Conseil d’Etat, 9 février 2001, n° 216398, Michel

La décision par laquelle un préfet refuse, en application de l’article 2 de la loi du 12 avril 1892, de prononcer l’agrément d’un garde particulier, doit être regardée comme un refus d’autorisation pour l’application des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 sans être au nombre des décisions refusant une autorisation dont la communication des motifs est de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978. Cette décision est, en conséquence, soumise à l’obligation de motivation prévue par la loi du 11 juillet 1979, alors même que l’article 2 de la loi du 12 avril 1892 précitée n’impose une telle obligation que pour les retraits d’agrément.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 216398

Michel

M Chaubon, Rapporteur

M Seban, Commissaire du gouvernement

Lecture du 9 Février 2001

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M Gérard MICHEL, demeurant 6 rue Ernest Danet à Maromme (76150) ; M MICHEL demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 3 février 1999 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes, après avoir annulé l’ordonnance du 24 mai 1995 du vice-président du tribunal administratif de Rouen, a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 5 décembre 1994 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a opposé un refus à la demande présentée par M LAFOSSE en vue de son agrément en qualité de garde particulier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 12 avril 1892 relative aux arrêtés administratifs agréant des gardes particuliers ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée notamment par la loi n° 86-76 du 17 janvier 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M Chaubon, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M MICHEL,

- les conclusions de M Seban, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une décision du 5 décembre 1994, le préfet de la Seine-Maritime a opposé un refus à la demande d’agrément de M MICHEL en qualité de garde particulier ; que, par un arrêt du 3 février 1999, la cour administrative d’appel de Nantes, après avoir annulé l’ordonnance en date du 24 mai 1995 du vice-président du tribunal administratif de Rouen, a rejeté la demande de M MICHEL tendant à l’annulation de la décision du préfet de la Seine-Maritime ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 tel qu’il a été complété par la loi n° 86-76 du 17 janvier 1986 : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui ( ) refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l’article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978" ; que la décision par laquelle un préfet refuse, en application de l’article 2 de la loi du 12 avril 1892, de prononcer l’agrément d’un garde particulier, doit être regardée comme un refus d’autorisation pour l’application des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 sans être au nombre des décisions refusant une autorisation dont la communication des motifs est de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 ; que cette décision est, en conséquence, soumise à l’obligation de motivation prévue par la loi du 11 juillet 1979, alors même que l’article 2 de la loi du 12 avril 1892 précitée n’impose une telle obligation que pour les retraits d’agrément ; que, dès lors, le requérant est fondé à demander l’annulation de l’article 2 de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’aux termes de l’article L 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, sur ce point, l’affaire au fond ;

Considérant que le préfet de la Seine-Maritime, dans sa lettre du 5 décembre 1994, s’est borné, pour fonder son refus d’agréer M MICHEL en qualité de garde particulier, à indiquer que, compte-tenu des éléments recueillis lors de l’enquête à laquelle il avait fait procéder, l’intéressé ne réunissait pas toutes les conditions requises pour la délivrance de cet agrément ; que cette motivation, qui ne précise aucun des éléments de faits qui ont servi de base à sa décision, ne satisfait pas aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M MICHEL est fondé à demander l’annulation de la décision en date du 5 décembre 1994 du préfet de la Seine-Maritime refusant son agrément en qualité de garde particulier ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M MICHEL a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce,et sous réserve que la SCP Delaporte, Briard, avocat de M MICHEL, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de condamner l’Etat à payer à la SCP Delaporte, Briard la somme de 15 000 F ;

D E C I D E :

Article 1er : L’article 2 de l’arrêt du 3 février 1999 de la cour administrative d’appel de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 5 décembre 1994 du préfet de la Seine-Maritime refusant l’agrément de M MICHEL comme garde particulier est annulée.

Article 3 : L’Etat versera à la SCP Delaporte, Briard, avocat de M MICHEL, une somme de 15 000 F en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M Gérard MICHEL, au préfet de la Seine-Maritime et au ministre de l’intérieur.

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