Cour administrative d’appel de Nantes, 13 mars 2003, n° 99NT00643, Société rennaise de gestion immobilière

Les immeubles appartenant à la catégorie des habitations de la quatrième famille de l’arrêté du 23 mai 1960 doivent être dotés de deux moyens d’évacuation, elles n’imposent pas nécessairement la présence de deux escaliers. Le deuxième moyen d’évacuation pour les habitants des étages inférieurs des immeubles de la quatrième famille dont le plancher bas est au plus situé à vingt-huit mètres du sol peut consister notamment en un aménagement permettant l’accès aux échelles de pompiers.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

N° 99NT00643 - 99NT01073

Société rennaise de gestion immobilière

M. SALUDEN
Président de chambre

M. GUALENI
Rapporteur

M. MILLET
Commissaire du Gouvernement

Séance du 6 février 2003
Lecture du 13 mars 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

(3ème chambre)

Vu, 1°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 avril 1999 sous le n° 99NT00643, présentée pour la Société rennaise de gestion immobilière (S.R.G.I), agissant en sa qualité de syndic de la copropriété des Rives de l’Ille, dont le siège est 2, villa Bourg l’Evesque à Rennes (35000), par Me TOUSSAINT, avocat au barreau de Rennes ;

La société demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 96-2799 du 10 février 1999 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 17 septembre 1996 par laquelle le maire de Rennes a mis en demeure le syndicat de copropriétaires de procéder à la réalisation des travaux de mise en sécurité de l’immeuble "Le Penthièvre" ;

2°) d’annuler la décision susmentionnée ;

3°) de condamner la ville de Rennes à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu, 2°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 avril 1999 sous le n° 99NT01073, présentée pour la Société rennaise de gestion immobilière (S.R.G.I), agissant en sa qualité de syndic de la copropriété des Rives de l’Ille, dont le siège est 2 villa Bourg l’Evesque à Rennes (35000), par Me TOUSSAINT, avocat au barreau de Rennes ;

La société demande à la Cour :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 99-791 du 18 mai 1999 par lequel le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce qu’il ordonne une expertise relative aux travaux à exécuter en vue de mettre l’immeuble Le Penthièvre en conformité à la réglementation en vigueur pour les ouvrages de ce type ;

2°) d’ordonner l’expertise sollicitée ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu l’arrêté du 23 mai 1960 relatif à la protection des bâtiments d’habitation contre l’incendie, à la sécurité et à la sauvegarde des personnes en cas d’incendie, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 février 2003 :
- le rapport de M. GUALENI, premier conseiller,
- les observations de Me CAILLET, avocat de la Société rennaise de gestion immobilière,
- les observations de Me POTIRON, substituant Me MARTIN, avocat de la ville de Rennes,
- les observations de Me LEVY, avocat de la société Portimmo,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées nos 99NT00643 et 99NT01073 de la Société rennaise de gestion immobilière sont relatives au même litige ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’un même arrêt ;

Sur la requête n° 99NT00643 :

Considérant que le 17 septembre 1996 le maire de Rennes, après avis de la commission départementale de sécurité, a mis en demeure la société requérante de faire réaliser les travaux de mise en sécurité de l’immeuble "Le Penthièvre", qui comprend vingt et un étages dont le dernier se situe à environ 60 mètres au-dessus du sol accessible par les engins de secours et dispose d’un escalier de secours desservant les habitants situés entre le huitième et le vingt et unième étage ; que les travaux de mise en sécurité dont la réalisation est ainsi prescrite tendent à remédier, d’une part, à l’absence d’escalier de secours entre les premier et huitième étages, d’autre part, à l’absence de désenfumage dans l’escalier de secours existant, enfin, à l’insuffisance du désenfumage de l’escalier principal et des conditions d’évacuation des appartements situés au vingt et unième étage ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 1er de l’arrêté du 23 mai 1960 susvisé, relèvent de la troisième famille les habitations de plus de trois niveaux habitables dont le plancher bas du dernier niveau habitable n’est pas situé à plus de vingt-huit mètres au-dessus du sol utilement accessible aux échelles de pompiers, tandis que relèvent de la quatrième famille les immeu-bles de plus de trois niveaux habitables qui ne répondent pas à la condition précitée de hauteur du plancher bas du dernier niveau habitable ; qu’aux termes de l’article 6 du même arrêté : "Dans les habitations de la troisième famille, dans tous les cas où un groupe de logements est desservi par un seul escalier, l’implantation des bâtiments doit permettre l’accès facile des secours extérieurs, notamment des grandes échelles des sapeurs-pompiers. A défaut, il doit être prévu des dispositifs particuliers de construction (coursives à l’air libre à certains niveaux notamment) permettant d’assurer l’évacuation des personnes. Les ascenseurs ne sont pas considérés comme un moyen d’évacuation." ; que, selon les dispositions de l’article 7 : "Dans les habitations de la quatrième famille, les bâtiments doivent disposer au minimum de deux moyens d’évacua-tion accessibles l’un et l’autre à tous les occupants et non susceptibles d’être rendus inutilisables simultanément du fait des flammes ou des fumées. Un de ces moyens d’évacuation doit être un escalier propre à l’immeuble. ...si les immeubles sont dotés d’un deuxième escalier, la largeur de celui-ci peut être réduite à 0,80 mètres. ...L’interposition à chaque étage d’une coupure à l’air libre entre la porte d’accès à l’escalier et les portes des logements dispense d’aménager deux moyens d’évacuation distincts. Cette coupure peut être constituée par une terrasse, un balcon, une passerelle ou tout autre dispositif largement ouvert à l’air libre à sa partie supérieure. Les ascenseurs ne sont pas considérés comme un moyen d’évacuation..." ;

