sein du même tribunal, d’autre part, sur "les exigences de la péréquation au sein du ressort de la cour d’appel, dans un souci d’équité" ; que la requérante ne conteste que le second de ces deux motifs ;

Considérant qu’aucune disposition de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ou du décret du 7 février 1993 ne fait obstacle à ce que le premier président de la cour d’appel, chargé d’établir l’évaluation des magistrats du siège en fonction dans les différentes juridictions de son ressort, procède à l’harmonisation des évaluations analytiques proposées par chaque chef de juridiction, dès lors que cette harmonisation vise à assurer une prise en compte équitable des mérites comparés de l’ensemble des magistrats du siège du ressort de la cour d’appel ; que loin de porter atteinte à l’égalité de traitement des magistrats, cette harmonisation est de nature à en garantir le respect ; que la circonstance que d’autres chefs de cour n’auraient pas procédé à une telle harmonisation est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l’évaluation contestée ; que les dispositions du 4° de l’article 20 du décret du 7 janvier 1993, relatives aux conditions dans lesquelles l’autorité en charge de l’évaluation peut y annexer certains documents, ne trouvent pas à s’appliquer dans le cadre du présent litige ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en établissant, pour les deux motifs qu’il a retenus, les évaluations analytiques de Mme D., moins favorable que celles qu’avait proposées son chef de juridiction, le premier président de la cour d’appel de Douai ait commis une erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête de Mme D. doit être rejetée ; qu’il s’en suit qu’il y a lieu également de rejeter ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Marianne D. et au garde des sceaux, ministre de la justice.

_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1977