Considérant, en premier lieu, que s’il résulte des dispositions précitées que les immeubles appartenant à la catégorie des habitations de la quatrième famille doivent être dotés de deux moyens d’évacuation, elles n’imposent pas nécessairement la présence de deux escaliers ; que le deuxième moyen d’évacuation pour les habitants des étages inférieurs des immeubles de la quatrième famille dont le plancher bas est au plus situé à vingt-huit mètres du sol peut consister notamment en un aménagement permettant l’accès aux échelles de pompiers ; que, dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que le maire de Rennes ne pouvait, par sa mise en demeure du 17 septembre 1996, lui prescrire la réalisation d’un deuxième escalier pour les étages inférieurs de l’immeuble "Le Penthièvre", appartenant à la catégorie des habitations de la quatrième famille, sans méconnaître les dispositions précitées de l’arrêté du 23 mai 1960 ;

Considérant, en second lieu, que si la Société rennaise de gestion immobilière soutient, dans un mémoire enregistré au greffe de la Cour le 29 mars 2002, qu’aucune disposition de l’arrêté susvisé n’impose de dispositif de désenfu-mage dans les escaliers principaux ou de secours des bâtiments de la quatrième famille, ces prétentions, présentées tardivement et pour la première fois en appel, sont irrecevables ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en tant qu’elle concernait la mise en demeure de réaliser un escalier de secours pour desservir les étages inférieurs de l’immeuble ;

Sur la requête n° 99NT01073 :

Considérant que du fait de l’annulation par le présent arrêt de la mise en demeure de réaliser un deuxième escalier de secours, la mesure d’expertise relative à la nature et au coût des travaux de mise en conformité est devenue sans objet ; que les conclusions de la société Portimmo, liquidateur de la société Semicle, tendant à être garantie par l’Etat, sont, en tout état de cause, également ainsi devenues sans objet ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant, en premier lieu, que ces dispositions font obstacle à ce que la Société rennaise de gestion immobilière, qui n’est pas la partie perdante dans les présentes instances, soit condamnée à payer à la ville de Rennes la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, en second lieu, qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions, de condamner la ville de Rennes à payer à la Société rennaise de gestion immobilière une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 10 février 1999, en tant qu’il a rejeté la demande de la Société rennaise de gestion immobilière portant sur la mise en demeure de réaliser un escalier de secours entre le premier et le huitième étage de l’immeuble "Le Penthièvre", ensemble et dans cette mesure la mise en demeure en date du 17 septembre 1996, sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 99NT00643 de la Société rennaise de gestion immobilière est rejeté.

Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 99NT01073 de la Société rennaise de gestion immobilière ainsi que sur l’appel en garantie présenté dans cette instance par la société Portimmo, liquidateur de la société Semicle.

Article 4 : La ville de Rennes versera à la Société rennaise de gestion immobilière une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la ville de Rennes tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la Société rennaise de gestion immobilière en sa qualité de syndic de la copropriété des Rives de l’Ille, à la ville de Rennes, à la société Portimmo, liquidateur judiciaire de la société d’économie mixte locale Semicle et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1964